J’aime bien les voyages en train. Prendre le train, ce n’est pas seulement aller d’un point A à un point B. C’est aussi retrouver chaque fois un peu de la magie de l’âge d’or des chemins de fer. Peu importe que vous alliez à Laroche-Migennes ou à Limoges-La Souterraine, dans votre tête, c’est comme si vous preniez le Transsibérien, l’Orient-Express ou le Train Jaune, vous pensez aux noms prestigieux du passé, Compagnie des Wagons Lits ou Darjeeling Himalayan Railway, vous plongez dans l’ambiance des vieux romans anglais, Hercules Poirot et Sherlock Holmes sont assis en face de vous.
Prendre le train, c’est aussi se retrouver pour quelques heures enfermé entre quatre tôles en compagnie de ses congénères. Claude Lévi-Strauss disait des traversées transatlantiques que la fréquentation obligée des autres voyageurs était le châtiment pour expier l’outrage fait à la nature de voyager sans avoir à remuer ses membres. Et quoiqu’un Paris Clermond-Ferrand soit plus rapide et moins monotone qu’un Cherbourg New-York, sa remarque s’applique tout à fait au train.
Une fois, je me suis retrouvé assis à côté d’un autrichien – son accent l’avait trahi lorsqu’il s’était excusé de devoir me faire me lever pour rejoindre sa place. Il resta silencieux pendant une bonne partie du voyage ; puis, alors que le panache de vapeur de Nogent-sur-Seine se profilait à l’horizon, il me demanda soudain :
— Excusez-moi, c’est une centrale nucléaire, qu’on voit là-bas ?
— Oui, c’est bien ça.
— Oh, c’est la première fois que j’en vois une ! Vous savez, chez nous, il y en a très peu, alors on n’a pas souvent l’occasion d’en croiser…
La discussion s’engagea alors pour de bon. J’appris ainsi qu’il était réalisateur, qu’il vivait à Rome et qu’il se rendait en Auvergne pour faire des repérages pour un tournage. Devant mon insistance à savoir le genre de film qu’il faisait, il m’avoua en de longues périphrases qu’il s’agissait de films plutôt spécialisés et destinés à un public adulte… Voyant que je n’étais pas horrifié par cette révélation, il me confia qu’il avait lui-même été, dans sa jeunesse, acteur porno. Ces bases étant posées, la discussion dériva sur des sujets aussi variés que l’histoire de l’art, les langues étrangères, la théologie (il avait fait le séminaire dans sa jeunesse et le passage en gare de Nevers lui remit en mémoire la vie de Bernadette Soubirous), l’homosexualité des politiciens autrichiens d’extrême-droite, ou la beauté des musées florentins. Peut-être n’était-il qu’un gros mythomane ; peu importe, la discussion fut fort réjouissante et meubla très agréablement mon voyage.
Hier, mon voisin de siège était un quinquagénaire qui passa tout le trajet à discuter de voyage astral au téléphone. Le nombre de gens qui l’appelaient, son ton très paternaliste, son vocabulaire pseudo-spirituel, le style des conseils qu’il donnait, tout cela m’amena rapidement à penser qu’il dirigeait une association de développement personnel tendance New Age. Ou une secte. Un authentique gourou ! Il avait un épais bouquin sur les genoux qui j’en étais sûr, allait me donner des indices décisifs sur le personnage ; mais malgré mes efforts, je n’ai pas réussi à en lire le titre, écrit sur la couverture opposée au côté où je me trouvais, ni un seul paragraphe, imprimé en caractères trop petits.
Le sommet du n’importe quoi fut atteint lorsque, s’adressant à sa femme assise un siège plus loin, il expliqua que tous ces coups de téléphone le fatiguaient énormément. À cause des ondes, vous comprenez. Les ondes du portable, qu’il sentait pénétrer dans sa tête et lui paralyser toute la moitié du corps ; et il accompagnait ces phrases de grands gestes pour « dégourdir » sa jambe et son bras droits endoloris. Je me gardai bien de lui révéler l’existence du croisement des voies nerveuses dans le tronc cérébral, qui fait que dans l’hypothèse hasardeuse où les ondes lui auraient effectivement grillé les neurones de l’hémisphère droit, côté où il tenait son téléphone, il aurait plutôt dû se retrouver paralysé du côté gauche. Psychologiquement, il ne se serait jamais remis d’un tel ébranlement de ses certitudes…
En ce jour du solstice d’hiver, je vais me laisser aller à une douce paresse intellectuelle et suivre mollement la mode eschatologique, puisque je vais parler de fin du monde. C’est une remarque lue ça et là qui m’y pousse et qui dit en substance : de toute façon, la fin du monde à une date aussi précise que le 21 décembre 2012, ce n’est pas possible, la Terre ne peut pas disparaitre comme ça du jour au lendemain.
Repentez-vous et faites pénitence, car en vérité je vous le dis : si, c’est possible. En tout cas, je connais au moins un moyen (il y en a peut-être d’autres), dont l’efficacité est aussi redoutable que la probabilité de survenue n’est pas nulle. Je veux parler d’une collision avec un astéroïde.
Notre système solaire est plein de cailloux, résidus de la lointaine époque de sa formation. Les plus petits ont une taille de l’ordre du millimètre (voire moins) et sont extrêmement nombreux. Ce sont eux qui, en entrant dans notre atmosphère lorsque la Terre croise leur route, provoquent les étoiles filantes. Les plus gros font quelques dizaines ou centaines de kilomètres et sont bien sûr beaucoup plus rares ; les lois de la gravitation étant ce qu’elles sont, de tels monstres ont aussi beaucoup moins de chances de croiser notre route. En gros, d’après les observations historiques et géologiques, on a :
Deux à trois cents fois par an, des météorites de quelques centimètres à quelques mètres de diamètre tombent sur Terre. Les zones habitées étant rares par rapport aux océans et aux étendues désertiques à la surface de la planète, les accidents sont rarissimes, d’autant plus que ces bolides explosent souvent dans l’atmosphère et seuls de petits fragments atteignent le sol. On a par exemple la trace d’impacts en 1979 dans l’Océan Indien, en 2002 en Méditerranée, en 2008 au Soudan… La plupart passent probablement inaperçus.
Une à deux fois par siècle, une collision avec un astéroïde d’environ 50 mètres de diamètre. Ils provoquent des événements de type Toungouska ou Meteor Crater.
Une fois par millénaire, une collision avec une astéroïde d’environ 100 mètres de diamètre. Un tel impact dégage une énergie de l’ordre de 100 mégatonnes, soit 6500 fois la bombe d’Hiroshima environ. Ce qui doit être suffisant pour raser la région parisienne, si Dame Nature vise bien…
Une fois tous les 300 000 ans environ, une collision avec un astéroïde de taille kilométrique. On estime que si cela arrivait aujourd’hui dans une zone habitée, les pertes humaines seraient de l’ordre de 100 millions de morts.
Enfin, une fois tous les 100 millions d’années environ, une collision avec un astéroïde de taille supérieure à 10 kilomètres. Les conséquences se mesurent alors à l’échelle planétaire, avec une probable extinction de masse de la plupart des espèces vivantes. Dernier événement connu de cette ampleur : un impact dans le Golfe du Mexique il y a 65 millions d’années dont on pense qu’il est responsable de la fin des dinosaures.
De telles collisions sont-elles possibles du jour au lendemain, sans aucun signe avant-coureur ? Il y a 20 ans, j’aurais sans aucun doute répondu par l’affirmative : on ne savait à peu près rien des astéroïdes géocroiseurs. Depuis, les astronomes se sont intéressés à la question et des projets de recherche visant à les recenser tous, notamment par radar, ont été développés. On estime connaître aujourd’hui environ 90 % des objets pouvant présenter une menace, comme par exemple l’astéroïde Apophis qui a fait parler de lui il y a quelques années. Les risques sont donc mieux maitrisés, mais il reste encore 10 % d’inconnus.
D’autant plus que prévoir la trajectoire de tels objets plusieurs décennies à l’avance est très complexe. Le nombre d’interactions gravitationnelles à prendre en compte est considérable, on ne les connait d’ailleurs même pas toutes. Des impondérables peuvent aussi survenir : collisions, apparition d’une comète encore inconnue qui par son influence gravitationnelle va perturber les trajectoires des astéroïdes, éruptions solaires dont le flot de particules va freiner ou accélérer les objets les plus légers, etc. Enfin, le calcul est fait par intégration numérique, un mode qui est très sensible aux petites imprécisions initiales parce qu’elles ont tendance à s’accumuler dans le temps. Ainsi, une erreur infime sur la vitesse mesurée aujourd’hui d’un astéroïde pourra par exemple signifier une erreur de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres sur sa position prévisionnelle dans 50 ans ; or, des dizaines de milliers de kilomètres, c’est suffisant pour viser ou rater la Terre…
Que faire si l’on détecte un tel danger ? Si c’est quelques jours à l’avance, comme dans certains films catastrophes bien connus, il n’y a rien à faire. Oubliez Bruce Willis et son équipe de forage. On ne sait pas envoyer de fusée (encore moins de navette spatiale puisqu’il n’y en a plus en service…) à la rencontre directe d’un astéroïde, on ne sait le faire qu’en suivant une orbite autour du Soleil, soit un détour de plusieurs mois au minimum. De plus, une explosion nucléaire serait probablement insuffisante pour détruire l’objet et éloigner la menace. Une telle découverte impromptue a déjà eu lieu ; il ne s’agissait pour cette fois que d’un objet de quelques mètres de diamètre.
En revanche, si la menace est détectée plusieurs années à l’avance, des solutions sont possibles. Toutes sont basées sur la même idée : modifier imperceptiblement la trajectoire de l’objet de telle sorte que des années plus tard, cet écart initial s’accumulant, il devienne suffisant pour que l’objet rate la Terre. On peut par exemple envoyer une fusée très rapide s’écraser sur l’astéroïde. On peut aller faire exploser une bombe à sa surface, en espérant que la vaporisation de la roche produira un effet de propulsion par réaction. On peut envoyer un vaisseau extrêmement lourd frôler l’astéroïde, afin de le dévier par interaction gravitationnelle. On peut aussi aller poser un moteur de fusée à la surface de l’objet. On peut avoir encore tout un tas d’idées plus ou moins amusantes.
Mais bon, si une telle menace était détectée, je crois que le premier et le principal problème que nous aurions à résoudre serait de nature politique : qui fait quoi, comment, et avec quel budget…
Je ne comprends pas pourquoi le PS appelait à manifester. Dites, les députés et les ministres de la majorité, c’est votre projet de loi, c’est à vous de mouiller la chemise pour le défendre. C’est à vous de vous montrer dans les médias, de répondre aux détracteurs de tous poils, de démystifier, d’argumenter. C’est à vous de montrer que vous y croyez. C’est à vous de montrer que votre projet de société a du sens. C’est à vous de pointer l’incohérence de l’UMP qui appelle au débat tout en n’envoyant personne participer à celui organisé en ce moment même par la Commission des Lois à l’Assemblée Nationale. C’est à vous de nous aider à nous défendre contre le flot d’injures qu’on se prend dans la gueule depuis des mois.
À la place de quoi, on a quelques timides interventions d’une ministre par-ci, d’une secrétaire d’état par-là… Principalement des femmes, d’ailleurs. Si ça continue, je vais finir par croire que les mecs du PS considèrent que défendre les homos est risqué en terme d’image. Ca ne m’étonnerait tellement pas. Sans parler de notre bon Président qui gaffe sur la liberté de conscience des maires tout en disant qu’il est favorable à la PMA, mais en fait non, et d’ailleurs ça n’apparait pas dans le projet de loi du gouvernement parce qu’il est pour, mais il préfère que ce soit le parlement qui dépose un amendement. Allô ? Quelqu’un comprend ? Sérieusement ? Quand Mitterrand disait qu’il croyait aux forces de l’esprit, il ne parlait probablement pas de l’esprit de Hollande…
Bref, nous avons manifesté dimanche dernier pour nos droits, puisqu’il faut en passer par là pour donner des couilles une légitimité au PS. Une manifestation bon enfant, sans débordement, sans violence. Dans la masse, certes, quelques slogans agressifs vis-à-vis des Boutin, Barjot, Vingt-Trois et autres, mais en même temps, ils le cherchent bien : quand on se présente en égérie des promoteurs d’une discrimination, il faut s’attendre à des réactions musclées de la part des gens qu’on discrimine. Contrairement à ce dont on nous accuse, aucun slogan « hétérophobe » ou « cathophobe ». Si tant est que ces mots aient un sens. Le racisme, l’homophobie, l’antisémitisme, ce sont beaucoup moins des comportements individuels qu’une structuration de la société qui vise à discriminer une catégorie de personnes ; or, notre société n’est [b]pas[/b] structurée pour discriminer ni les hétéros ni les cathos. (Ni les Blancs, n’est-ce pas, mon petit Jean-François Pain-Au-Chocolat Copé ?) Il faut dire que les risques de dérapage sont limités par le fait que nos revendications se tiennent du bon côté de la morale et de l’Histoire. Nous, il n’y a pas besoin de donner des consignes aux manifestants pour éviter les slogans haineux…
Le copain n’avait jamais manifesté de sa vie. Ah, ces provinciaux ! Je lui ai donc tout bien expliqué, qu’il fallait découper des trous dans les A, les D, les P, les Q ou les R des banderoles pour que le vent puisse passer à travers, qu’il fallait marcher sur la chaussée plutôt que sur les trottoirs sinon on n’est pas comptabilisé par les flics des RG…
On ne s’est pas trop attardé après l’arrivée à Luxembourg. Je n’étais pas très en forme, et accessoirement assez énervé de n’avoir réussi à retrouver personne de mes connaissances sur le trajet, du fait de l’acharnement du réseau GSM à refuser d’acheminer mes SMS. (Allez, tous ensembles, on fait les cornes à Orange, Bouygues, SFR et Free : hou les corneuh, hou les corneuh !).
Rendez-vous le 27 janvier. Et cette fois-ci, avec les copains et les copines, on sera prévoyant, on se retrouvera avant la manifestation…
— Je vais commencer par vous projeter quelques images du Vendée Globe et puis après, on discutera de ce qu’on a vu.
C’est la nouvelle lubie des managers modernes. Le Team Meeting. Une fois par mois, une journée entière au boulot, mais on ne bosse pas, on est juste là pour renforcer l’esprit d’équipe. Le matin, on réfléchit sur nos méthodes de travail, ce qu’on doit améliorer, ce qu’on doit jeter ; l’après midi, on organise un tournoi de bowling, ou bien un laser game ou bien une course de karts.
Un tournoi de bowling entre collègues. Vous imaginez ma joie. Bref. Une vidéo du Vendée Globe. Je me penche vers mon voisin : « Tous aux abris, gros bullshit en approche ! » Il acquiesce tandis que la vidéo démarre. Pendant dix minutes, un gros catamaran qui affronte des vagues, avec des mecs en ciré jaune qui courent partout sur le pont pour tourner des manivelles. Puis on discute. Alors, qu’est-ce que ça nous évoque ?
Travail d’équipe. Dépassement de soi. Contrôle du risque. Adaptation au changement. Record. Performance. Entraide. Qualité. Le cap. Très important, le cap. Il nous faut un cap. Sans cap, on n’arrive nulle part.
La ficelle est tellement énorme, ce n’est pas une ficelle, c’est un cordage de marine. Une aussière. Le truc assez gros pour amarrer un porte-avion. Le manager reprend la parole.
— Eh bien vous savez quoi ? Moi, je pense que tout ce qu’on vient de dire à propos de ce voilier, ça s’applique également à notre entreprise.
NON, SANS BLAGUE ! Je l’avais pas vue venir, celle-là ! Je ne m’attendais tellement pas à cette conclusion ! J’en reste sans voix ! Heureusement d’ailleurs, parce que s’il m’était resté de la voix à cet instant, j’aurais sans doute demandé si ça voulait dire que désormais, on devait venir travailler en ciré jaune…
Je me demande ce qui me désespère le plus, qu’un manager réussisse à nous sortir autant de bullshit à la minute, ou que la moitié de la salle gobe sans réagir. En tout cas, je ne serai pas complice de ça : il y a quinze jours, j’ai démissionné de mon poste de manager.
Le polonium 210 est un élément lourd radioactif, naturellement présent à l’état de traces sur notre planète. Il provient de la désintégration du radon 222, qui lui même provient, après une série de désintégrations successives, de l’uranium 238. On le trouve notamment dans la fumée de cigarette : le tabac est une plante qui fixe bien les éléments lourds, or il se trouve que les engrais utilisés pour fertiliser les sols contiennent des phosphates qui sont extraits de mines où se trouvent des traces d’uranium.
Le polonium 210 a une demi-vie assez courte, environ 138 jours. Il se désintègre spontanément en émettant un rayonnement α pour donner du plomb 206. Ce dernier est un élément stable et répandu dans la nature, puisque 25 % environ du plomb existant dans l’univers est du plomb 206.
Le polonium 210 est très toxique. La dose létale est de l’ordre de quelques dizaines de nanogrammes. Disons pour arrondir, un dix millionième de gramme. C’est mille fois plus toxique que le venin du poisson fugu qui fait tant frissonner les Japonais et à peu près du même ordre de grandeur que la toxine botulique.
On va donc prélever des fluides sur le cadavre de Yasser Arafat pour savoir si, comme Alexandre Litvinenko en son temps, il a été empoisonné au polonium 210 par de quelconques services secrets. La mort remonte à 2939 jours, soit une durée équivalente à 21,24 demi-vies de ce radioélément. S’il y a eu un jour du polonium dans le corps du leader palestinien, il en reste donc aujourd’hui 2475000 fois moins. De plus, le polonium a dû se répartir dans le foie, la rate, les reins, peut-être aussi dans les os ; mais j’imagine qu’on ne va prélever que quelques centimètres cubes de fluide par-ci par-là, donc une petite partie seulement de ce polonium restant.
Tout ça mis bout à bout, et compte tenu du fait que si empoisonnement il y a eu, la dose initiale devait être de l’ordre du dix millionième de gramme, les labos qui vont procéder à l’analyse auront au mieux 0,01 picogrammes de polonium 210 à se mettre sous la dent. Soit un centième de millionième de millionième de gramme.
On m’a demandé l’intégrale des textes que j’ai pu écrire sur l’homosexualité (oui, rien que ça !). Un petit tour dans mes archives m’a révélé un tas de textes disparates, parfois redondants, souvent datés… Je ne pouvais pas les envoyer en l’état.
J’ai donc procédé à un tri. J’ai supprimé les textes portant sur les sujets qui ne font plus débat aujourd’hui – ce dont on peut se féliciter, cela veut dire que les causes LGBT avancent. J’ai ajouté en introduction un texte déjà paru ici sur les minorités face à la République, que j’ai augmenté de quelques paragraphes pour l’occasion ; ainsi que quelques chapitres inédits sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Un soupçon de mise en page propre, des illustrations, et voilà : le Petit Manuel de Gayrilla au format PDF.
L’ensemble me parait assez maladroit et je comptais le diffuser au compte-goutte. Mais le copain m’a convaincu qu’il n’en était rien. Et puis en cette funeste journée où cent mille personnes ont défilé dans les rues contre nos droits, un peu de littérature homophile vous fera le plus grand bien. Alors voilà, c’est en ligne. Bonne lecture !
Je cherche une reproduction libre de droits d’une gravure ancienne précise (une carte du ciel dessinée par Albrecht Dürer pour être exact). Et je n’en trouve pas. Tous les gens qui ont eu accès à ce document et qui ont pu le photographier ne le proposent qu’en mode « droits réservés ».
La logique dans la tête de ces gens me dépasse. Celui dont les photos représentent un travail ou une recherche personnelle, celui dont les photos sont remarquables (ou simplement uniques) de par la technique, le cadrage, la composition, le sujet, le traitement, etc., il est tout à fait normal qu’il prétende à un droit à la propriété intellectuelle.
Mais celui qui n’a rien fait d’autre que d’ouvrir un bouquin de gravures et en photographier une page, sa photo n’a aucun autre intérêt que la gravure qu’elle reproduit, autrement dit, cent pour cent du boulot qui rend sa photo intéressante n’a pas été fait par lui, mais par un autre.
Alors qu’il ait le culot d’exiger davantage qu’une simple citation de son nom en cas de reproduction, franchement, j’ai un peu envie de lui faire bouffer le Code de la Propriété Intellectuelle par le fondement.
La compétitivité, ou comment inventer un problème qui n’existe pas et inviter dans tous les médias des gens qui n’y connaissent rien pour en parler. (Bon d’accord j’exagère un peu, mais la façon dont le sujet est traité m’énerve tellement, avec ces journalistes capables de présenter un reportage qui montre que la France est le quatrième pays du monde attirant le plus les investisseurs étrangers, et une minute plus tard servir la soupe à un UMPiste qui va hurler au manque de compétitivité, que je n’ai pas envie de faire dans la dentelle.)
Déjà, il y a cette façon dont le patronat essaie de faire croire que les cotisations sociales seraient en fait des charges sociales. Il y a là une grosse arnaque sémantique. Les textes de loi parlent bien de cotisations, un mot qui évoque l’idée de pot commun, de solidarité, d’entraide ; et non de charges, un mot qui évoquerait plutôt une peine, un frein, une entrave.
Mais il y a surtout un grand mépris du salarié. Ami patron, quand tu emploies un salarié, tu n’achètes pas son travail. Tu achètes une part importante de sa vie. Bien sûr, il y a quelques planqués ; mais il ne faudrait pas que ça cache que la plupart des salariés travaillent dur, se lèvent tôt, rentrent tard, et dans un état de fatigue tel que beaucoup n’ont guère envie de faire autre chose de leurs soirées que s’abrutir devant la télé. (Je pense qu'il ne faut pas chercher ailleurs le succès de TF1…)
Oui, ami patron, quand tu paies un salarié, tu n’achètes pas un service ou un produit fini, tu achètes un être humain. Un être humain entier, pas seulement trente-cinq ou trente-neuf heures par semaine, mais aussi toutes les soirées où il est trop défoncé par sa journée de boulot pour que ce temps lui appartienne vraiment, toutes les nuits d’insomnies à cause du stress provoqué par ton management de merde, et je passe sur les maladies professionnelles.
Et figure-toi que l’être humain que tu achètes, ami patron, il n’est pas parfait. Il y a des jours où il tombe malade, il y a des jours où il a des priorités familiales, il y a un âge où il doit s’arrêter de travailler. Et pourtant, tous ces jours-là de non-productivité, il doit quand même manger et payer son loyer. Quand tu paies un salarié, ami patron, tu paies aussi les assurances qui couvriront tous ces jours-là où il sera absent, où il ne produira rien, où il ne te rapportera rien. Ca en fait partie, tu ne peux pas dissocier la vie de ton salarié du travail qu’il produit, tu ne peux pas choisir de payer pour une chose mais pas pour l’autre. C'est un package. « Ne peut être vendu séparément » comme on dit.
Alors, ami patron, maintenant, tu vas arrêter de nous les briser menues avec ton choc de compétitivité, tu vas respecter les êtres humains qui produisent la valeur ajoutée avec laquelle tu rémunères tes actionnaires et tu vas payer tes cotisations sociales sans faire d’histoire. Parce qu’un jour, à trop traiter les gens comme de la merde, il va t’arriver des bricoles et crois-moi, tu l’auras pas volé.
Le gros problème de la moto, c’est le manque de rangement. Impossible d’emporter quoi que ce soit qui ne rentre pas dans un sac à dos et une fois arrivé, obligation de se trimballer le casque et le blouson de moto. Au concert ou au théâtre, ça passe, il y a un vestiaire. Mais au cinéma ou au musée par exemple, c’est un peu encombrant. J’ai donc cassé ma tirelire et offert des grosses valises latérales à Kawette.
Le vendeur m’avait prévenu : le montage n’est pas très compliqué, mais il faut y aller lentement et ne pas s’énerver. Effectivement, je confirme en tous points. Ce n’est pas compliqué mais ça prend l’après-midi et on a plus d’une fois envie de tout défoncer à grands coups de clef à molette pour se défouler. Heureusement, je suis un maitre du zen, je ne m’énerve jamais et suis toujours d’une humeur égale.
En fait, le montage mécanique ne présente pas de difficulté, hormis que toutes les vis ne tombent pas pile en face et qu’il faut forcer un peu pour tout aligner. Non, le vrai problème, c’est le circuit électrique. Car ces valises imposent de déporter les clignotants quinze centimètres plus bas, or contrairement à ce qui est indiqué dans le manuel, les fils électriques qui relient les sus-dits clignotants n’ont pas les quinze centimètres de rab nécessaires. De plus, les sortir et les faire repasser par le nouveau trou impose de démonter la moitié de la partie arrière de la bécane. Heureusement, mon concessionnaire (qu’un tapis de pétales de roses parfumées se dépose sur son chemin) nous a bien aidé, notamment en m’offrant gracieusement de quoi rallonger les fils trop courts.
Premier essai le week-end dernier, en allant rejoindre le copain au château de Sully-sur-Loire. Le grand luxe ! Il y a tellement de place qu’en plus des fringues et de l’appareil photo, j’ai même pu emmener ma thermos de thé à la bergamotte. (Avantage du thé : ça réchauffe après deux heures de vent glacial à 130 km/h dans la tronche. Inconvénient : ça fait pisser tous les cinquante kilomètres, ce qui n’est pas hyper pratique avec l’équipement de moto qui complique l’accès à la braguette.)
Par contre, les dix kilos de plus en hauteur de chaque côté modifient sensiblement l’équilibre de la moto à basse vitesse. Et puis la largeur n’est pas compatible avec les embouteillages parisiens. Sans parler de l'esthétique douteuse. Du coup, je pense que ces valises ne quitteront le garage que pour les soirées parisiennes et les week-end en province.
Le journal Libération publie aujourd’hui une tribune du collectif La Barbe réclamant la suppression du chiffre indiquant le sexe dans le numéro de Sécurité Sociale. Cet article est à mon avis une erreur de communication. Les idées affichées sont trop « énormes », trop provocantes, trop déstabilisantes pour qui n’a jamais étudié ces questions. En plus, il se focalise sur un point de détail, le numéro de Sécurité Sociale, au lieu de parler du problème de fond général, à savoir la mention du genre des individus dans les documents administratifs.
Malgré tout, je ne m’attendais pas à autant de commentaires négatifs. Le rejet est massif, tant dans les commentaires que sur Twitter. Des amis m’ont même tenu des discours qui m’ont stupéfait, dans le style : « On ne va pas s’emmerder à changer un truc qui existe depuis longtemps et qui me convient très bien à moi, juste pour faire plaisir à une minorité ». Autrement dit, exactement le même argument que celui qu’utilise l’UMP pour s’opposer à l’ouverture du mariage aux homosexuels. Hé, les potes pédés, ça ne vous pose pas un problème d’employer contre les autres les arguments débiles qu’on utilise habituellement contre vous ? Moi si.
La question soulevée par cet article est pourtant très intéressante. Sur tous nos documents administratifs figure notre genre. À quoi cela sert-il ? Probablement pas à grand-chose, dans les rares cas où cette information serait utile, elle pourrait être obtenue par un moyen plus spécifique. Et surtout, il n’y a que deux cases possibles et l’appartenance à une case ou à l’autre n’est pas un choix de l’individu, ni même de la Nature qui nous fait naître avec un pénis ou un vagin ; mais du ressort de l’État. C’est l’officier de l’état-civil qui coche la case et sa décision est souveraine. Il faut un juge pour la modifier.
C’est choquant. Que vient faire la justice dans cette histoire ? Si mon sexe biologique ne correspond pas au genre auquel j’ai le sentiment d’appartenir, pourquoi faut-il une enquête de police et le pouvoir d’un juge pour m’expliquer que c’est bien ou mal, que j’ai le droit – ou pas – de me sentir homme ou femme ? (En pratique, c’est même bien pire que cela, la loi française étant une des plus barbares en la matière : les juges n’acceptent le plus souvent un changement de genre à l’état-civil qu’après un long parcours psychiatrique et une opération chirurgicale mutilatrice.)
Contre cette ineptie, et dans le contexte de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe qui tend à faire penser que le législateur comprend enfin que ni le sexe ni le genre des individus ne sont vraiment importants, cette proposition du collectif La Barbe me paraît tout à fait sensée et digne d’intérêt.
Franchement, à part une résistance au changement mal placée, que votre numéro de Sécurité Sociale soit tiré au sort ou fabriqué à partir d’informations signifiantes, qu’est-ce que ça peut bien vous foutre ?
On dit souvent que le français est une des plus belles langues du monde, mais tout de même, le linguiste manqué à l’intérieur de moi trouve qu’il y a dans les autres langues tout plein de gadgets amusants qui font cruellement défaut au français.
À l’exception de sa variante parlée dans le sud, notre langue n’est pas accentuée. Toutes les syllabes se prononcent avec à peu près la même intensité et au même niveau. C’est très différent de l’anglais britannique, par exemple, où il existe des différences d’accentuation importantes entre les syllabes. Un ami serbe qui à force de vivre en France oubliait petit à petit sa langue maternelle me racontait que lorsqu’il retournait au pays, il plaçait parfois les accents toniques au mauvais endroit, ce qui le faisait passer pour le dernier des ploucs.
Notre langue ne possède pas de tons. La hauteur des voyelles, c’est-à-dire la fréquence des sons, n’est pas significative (ou alors marginalement, par exemple pour marquer une interrogation). Ce n’est pas le cas dans beaucoup de langues orientales, où la même syllabe peut avoir une signification complètement différente selon qu’elle est prononcée grave, aiguë, en faisant varier le son vers le haut, vers le bas, ou encore vers le haut puis vers le bas. Ce qui est amusant, c’est qu’on a constaté que les locuteurs natifs de ces langues tonales développaient une aptitude cérébrale particulière à la reconnaissance des fréquences sonores ; du coup, ils ont plus souvent que les autres l’oreille absolue. Une étude a montré qu’après un an au conservatoire de musique, 60 % des élèves chinois ont l’oreille absolue, contre seulement 14 % des élèves américains.
Notre langue n’est pas flexionnelle. La fonction d’un mot (auteur de l’action, bénéficiaire de l’action, outil utilisé pour faire l’action, moment de l’action, lieu de l’action, etc.) est seulement indiquée par sa position dans la phrase et par quelques prépositions. Par exemple, le sujet se reconnait typiquement au fait qu’il est avant le verbe et les compléments au fait qu’ils sont après. Au contraire, en latin, en allemand ou en russe, la position des mots dans la phrase n’est pas porteuse de sens (bien qu’elle puisse être imposée par l’usage). On distingue l’auteur, le bénéficiaire, le lieu, etc. en fléchissant la fin du mot. Ainsi le proverbe latin asinus asimum fricat où les terminaisons en -us et en -um indiquent respectivement l’âne sujet et l’âne COD.
Notre langue n’est pas non plus isolante. Les mots s’accordent en genre et en nombre, les verbes se conjuguent pour marquer la personne, le temps, le mode. En chinois mandarin, au contraire, tous les mots sans aucune exception sont invariables. C’est d’ailleurs assez logique quand on pense au système d’écriture par idéogramme, qui ne permet pas comme notre système alphabétique les modifications de la graphie d’un mot. En l’absence de conjugaison, on utilise pour marquer les temps et les modes, des périphrases, des proverbes, des expressions toutes faites. De là vient probablement la caricature classique du Chinois qui utilise de longues tirades un peu précieuses pour exprimer des choses toutes simples.
Notre langue ne possède que deux genres, le masculin et le féminin. Dans d’autres langues, comme l’anglais, l’allemand ou le latin, il existe aussi un genre neutre. Il est toutefois amusant de constater qu’à l’exception de l’anglais qui utilise une règle claire (tout ce qui n’est pas humain est neutre sauf les gros bateaux qui sont des filles), la répartition des noms entre masculin, féminin et neutre est assez aléatoire. Par exemple, on peut aussi se demander pourquoi en allemand fräulein (mademoiselle) est neutre plutôt que féminin, ou bien pourquoi le genre des choses est si souvent différent entre le français et l’italien (le dos/la schiena, je ne m’y ferai jamais !).
Notre langue n’a que deux nombres, le singulier et le pluriel. Dans d’autres langues, comme l’arabe moderne ou le grec ancien, il y a également un duel, qui sert pour les objets allant par deux. Il en subsiste une trace en anglais, avec both qui est le duel de all. D’une façon générale, le pluriel (ou le duel) est obtenu en ajoutant une marque distinctive au mot singulier (généralement un -s en français et en anglais). Le breton se distingue en faisant l’inverse : beaucoup de mots sont naturellement au pluriel, et c’est pour obtenir le singulier qu’il faut ajouter une marque. Ainsi, gwez au pluriel (des arbres) donne gwezenn au singulier (un arbre).
Notre langue n’utilise pas les classificateurs. Quand on désigne un objet, notre grammaire n’impose pas de rajouter un mot ou d’accorder le reste de la phrase selon la classe à laquelle cet objet appartient. C’est très différent en japonais, où le nom des chiffres varie en fonction du type d’objet qui est dénombré. Ainsi, on compte différemment les personnes, les oiseaux, les lapins, les petits animaux, les gros animaux, les objets fins et plats, les objets longs et cylindriques, les objets technologiques, les vêtements, les objets portés aux pieds, les liquides, les médicaments de forme ronde (pilules et autres gélules), les chapitres d’un livre, etc.
Bref, le français est une des plus belles langues du monde, mais je la trouve quand même un peu monotone.
Comme on pouvait s’y attendre, le projet de loi sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels déclenche des avalanches quasi quotidiennes de déclarations ridicules, stupides, voire insultantes. Je n’ai pas envie de revenir sur chacune d’elle en particulier, je pense que la plupart sont suffisamment idiotes pour s’auto-discréditer toutes seules. Ce qui est excessif est insignifiant. Mais j’aimerais tout de même rebondir sur quelques points.
La perte des valeurs
C’est le grand credo de Christine Boutin et des membres de son parti : accorder le mariage à tous est un signe de la perte des valeurs de notre société, cela irait même (sic) jusqu’à brouiller les repères dont nos concitoyens ont particulièrement besoin en ce moment.
Stratégie de communication classique : ce sont des phrases tellement creuses que tout un chacun peut les approuver mollement. Du simple fait que les valeurs de la jeune génération sont différentes de celles de l’ancienne, toute personne suffisamment âgée peut en déduire que les valeurs se perdent. Or non, les valeurs ne se perdent pas. Elles évoluent.
Ainsi donc, pour le Parti Chrétien Démocrate, ouvrir le mariage aux couples de même sexe serait une perte de valeurs. Mais lesquelles ? La fécondité du mariage ? Les homos ne sont pas stériles (voir point suivant). La supériorité du couple hétéro pour fonder un foyer et élever des enfants ? Plusieurs dizaines d’études montrent que c’est faux. La supériorité du couple hétéro pour fonder la société ? J’attends encore qu’on m’énumère les compétences que les hétéros apporteraient aux sociétés humaines que les homos ne pourraient apporter. La conformité du couple hétéro au schéma divin ? Un tiers des Français ne croient en aucun Dieu, il n’y a aucune raison pour que des considérations purement religieuses s’imposent à eux par le biais des lois que ces considérations inspireraient, c’est le sens même de la laïcité.
Certes, ces quelques valeurs ont pu avoir un sens par le passé, quand les homos n’osaient pas se mettre ouvertement en couple stable, quand on ignorait que les enfants n’avaient pas obligatoirement besoin de parents hétéros pour être heureux et bien éduqués, quand la majorité des citoyens étaient croyants et pratiquaient la même religion. Elles n’ont plus de sens aujourd’hui. S’en débarrasser n’est pas une perte, c’est un progrès.
Quand Christine Boutin parle de perte de valeur, elle est partiale et partielle. Partiale parce que les valeurs dont elle parle sont désuètes pour la majorité d’entre nous ; partielle parce que si elle insiste sur les pertes, elle omet totalement de parler des gains. Et en terme de valeurs, puisque c’est le sujet qui semble lui tenir à cœur, le gain est considérable : la réaffirmation d’un principe fondamental de notre République, l’égalité de tous les citoyens.
La natalité
On entend encore (plus souvent il est vrai sous la plume des commentateurs de journaux en ligne que dans la bouche des politiques) l’argument de la natalité, qui veut que l’État serait suicidaire d’encourager une forme d’union qui serait stérile.
D’abord, la natalité n’est pas un problème en France, nous faisons même partie des pays occidentaux avec les plus forts taux de natalité. À titre personnel, je n’y vois d’ailleurs rien de glorieux ni même de souhaitable : sans aller jusqu’à tomber dans le malthusianisme, il me parait plus urgent de maîtriser la natalité que de la valoriser à tout prix.
Ensuite, il est question d’autoriser les unions homosexuelles, ce qui n’est pas la même chose que de les encourager, d’autant que je ne vois pas bien comment on pourrait encourager les gens à devenir homos. (Mais j’ai déjà mentionné comment la rhétorique catholique emprunte un peu rapidement les raccourcis entre autoriser, obliger, encourager…) Et puis les homos actuels ne s’engagent pratiquement plus dans des unions hétérosexuelles faute de mieux, comme pouvaient le faire leurs aînés ; les autoriser ou non à se marier entre eux a donc une influence quasi nulle sur le nombre des mariages hétéros, ceux qui seraient prétendument bons pour l’État par la vertu de leur naturelle fécondité.
Prétendument, car union homo ou hétérosexuelle, cette question de la fécondité n’existe pas. Les homos sont juste homos, pas stériles. Rien si ce n’est la législation n’empêche les couples homos d’avoir des enfants. De fait, beaucoup en ont. Comme c’est illégal (la manipulation du sperme en dehors du corps humain pour des raisons autres que médicales est interdite), je ne vais pas vous expliquer comment on fait des bébés avec un gay, une lesbienne et une seringue… Si problème de natalité il y a, il est dû à la loi qui interdit la PMA, pas à l’orientation sexuelle des couples.
Notons d’ailleurs que ce sont ceux qui reprochent aux homos de ne pas pouvoir fonder une famille qui s’opposent aussi à l’autorisation de la PMA et de l’adoption. À tous les coups on perd ! Ils reprochent aux homos de faire baisser la natalité et en même temps s’opposent à la loi qui leur permettrait de l’augmenter. Ils accusent les homos de bafouer les droits de l’enfant à avoir un foyer « normal » et en même temps les obligent à se rabattre sur des arrangements peu satisfaisants de co-parentalité entre couples gays et couples lesbiens. Il faudrait savoir. Le problème, c’est que nous ne puissions pas avoir des enfants, ou bien que nous puissions en avoir ?
Ce n’est pas prioritaire, ça ne concerne qu’une minorité
C’est justement parce que ça concerne une minorité que c’est prioritaire. Le degré de civilisation d’une société se mesure à la façon dont elle traite ses minorités et je ne vois pas bien ce qui pourrait être plus urgent que de nous améliorer sur ce sujet où nous ne brillons guère.
Par ailleurs, étendre le mariage aux couples homosexuels fait partie de la lutte contre l’homophobie, la lutte contre l’homophobie améliore les conditions de vie des homosexuels, ce qui se traduit par un coût social et économique moins élevé : moins de maladie dues au stress, moins d’agressions physiques donc moins d’interruptions temporaires de travail, plus grand sentiment de justice donc meilleure paix sociale… Bien traiter les minorités, c’est augmenter le bien-être de tous.
Enfin, les modifications de Code Civil dont il est question ici sont ridiculement faciles à faire. Il faut juste changer l’article qui définit le mariage et ensuite, mettre une armée de juristes sur la mise en cohérence de tout le reste ; ce qui consiste principalement à remplacer partout les termes mari et femme par un terme neutre. Si le gouvernement n’a pas les moyens de faire une chose aussi simple, alors il n’a les moyens de rien faire.
En fait, ce qui prend le plus de temps dans cette histoire, c’est de ferrailler avec l’opposition. Qu’ils se calment et ça dégagera plein de temps pour s’attaquer aux fameux autres problèmes qu’ils nous disent tellement plus urgents…
Être contre le mariage n’est pas homophobe
C’est encore ce qu’essaie piteusement de démontrer un prêtre dans les pages du Monde. Mais évidemment, ça ne tient pas, il ne suffit pas de clamer partout qu’on n’est pas homophobe pour ne pas l’être.
Il n’existe aucun argument contre l’ouverture du mariage aux homosexuels qui ne sous-entende pas, quand on creuse un peu et qu’on va au fond des choses, l’idée que les hétéros seraient supérieurs aux homos. Si cette supériorité était avérée, ce serait une simple description de la réalité et je ne trouverais rien à y redire ; mais elle ne l’est pas, dans aucun domaine, et notamment pas ceux que cite ce prêtre, comme par exemple l’éducation des enfants ou la capacité à fonder une famille. C’est donc un jugement de valeur négatif, arbitraire, qui entraine une discrimination.
Le copain a passé une quinzaine de jours au Japon pour son boulot et entre autres choses, il m’a ramené une figurine de Godzilla. À moi. Un fan inconditionnel de la science-fiction des années 1950. Il ne pouvait pas mieux tomber !
Rendez-vous compte. Un vrai Godzilla ! Pas une pâle imitation, hein. La tronche de monstre préhistorique, les écailles verdâtres, la forêt de sapins des Vosges qui clignotent sur son dos quand il est énervé, tout y est. Un petit coup de photoshop par dessus et on se croirait dans un film d’époque.
Du coup, j’ai commandé le film, l’original, le premier de la saga, celui de 1954. Ca n’a pas été facile puisqu’il n’est plus édité en France et que les versions que l’on trouve à l’import n’ont évidemment pas de sous-titres en français. Je me suis rabattu sur la version proposée par le British Film Institute qui présente le double avantage de respecter le montage original (la version habituellement diffusée en Occident est légèrement remaniée) et d’avoir des sous-titres dans une langue compréhensible, à savoir l’anglais.
L’histoire : l’explosion de la bombe H à Nagasaki réveille un monstre préhistorique qui dormait jusque-là bien peinard au fond du Pacifique. La bestiole, très énervée, passe ses nerfs en coulant tous les bateaux qui passent à sa portée. Irrité, le gouvernement nippon déclare la guerre au monstre. Hélas, rien ne l’arrête, ni les armes conventionnelles, ni les avions de chasse, ni la clôture électrifiée géante bâtie pour l’occasion. Tokyo est détruite. Sur ces entrefaites, un scientifique découvre de façon fortuite une arme sous-marine qui pourrait venir à bout de Godzilla, mais traumatisé par ce que la science, mal utilisée, a permis à Hiroshima, il refuse de divulguer les secrets de son invention…
La première chose qui saute au yeux est que le style cinématographique est celui du cinéma soviétique d’avant-guerre. Il y a le noir et blanc de mauvaise qualité (la pellicule solarise, c’est à dire que les noirs et les blancs s’inversent quand les conditions d’éclairage deviennent trop fortes), les objectifs qui vignettent dans les coins, le scénario est bourré de messages de propagande, les acteurs sur-jouent à mort… On retrouve même des trucs d’Eisenstein, sa façon d’enchainer les champs contre-champs, ou encore sa façon de filmer les visages en gros plan. La musique est du même tonneau, on jurerait du Chostakovitch. Le contraste est violent avec le cinéma américain de la même époque. En 1956, Hollywood sort le cultissime Forbidden Planet : c’est en technicolor, le scénario est intelligent (une sorte d’adaptation en space-opera de La Tempête de Shakespeare), les acteurs ont un jeu naturel et moderne, les effets spéciaux sont potables, la musique fait appel aux techniques électro-acoustiques.
L’autre chose qui saute aux yeux, c’est que les Japonais ont été traumatisés par la dernière guerre. Le nucléaire est omniprésent, le monstre est radioactif, il y a des compteurs Geiger partout. La scène de la destruction de Tokyo est évidemment une référence à la destruction d’Hiroshima et Nagasaki, on croirait même certains plans, comme ces longs travellings sur les rescapés en guenilles, tirés des archives d’époque que l’on a tous vues dans divers documentaires. On trouve aussi le thème du scientifique qui refuse de divulguer ses découvertes de peur que les militaires en fassent une arme de destruction massive – une attaque à peine voilée contre les physiciens du projet Manhattan.
Malgré cette pique contre les États-Unis, c’est un Japon déjà très occidentalisé que l’on découvre. Le costume cravate y est largement plus répandu que le kimono et sur un des bateaux où un bal est donné, c’est sur de la musique américaine que garçons et filles dansent, flirtent et s’enlacent.
On se demandera quand même par quel mystère un film de série B tel que celui-là a pu enfanter une aussi riche descendance : une cinquantaine de films (aussi bien japonais qu’américains), des jeux vidéos, des bandes dessinées… Et des milliers de produits dérivés, tels que la figurine qui trône désormais dans ma bibliothèque !
Quelques citations peu connues (et néanmoins rigoureusement exactes) de quelques personnages célèbres de la Seconde Guerre Mondiale.
« Nous allons rendre fous des millions de salariés. Nous allons faire perdre des journées entières de travail à des millions d’entreprises. Pour cela, nous allons écrire le logiciel le plus anti-ergonomique et le moins intuitif jamais développé. Nous l’imposerons à 95 % des entreprises mondiales. Et nous l’appellerons : Excel. » – Adolf Hitler
« Dans Excel, il faudrait que les flèches droite et gauche du clavier ne se comportent pas de la même façon selon que l’utilisateur a commencé à éditer une cellule en tapant directement dedans ou bien en double-cliquant dessus. » – Albert Speer
« Dans Excel, il faudrait que les raccourcis claviers habituels de toute zone de saisie de texte, comme par exemple Ctrl+A pour tout sélectionner ou Ctrl+flèches pour se déplacer d’un mot entier, ne fonctionnent pas quand on édite le contenu d’une cellule. » – Joseph Gobbels
« Dans Excel, il faudrait que les paramètres d’impression s’appliquent à tout le classeur, et pas à chaque feuille individuellement. Ainsi, les utilisateurs qui ont des classeurs dont chaque feuille nécessite une mise en page différente ne pourront pas imprimer. » – Hermann Göring
« Dans Excel, il faudrait que cliquer sur le menu Imprimer et cliquer sur le bouton Imprimer ne donne pas le même résultat. Par exemple, on pourrait faire en sorte que le premier ouvre une boîte de dialogue tandis que le second imprime directement avec des options bizarres. » – Heinrich Himmler
« Dans Excel, il faudrait que quand l’utilisateur insère des cellules, dans la boite de dialogue qui lui demande s’il veut décaler les cellules existantes vers la droite ou vers le bas, ce soit par défaut systématiquement la mauvaise option qui soit cochée. » – Klaus Barbie
« Dans Excel, il faudrait afficher aléatoirement des messages d’erreurs injustifiés et incompréhensibles, comme par exemple : “impossible de déplacer des cellules”, ou bien “impossible de coller dans une cellule fusionnée”. » – Joachim von Ribbentrop
« Dans Excel, il faudrait que le format de cellule soit une option totalement invisible au premier abord, que son mauvais réglage provoque des dysfonctionnements incompréhensibles pour l’utilisateur, et surtout, il faudrait que le format de cellule par défaut ne corresponde jamais aux besoins les plus fréquents. » – Rudolf Hess
« Puisque dans tous les langages informatiques existants et dans toutes les notations mathématiques connues, on utilise la virgule pour séparer les paramètres d’une fonction, dans Excel, on utilisera le point-virgule. » – Josef Mengele
Par ailleurs, il me semble clair désormais que les départements qualité ont été inventés parce qu’il fallait bien reclasser professionnellement les fonctionnaires nazis. Ce fut une réussite : la plupart se plurent à ces postes où ils pouvaient laisser libre court à leur tendance naturelle à pondre des procédures psychorigides qui ne servent à rien et à tyranniser leurs collègues.
[small]Non mais sinon tout va bien au boulot, hein.[/small]
Le voyage dans la Lune a eu des retombées considérables : scientifiques, techniques et surtout, humaines. Profitons de la mort de Neil Armstrong pour en dire quelques mots ! (Liste subjective, personnelle, et bien sûr non exhaustive.)
La chose la plus immédiatement palpable ramenée par les astronautes des missions Apollo, ce sont évidemment les échantillons de roche lunaire. C’était une révolution. Pour la première fois dans l’histoire des sciences, des géologues pouvaient étudier des échantillons provenant d’un autre corps céleste que la Terre ! (Ce ne fut d’ailleurs pas la dernière, contrairement à ce qu’on pourrait croire. On soupçonne fortement certains « cailloux » retrouvés dans les glaces de l'Antarctique dans les années 1980 d’avoir une origine martienne : en effet, lors d’impacts météoritiques, des fragments de roche peuvent être éjectés de Mars à une vitesse suffisamment élevée pour être mis en orbite, puis, des millions d’années plus tard, retomber sur Terre.)
Le principal enseignement de l’analyse de ces roches est que la Lune est sensiblement faite du même matériau que la Terre. Ceci aurait tendance à accréditer l’hypothèse selon laquelle la Lune serait un bout de croûte terrestre arraché lors d’un violent impact avec un gros corps céleste à l’époque de la formation du système solaire. Mais cette hypothèse reste encore controversée. D’ailleurs, pas plus tard que cette année, de nouvelles analyses (des mesures d’abondances isotopiques) ont révélé que la Lune contenait exclusivement des matériaux d’origine terrestre. Or, s’il y avait eu collision, la Lune devrait aussi contenir des matériaux provenant de l’autre corps céleste, celui qui a heurté la Terre. Et ce n’est pas le cas. C’est assez fascinant de se dire que 40 ans plus tard, on est encore en train d’analyser ces roches lunaires et qu’elles ont encore des choses à révéler…
Une chose moins connue est que les astronautes n’ont pas fait que ramener des échantillons. Ils ont aussi laissé des instruments sur place, qui servent encore de nos jours. Notamment, ils ont installé sur le sol lunaire cinq réflecteurs catadioptriques. Il s’agit de miroirs agencés de telle sorte qu’ils renvoient toujours la lumière dans la direction exacte d’où elle provient. On les utilise dans le cadre d’une expérience conduite à l’Observatoire de la Côté d’Azur pour mesurer la distance Terre Lune, en tirant au laser sur ces miroirs lunaires et en mesurant le temps que le faisceau met à nous revenir.
J’ai vu personnellement fonctionner cette expérience, et c’est une chose assez extraordinaire. Il s’agit d’une véritable prouesse technologique : en moyenne, pour chaque tir laser, on reçoit en écho un seul photon. Oui, juste un seul. Et il faut non seulement s’assurer que c’est le bon, et pas n’importe quel autre photon parasite venu d’on-ne-sait-où ; mais de plus, il faut aussi mesurer à quelques pico-secondes près le temps qu’a duré son voyage. Ceci est obtenu avec un triple filtrage : un filtrage temporel (on sait à l’avance à 50 nano-secondes près le temps du voyage, donc on n’ouvre l’obturateur que pendant ce laps de temps-là), un filtrage spatial (on sait exactement d’où provient le photon puisqu’on sait où se trouve le réflecteur sur la Lune) et un filtrage spectral (le laser émet sur 532 nm exactement, un filtre interférentiel permet d’éliminer tous les photons qui reviennent et qui n’ont pas cette longueur d’onde). Je passe sur divers autres problèmes, comme par exemple le fait qu’entre l’émission et le retour, du fait de la rotation terrestre, l’Observatoire s’est déplacé d’environ 800 mètres dans l’espace…
Au final, cette expérience permet de mesurer la distance Terre Lune avec une précision de l’ordre du centimètre. À quoi ça sert ? D’abord, c’est beau, ce qui devrait être une raison largement suffisante. Ensuite, ça permet d’affiner les modèles théoriques qui décrivent le mouvement des objets en orbite terrestre, ce qui est utile quand on veut lancer des satellites. Enfin, ça a permis de valider la Relativité d’Einstein. Bon, ce n’est pas comme si on ne l’avait pas déjà validée des dizaines de fois avec des dizaines d’autres expériences, mais une confirmation supplémentaire ne fait jamais de mal ! Des projets comme les réseaux de positionnement par satellites (GPS ou GLONASS) ont bénéficié des connaissances apportées par ces données.
Les missions Apollo ont également permis de développer de nouvelles technologies, ou bien de populariser des technologies peu connues auparavant et qui ont eu des retombées sur nos vies de tous les jours. On peut citer par exemple les centrales inertielles (qui équipent aujourd’hui tous les avions de ligne et tous les sous-marins), le Téflon, le Gore-Tex… Je trouve toutefois malhonnête d’attribuer ces inventions à la conquête de la Lune, comme le font certains articles de journaux qu’on a pu lire la semaine dernière, parce que ces inventions auraient de toute façon été réalisées sans la NASA. Ça aurait juste été un peu plus tard et pris des voies différentes.
Mais la plus belle retombée des expéditions lunaires est pour moi humaine : le voyage dans la Lune a fait rêver toute une génération, il a occupé l’imaginaire de millions d’enfants et d’adolescents, Armstrong, Aldrin et Collins ont été des modèles positifs. Les gens qui sont nés après ne se rendent pas compte à quel point la conquête spatiale a façonné les années soixante et soixante-dix. Le moindre décollage de fusée justifiait une édition spéciale en direct de Cap Canaveral ; on lisait tous les bouquins et toutes les revues qui nous tombaient sous la main et qui parlaient de près ou de loin de voyages dans l’espace ; à l’école, on abordait la question en cours de sciences et une fois le cours fini, on profitait de la récréation pour aller jouer aux astronautes dans la cour ; David Bowie s’est fait connaitre grâce à un album qui parle de voyage intersidéral ; et sans les missions Apollo, la moitié des films de SF n’existeraient pas aujourd’hui – ou ils seraient en tout cas très différents.
Surtout, le voyage dans l’espace donnait envie de vivre l’avenir. Tout le monde était persuadé que la colonisation de la Lune allait commencer, qu’on irait en vacances sur les autres planètes, qu’on aurait des voitures volantes, des robots domestiques, et d’innombrables autres inventions qui nous rendraient la vie plus simple, plus confortable, ou peut-être tout simplement : plus merveilleuse, plus magique. Et tout ça était à portée de main, là, peut-être dans les années quatre-vingt dix, au plus tard en l’an 2000 !
Hélas, si nous regardions avec tant d’envie le XXIe siècle, c’est plutôt vers le passé que la plupart des gens regardent à présent… Il faut dire que notre époque ne regorge pas vraiment d’exploits comparables, qui seraient de nature à galvaniser toute une génération et qui pourraient nous donner envie d’espérer en l’avenir.
C’est bien pour ça qu’il faut lancer au plus vite les premières missions martiennes.
Ce lac est bizarre. Pas étonnant que des centaines de témoins aient cru y déceler un monstre. D’abord, l’eau est noire. Vraiment noire. Même près du rivage, où la profondeur n’excède pas quelques dizaines de centimètres, on distingue à peine le fond, on a un sentiment inhabituel d’épaisseur, d’opacité. En amont du Loch, un système d’écluses permet aux bateaux de rejoindre le Caledonian Canal ; on a l’impression qu’elles sont remplies d’encre, tellement l’eau y est sombre.
Et puis sur ce lac, on voit en permanence des sillages curieux, des trucs qui flottent, des ombres, des endroits où les vagues se creusent soudainement sans raison apparente et d’autres où au contraire la houle disparait presque totalement… D’après ce que j’ai compris, ces phénomènes sont dus aux interactions entre plusieurs courants sous-marins et le vent en surface.
Ajoutons à tout cela un brouillard fréquent, quelques verres de whisky, un peu d’auto-persuasion, et voilà Nessie !
Le principal musée du coin joue la carte de l’honnêteté et ne laisse pas vraiment de place au mythe. Au fil des salles, on découvre les incohérences entre les témoignages (tant en terme de taille qu’en terme de morphologie) qui rendent peu crédibles que toutes ces apparitions soient dues à une seule et même bestiole. On apprend qu’à cause de l’opacité de l’eau, le plancton (qui a besoin de photosynthèse) se développe mal, ce qui limite la pyramide alimentaire au point qu’il est impossible que le Loch contienne assez de nourriture pour permettre à un quelconque animal préhistorique d’y survivre. Et on voit les résultats négatifs des innombrables campagnes d’exploration au sonar menées depuis quelques décennies.
Mais que le musée affirme l’inexistence du monstre n’empêche nullement la boutique attenante de faire tout son chiffre d’affaire en vendant des effigies de la bête ! C’est de bonne guerre et d’ailleurs ça marche, puisque j’en ai acheté une…
En ce qui nous concerne, ce brave Nessie, nous avons eu du mal à le trouver. Un peu partout, des cartes postales nous le montraient pataugeant au milieu d’un petit lac parmi la végétation ; la littérature au verso de ces cartes restaient hélas assez évasive quant à la localisation exacte de ce lac. Heureusement, les internets sont venus à notre secours ! Après de longues recherches, nous avons fini par trouver sur Flickr une photo identique à l’une de ces cartes postales ; parmi les commentaires de cette photo, des informations suffisamment précises pour nous permettre de localiser par recoupements l’endroit sur Google Map ; et sur la vue satellite, la preuve irréfutable qu’il était là. Dès le lendemain matin, nous étions sur place !
Le plus grand mystère du Loch Ness reste tout de même de savoir comment ça se prononce. Dans le musée sus-cité, la voix off du documentaire dit /lɒk/. Les habitants du coin disent /lɔx/ (même son que la jota espagnole) conformément aux règles de prononciation du scots. Et dans un film vu hier soir, un personnage dit carrément /lɔç/ (même son que dans ich en allemand).
En même temps, quand on sait qu’Édimbourg se prononce /ɛdɪnbərə/, on ne s’étonne plus de rien.
Dans quelques jours, à nous les rives du Loch Ness, les distilleries des Highlands et les dantesques paysages de l’Isle Of Skye ! Je vous préviens, les Écossais, si je ne vois pas Nessie, même de loin, même un simple sillage flou à la surface de l’eau, je réduis le Château d’Édimbourg en cendres. Je prévois deux difficultés majeures à ce séjour : comprendre l’accent local, et le nombre de boutiques qu’il va falloir faire avant que je trouve un tartan qui me plaise pour mon kilt ; mais je n’ai peur de rien et à l’instar d’un Mac Leod, il faudra me décapiter pour que je renonce !
En ce qui concerne la conduite, je ne suis plus vraiment un débutant en matière de conduite à gauche, mais je me rappelle à quel point cela m’avait stressé la première fois que j’avais loué une voiture outre-Manche. Pour ceux que ça intéresse, voici donc un petit gros billet sur la question, le genre de billet que j’aurais aimé lire à l’époque de ma première fois sur les routes de Sa Majesté.
D’abord, la voiture. Je conseille d’en louer une sur place : tant qu’à conduire à gauche, autant avoir le volant du bon côté ! Avec une voiture française, vous aurez des problèmes de visibilité pour doubler, vous aurez les phares qui éclaireront du mauvais côté de la route (les phares d’une voiture sont toujours réglés en biais, pour bien éclairer le bord de la chaussée tout en évitant d’éblouir les conducteurs en face), vous galèrerez aux péages et aux distributeurs de tickets de parking, etc. Sans parler du compteur de vitesse gradué en kilomètres alors que toute la signalétique est en miles.
Une question que l’on peut se poser (en tout cas, moi, je me l’étais posée) est de savoir si dans une voiture anglaise, le poste de conduite est juste déplacé à droite, ou bien si tout est inversé comme dans un miroir. Là-dessus, je vous rassure, rien ne change ! L’embrayage et la commande des clignotants sont toujours à gauche, tandis que l’accélérateur et la commande des essuie-glaces sont toujours à droite. De même pour la boîte de vitesses, la première reste à gauche (donc loin de vous) et la cinquième reste à droite (donc près de votre genou gauche). Au pire, si vous avez peur de ne pas réussir à passer les vitesses de la main gauche, vous pouvez toujours louer une automatique. Mais franchement, ce n’est pas difficile, on s’habitue vite.
Au niveau circulation maintenant, je ne vais pas vous mentir, la première journée est abominable. Il faut tout réapprendre. Réapprendre le placement sur la chaussée, parce que ça n’a l’air de rien, mais se trouver à droite de la voiture change la perception qu’on a du véhicule dans l’espace ; réapprendre les endroits et les directions d’où peuvent venir les dangers, ce qui implique de regarder dans le bon rétro et tourner la tête du bon côté aux bons moments ; réapprendre les contrôles lors des arrivées aux intersections… Faire un simple demi-tour sur une route étroite vous demandera cinq manœuvres au lieu d’une habituellement. Évitez aussi d’avoir à faire un créneau en plein milieu d’une grosse artère ; pour votre première journée, visez plutôt les parkings déserts… Il est également possible que vous rayerez plus d’une fois les enjoliveurs des roues gauches contre le trottoir.
Le soir, vous serez dans un état d’épuisement nerveux inimaginable. Mais après une bonne nuit de sommeil, en reprenant le volant le lendemain, vous découvrirez à votre grande surprise que tout ira beaucoup mieux ! C’est que vous aurez inconsciemment intégré les automatismes et serez bien plus à l’aise. Votre cerveau est incroyablement plastique, il possède une grande capacité de désapprentissage et d’apprentissage. Au bout d’une semaine, vous trouverez la conduite à gauche tellement évidente et naturelle que c’est le retour en France que vous commencerez à craindre. Ne vous inquiétez donc pas trop. Il suffit de pratiquer et ça vient tout seul. Il faut juste survivre à la première journée.
Il faut aussi noter qu’il y a quelques subtiles nuances entre notre Code la Route et le Highway Code britannique ou irlandais.
En Grande-Bretagne, il n’y a pas de priorité, ni à droite ni à gauche. Ce n’est pas gênant parce que les carrefours ne sont jamais ambigus. À chaque croisement, il est toujours clairement indiqué grâce à un panneau Give Way et à une ligne blanche peinte au sol qui doit céder le passage à l’autre.
En Irlande, au contraire, les stops et les cédez le passage sont rares et c’est la priorité à droite qui s’applique. C’est le point le plus déstabilisant. Il faut intégrer que tout change de côté, sauf la priorité. Je n’ai pas de conseil particulier à donner, il faut juste s’y habituer et faire attention.
Vous rencontrerez parfois de petites portions de route hachurées en jaune. Ce sont des endroits où il est strictement interdit de s’arrêter. Il est impératif de respecter cette règle (sous peine de concert de klaxons, et pourtant Dieu sait qu’il en faut pour énerver le flegmatique conducteur britannique) car ce sont des zones qui permettent d’assurer l’écoulement du trafic. On en trouve par exemple dans certains virages serrés pour permettre aux autobus venant en face d'avoir la place de tourner, ou bien au beau milieu de la file d’attente à un feu rouge pour permettre aux usagers sortant d’une ruelle de ne pas rester coincés. Attention à anticiper : si vous voyez un véhicule arrêté juste après la zone de yellow criss cross lines, ne vous y engagez pas.
Les ronds-points se prennent évidemment à l’envers, c’est-à-dire dans le sens des aiguilles d’une montre. Comme en France, les véhicules déjà engagés ont la priorité. En revanche, contrairement à ce qui se passe chez nous, vous ne pouvez pas changer de file quand vous le voulez en plein milieu du rond-point. Eh oui, nous sommes en Angleterre, un pays civilisé, pas sur la place de l’Étoile aux heures de pointe ! Sur beaucoup de ronds-points, des files sont matérialisées et vous devez vous y tenir, ce qui implique d’être préalablement entré sur la bonne file. Facile si vous avez un GPS pour anticiper la sortie que vous devez prendre, un peu plus hasardeux si vous ne connaissez pas le quartier.
Les piétons sont prioritaires. Pour de vrai. Pas comme chez nous. Si un piéton se tient à l’entrée d’un zebra crossing, vous devez impérativement vous arrêter. Pareil pour les véhicules d’urgence, vous devez vraiment les laisser passer, pas juste faire mine de ralentir un peu en serrant contre le bas-côté. En Irlande, les moutons aussi sont prioritaires, mais c’est un autre sujet.
D’une façon générale, le conducteur britannique est courtois et respectueux du code. On conduit calmement, on respecte scrupuleusement les limitations de vitesse, on ne colle pas au cul de la voiture précédente… D’ailleurs, il n’y a pas de mystère : le nombre de mort sur les routes est deux fois moins élevé qu’en France.
Tout cela est bel et bon mais évidemment, je vous vois venir avec vos gros sabots avec votre chapeau melon : votre plus grande peur est qu’à la suite d’un réflexe malencontreux, au détour d’une intersection, vous vous retrouviez à circuler du mauvais côté de la route !
Si vous êtes en Angleterre, je vous rassure, il est tout simplement impossible que cela vous arrive. Le réseau britannique est surchargé. Même en pleine nuit, même au fin fond du Wiltshire, le concept de « petite route déserte » n’existe pas. Comme il vient toujours quelqu’un en face, il est virtuellement impossible de se tromper et de se mettre à rouler du mauvais côté.
En revanche, si vous êtes en Irlande ou au milieu des Highlands, il est possible que vous vous trouviez sur une route déserte. Dans ce cas, rien ne vous empêche de vous tromper et d’ailleurs, je vous avoue que ça m’est arrivé une fois, une seule et unique fois, pendant cinquante mètres, j’ai roulé du côté droit de la route. Restez concentré ! Le plus gros piège, ce sont les routes très étroites : si vous devez croiser un véhicule venant en sens inverse, pensez surtout à le croiser par la gauche, c’est à dire à serrer le bas-côté gauche de la route. En bon continental, on a le réflexe de faire l’inverse.
Il y a cependant un truc auquel je ne me suis jamais habitué, juste un petit truc, malgré des années de pratique. Quand je m’assois au volant d’une voiture anglaise, je cherche systématiquement la ceinture de sécurité à ma gauche. Rien à faire, j’essaie d’y penser, je me concentre, mais c’est un réflexe, pour peu que je sois pressé ou distrait par autre chose, je m’assois, j’insère la clef dans le contact et ma main droite va instinctivement chercher cette foutue ceinture au dessus de mon épaule gauche. Là où il n’y a rien, en l’air, entre les deux sièges. Mais je ne désespère pas, mon cerveau réussira bien un jour à désapprendre ce geste idiot…
J’ai toujours eu un faible pour le cinéma social anglais, avec des films comme The Full Monty, Brassed Off, Billy Elliot ou même Get Real. Impossible donc de passer à côté de The Angels’ Share, le dernier Ken Loach.
C’est l’histoire d’une bande de paumés condamnés à quelques heures de travaux d’intérêt généraux suite à des conneries mineures. L’une est kleptomane, l’autre tellement idiot qu’il se laisse toujours embarquer dans des coups minables, un autre a des problèmes de comportement violent – principalement en réaction à sa belle-famille qui le traite comme une merde et ne rate pas une occasion de lui casser la gueule. Tout ce beau monde fait la connaissance d’un vieil éducateur qui va tenter de les réinsérer en les initiant au monde du whisky.
Le scénario est cousu de fil blanc, les choses se mettent en place de façon si évidente qu’on en devine l’issue dès la moitié du film. Mais ça n’est pas très grave, on passe un bon moment entre les frasques de cette petite bande, l’anglais mâtiné de scots qu’ils parlent, les dégustations de whisky, la visite des bas fonds de Glasgow ou celle d’une distillerie des Highlands.
Contrairement au cinéma américain, tout n’est pas tout noir ou tout blanc. Pas de lutte du Bien contre le Mal, pas de rédemption par la souffrance. Au contraire, si nos amis s’en sortent, c’est plutôt par l’alcool et en ne faisant pas que des choses légales. Et les acteurs n’ont pas tous des tronches à faire la une des magazines de mode. Ce qui ressemble assez à la vraie vie, finalement, et c’est ça qui me plaît bien.
La grosse frustration, en revanche, c’est de voir et d’entendre parler de whisky pendant une heure trente sans en avoir sous la main. Du coup, je me suis rué sur une bonne bouteille en sortant du cinéma…
Nous avons dans notre nouvelle maison une salle de bain absolument magnifique. La douche est spacieuse, avec une marche pour s’asseoir et une étagère pour aligner les produits de beauté. Les murs sont vert jade, le carrelage est un joli damier vert et blanc, il y a des frises de galets au mur et des poissons rouges sur la porte de douche. La pression est bonne, on peut choisir entre quatre jets différents, un thermomètre donne la température de l’eau. Il ne se passe pas un matin sans que je nous félicite d’avoir dessiné et bâti une salle de bain aussi agréable.
Hélas, partout ailleurs dans le monde et notamment dans les hôtels, campings et autres lieux de vacances, les salles de bains semblent avoir été conçues par le diable en personne.
Il y a les pommeaux de douche fixés au mur de façon inamovible et leur contraire, les pommeaux de douche impossibles à faire tenir au mur. Avec les premiers, l’eau ne pouvant tomber que du dessus de votre tête, il est impossible de se rincer correctement l’entre-jambe. Avec les seconds, comme vous avez toujours une main prise pour tenir le machin, il ne vous en reste plus qu’une seule pour vous savonner. Variante assez sadique : les douches où le pommeau ne tient sur son support mural que dans une position telle que l’eau ne vous tombe pas dessus mais arrose le mur.
Il y a les cabines munies d’un rideau. Je ne crois pas qu’il existe de sensation plus désagréable au monde que celle du rideau de douche en plastique froid et mouillé qui vient se coller à votre peau. Il y a aussi les cabines munies d’une porte qui ferme mal, ou bien tout simplement démunies de tout moyen de fermeture ; et c’est la peur incessante du dégât des eaux qui vous gâche le plaisir de la douche.
Il y a les douches non thermostatées, où vous passez votre temps à lutter contre ces foutus robinets qui ne proposent que deux réglages : froid polaire ou lave en fusion. Mention spéciale pour les chauffe-eau à gaz, que les allumages et extinctions aussi intempestifs qu’aléatoires transforment en de remarquables pourvoyeurs de douches écossaises.
Il y a les douches asthmatiques qui ne déversent leur eau qu’avec une telle parcimonie, mince filet ou goutte-à-goutte, que le rinçage de votre abondante chevelure devient un authentique calvaire. Pour peu que l’eau soit pauvre en calcaire, le calvaire devient supplice : le shampoing mousse plus que d’habitude tout en étant encore plus difficile à rincer.
Quant à la plomberie anglaise, ma fréquentation des hôtels, Bed & Breakfast et autres Guest House dans les campagnes de l’autre côté du Channel m’a apprit depuis longtemps qu’elle pouvait cumuler tous ces problèmes à la fois, ce qui est une sorte de performance tout à fait remarquable.
Je comprends bien l’objectif des tenanciers d’établissements. Si les douches étaient agréables dans les hôtels, leur consommation d’eau s’en verrait probablement doublée, ce qui ne serait ni économique, ni écologique. Mais tout de même, ces problèmes aquatiques, ça me gâche un peu les vacances à chaque fois.
(Mise à jour : cette petite planche signalée par un aimable lecteur illustre à merveille ce billet !)
Plus que les expulsions elles-mêmes, ce qui m’avait énormément choqué sous les ères Hortefeux, Besson et Guéant, c’est que l’administration française mentait, falsifiait des documents, piégeait des usagers, pour atteindre le quota d’expulsion d'étrangers fixé par le gouvernement. Documents signés à la photocopieuse ou par une personne non habilitée, procédures non respectées puis mensonges devant le tribunal administratif pour nier ces non-respects de procédure, arrestations illégales (par exemple au sein même du service de préfecture où l’usager avait été convoqué : un traquenard déclaré illégal par plusieurs juridictions), droits d’asile refusés en dépit du bon sens, mépris des condamnations de la CEDH… Lisez les blogs d’avocat, les journaux, les témoignages : c’est édifiant.
Que l’administration en vienne à mentir pour piéger ses citoyens est à mon sens la chose la plus terrifiante qui soit. C’est un pas vers l’arbitraire, un pas vers un système où personne ne peut se défendre puisque la législation est appliquée à la tête du client, un système où personne ne peut prouver sa bonne foi puisque l’État lui-même est de mauvaise foi. C’est l’univers de 1984, l’univers des films de Costa-Gavras, c’est un pas vers l’abandon du droit, un pas (timide certes, mais un pas quand même) vers la dictature.
Je suis abonné à diverses mailing-list d’associations humanitaires. Si j’en crois les informations que je reçois par ce biais, rien n’a changé.
Manuel Valls, François Hollande, vous foutez quoi ? Ne venez pas me dire qu’il faut du temps pour signer les décrets ou voter les lois, il n’y a pas besoin de loi ou de décret ici. Il faut juste envoyer une circulaire aux préfets pour leur dire d’arrêter de faire du zèle et de recommencer à respecter la loi française. Ca ne doit pas être bien compliqué, non ?
La plupart des gens ne réalisent pas à quel point la vie est difficile trois cent soixante quatre jours par an pour certains homosexuels et transsexuels : ceux chez qui cela se voit.
Ils ignorent ce que c’est que de se faire traiter de pédale tous les soirs en traversant sa cité pour rentrer chez soi. Ils ignorent ce que c’est que de se forcer à prendre une voix grave et à contrôler ses gestes quand on doit adresser la parole tard le soir à des mecs dans un train de banlieue. Ils ignorent ce que c’est que de juste effleurer son copain sur le quai d’une gare, alors qu’autour, tous les autres couples se roulent des pelles. Ils ignorent ce que c’est que ces discussions entre collègues, anecdotes de la vie de couple, souvenirs de vacances, d’où l’on se tient en retrait par peur d’en révéler trop.
Bien sûr, les choses changent. On sort du placard. Mais pas tant que ça. On sélectionne. Tel collègue, tel ami, tel membre de la famille, on n’a pas peur, on est à l’aise, on ne s’embarrasse pas de précautions. Mais avec tel collègue qui cumule les sorties bien grasses sur les pédés, avec tel ami qu’on sait issu d’un milieu classiquement peu ouvert, avec tel membre de la famille qu’on connait pour ses idées ultra-réacs, on se méfie – le plus souvent pour rien, mais comment savoir à l’avance ? L’enjeu est trop grand. À la clef, c’est votre lieu de travail qui devient un enfer au quotidien ou votre famille qui vous rejette.
La gay pride, avant tout, c’est ça : un formidable espace de liberté qui n’existe pas les autres jours de l’année. Un jour où la grande folle peut faire sa grande folle sans aucun risque, un jour où les garçons et les filles peuvent se rouler des pelles en pleine rue devant tout le monde, un jour où personne n’a pas besoin de falsifier qui il est.
Les pédés qui trouvent que la gay pride donne une mauvaise image de l’homosexualité m’emmerdent. Il ne comprennent pas que le but de la gay pride est justement de dénoncer les carcans normatifs, de montrer l’infinie variété des styles de vie possible, et surtout, de dire que le style de vie des uns ne menace pas le style de vie des autres.
Le problème n’est pas que l’homosexualité ait ou pas une bonne image. Le problème est qu’il se trouve des gens pour avoir un avis définitif sur ce qui a ou n’a pas une bonne image, autrement dit, qu’il se trouve des gens pour avoir une vision normative des autres. Et je trouve tout de même très triste que parmi ceux-là se trouvent autant de pédés.
La réalité, c’est que loin de donner une mauvaise image, la gay pride a ces quinze dernières années complètement banalisé l’homosexualité. Lors de ces dernières prides, j’ai remarqué une nouveauté : parmi les marcheurs, il y a de plus en plus d’adolescents en couple hétéro. Ils ne sont probablement pas là pour la revendication politique ou pour le soutien à notre cause, à quinze ans, ça leur passe sûrement assez loin au-dessus de la tête. Non, ils sont là parce qu’il y a de la bonne musique, qu’on fait la fête, qu’on s’amuse, que tout ce joyeux bordel a une image un peu rebelle attirante.
Mais peu importe. Ce qui compte, c’est que tous ces jeunes hétéros sont là au milieu des pédés, des grandes folles, des queers, des freaks, des drag queens en platform shoes, et qu’ils s’y sentent bien. C’est un signe qui veut dire que leur génération, celle qui vient, sera beaucoup plus tolérante que la nôtre.
Quelle que soit la direction où l’on tourne le regard, ce ne sont que tuyaux, conduites, câbles électriques, manettes, vannes et manomètres. Comment a-t-on pu assembler un engin pareil sans se tromper ? Tous les fils sont de la même couleur !
Comment les gens qui pilotent cette machine arrivent-ils à la maitriser, à savoir que pour faire telle opération, il faut ouvrir ou fermer telle vanne qui se trouve à tel endroit dans telle coursive, parmi les milliers de vannes qui existent ? Ca dépasse mon entendement.
Il y a là de de la vapeur sous pression, des conduites hydrauliques, des conduites d’air comprimé, des conduites d’eau de mer, des conduites d’eau douce, de l’électricité haute tension, de l’électricité basse tension. Bref, tout ce qui peut passer par un tuyau.
Dans la salle de lancement des missiles, un système de transmission d’ordre sécurisé avec les algorithmes de cryptage les plus puissants de l’époque, côtoie le système de communication le plus primitif qui soit : un tuyau en cuivre avec un pavillon de trompette à chaque bout. De même, sur la passerelle, une centrale inertielle dernier cri avec son gyroscope sur trois axes côtoie un bête fil à plomb pendu au mur.
Ce devait tout de même être un grand malade, le type qui a eu l’idée d’enfermer dans un espace aussi réduit une centrale nucléaire, une turbine à vapeur, des alternateurs, des moteurs électriques, des compresseurs en tous genres, quelques diesels de secours, une usine de retraitement des déchets, des tonnes d’explosif, seize missiles et pas mal de torpilles, un bloc chirurgical, une cuisine de collectivité avec des vivres pour soixante-dix jours, les ordinateurs les plus puissants du moment… Et une centaine de jeunes garçons pour faire fonctionner tout ça.
Où que l’on porte le regard, l’horizon n’est jamais plus loin que quelques mètres. Il parait que l’œil et le cerveau s’adaptent. Et que c’est le retour à terre, qui est le plus difficile.
(Mise à jour : ajout de quelques notes de bas de page pour éclaircir les chiffres.)
Je suis très partagé sur le sujet de l’ouverture du don du sang aux homos. On va un peu vite à voir de la discrimination là où il n’y a que des statistiques. Les homos sont plus souvent atteints d’infections sexuellement transmissibles que les hétéros, c’est une simple réalité, corroborée par toutes les enquêtes de prévalence, ainsi que par le schéma des épidémies récentes qui toutes ont commencé par toucher la communauté gay en premier : le SIDA bien sûr, mais aussi la résurgence de la syphilis par exemple[1].
Vous vous dites : je suis en couple stable, je n’ai donc pas plus de risque qu’un couple hétéro d’attraper une saloperie, il n’y a donc aucune raison que je ne puisse pas donner mon sang. Vous vous dites : ce n’est pas l’homosexualité qui doit contre-indiquer le don du sang, mais les pratiques à risques, comme avoir de nombreux partenaires ou fréquenter les bordels.
Ce raisonnement ne tient pas. Vous êtes en couple stable, certes, mais il est possible que votre mec vous trompe. C’est banal. Ca arrive aussi souvent dans les couples homos que dans les couples hétéros (les mauvaises langues diraient même : plus souvent !). La grosse différence, c’est que quand un homo trompe son mari, il le fait avec une personne qui a 100 fois plus de chances d’être séropositive que la personne avec qui un hétéro tromperait sa femme[2]. De ce fait, la probabilité qu’un homo en couple stable soit séropositif sans le savoir est très significativement supérieure à la probabilité qu’un hétéro en couple stable le soit.
Idem pour la fréquentation des boîtes à cul ou échangistes : quand on le fait dans le milieu gay, pour la même raison, c’est beaucoup plus risqué que quand on le fait dans le milieu hétéro. Les médecins ne s’y trompent pas, c’est bien le milieu, et donc incidemment l’orientation sexuelle, qui est une contre-indication. Pas la nature de la pratique elle-même. Pratiques égales, risques différents.
On raconte que les alchimistes avaient toujours un perroquet dans leur laboratoire, parce que cet animal très sensible aux émanations leur servait de signal d’alarme pour le cas où leurs expériences se mettaient à dégager des fumées toxiques. C’est triste à dire, mais les gays tiennent ce même rôle en épidémiologie des IST : ce sont toujours les premiers atteints lorsqu’une épidémie se déclare. C’est pour cela que ne tient pas non plus l’argument qui consiste à dire qu’il n’y a aucun risque puisque tous les prélèvements sanguins sont testés. Les échantillons sont testés, certes, mais uniquement pour les maladies connues. L’exemple du SIDA en 1980 nous a appris que de nouvelles IST pouvaient émerger ; et l’expérience nous apprend que si ça se reproduit, elles commenceront très probablement par frapper la communauté homo en premier.
Il y a par ailleurs le problème, un peu vulgaire mais pourtant non négligeable, du coût. Prélever du sang, puis le tester pour une large palette de maladies, coûte cher. L’EFS cherche naturellement à éviter de récolter des échantillons dont la probabilité qu’ils s’avèrent inutilisables est importante.
Enfin, il y a un gros risque en terme d’image. Un jour, un patient sera contaminé par une transfusion. C’est inévitable[3]. Si ça se produit alors que les homos sont exclus du don du sang, on parlera d’accident, d’impondérable, de fatalité. Si ça se produit alors que les homos ont le droit de donner leur sang, on parlera du lobby gay qui a mis en danger la vie des malades en imposant une pratique à risque au Ministre de la Santé. Et ça sera très difficile à contre-argumenter, parce que globalement, ça ne sera pas complètement faux.
L’interdiction du don du sang aux homos n’est pas de la discrimination, c’est de la bête statistique. Tout comme l’interdiction faites aux personnes qui ont récemment séjourné en zone tropicale, consommé de la drogue, subi un tatouage ou un piercing, etc. Les médecins responsables du don du sang ne sont pas homophobes, ils savent juste lire des chiffres et les interpréter.
Concentrons-nous plutôt sur les vraies discriminations, ce sera bien plus productif et moins risqué, autant pour la santé des autres que pour notre propre image.
Notes
[1] Il y a 80 % de cas de syphilis et 65 % de cas de gonococcies en plus chez les homos.
[2] On ne sait pas exactement la différence de prévalence du VIH entre les homos et les hétéros, pour de nombreuses raisons : forte variation suivant le lieu, le milieu social, la tranche d’âge, et même la culture (certains hommes ayant des relations sexuelles occasionnelles avec d’autres hommes se définissent néanmoins comme étant hétéros, ce qui complique l’établissement des statistiques fiables). Une valeur couramment admise un peu partout est un taux de prévalence du VIH 70 à 100 fois plus élevé chez les homos que chez les hétéros (voir par exemple ce bulletin de l’INVS). Enfin, il faut prendre en compte que les rapports typiques entres homos (fellation complète non protégée et pénétration anale) sont beaucoup plus contaminants que les rapports typiques entre hétéros.
[3] Actuellement, le risque résiduel théorique d’une contamination post-transfusionnelle est d’environ une chance sur 2,5 millions. Les études optimistes pensent qu’ouvrir le don du sang aux homosexuels doublera le risque, soit environ un chance sur 1,3 million. Les études pessimistes parlent plutôt d’une chance sur 650000, soit presque un quadruplement du risque (chiffres INVS).
Marre de la pluie. Un coup d’œil sur un site météo m’apprit qu’il faisait beau en Basse-Normandie. Alors Kawette et moi sommes allés chercher le soleil un peu plus à l’ouest. Une petite boucle Maison, Dreux, Verneil sur Avre, L’Aigle, Sées, Alençon, Mamers, Bellême, Nogent le Rotrou, Chartres, Maison. Quatre cent kilomètres dans la journée et une flopée d’ouvrages gothiques à visiter ! Et une mission accomplie : nous avons bien trouvé le soleil, nous vous l’avons même ramené à Paris.
La plus belle découverte du périple est bien sûr Sées, village d’à peine 4500 âmes mais néanmoins cité épiscopale et siège de l’évêché, avec sa magnifique cathédrale gothique, ses couvents, son abbaye, sa basilique, ses écoles catholiques, et j’en passe. Pourquoi l’Église a-t-elle élu domicile dans ce trou paumé plutôt que dans la grande ville toute proche ? Mystère. Une fâcherie quelconque entre un évêque et le pouvoir local, je suppose. Pas de chance pour Alençon, qui n’a eu ni l’évêché au Moyen-Âge, ni la ligne de chemin de fer Paris-Brest au XIXe siècle, ni l’autoroute A11 au XXe, restant ainsi condamnée au statut de petite préfecture.
Je ne les aime d’ailleurs pas beaucoup, ces petites préfectures de province, toutes bâties sur le même principe, avec une grande rocade pleine de ronds-points qui enserre des quartiers pavillonnaires et des petites cités d’immeubles bas, le tout blotti autour d’un centre historique systématiquement piétonnier : les remparts pour La Rochelle, la cathédrale pour Quimper, l’église Notre-Dame pour Poitiers, l’ancienne halle au blé pour Alençon… On y croise à toute heure de la viande saoule et des punks à chien, on ne s’y sent pas très bien, on se croirait dans un film de Chabrol, il n’y a là que magasins de fringues, galeries commerçantes, et hauts-parleurs qui diffusent de la musique d’ambiance digne de Chérie FM. J’aime les petites villes et les grandes villes, mais pas cet entre-deux.
L’avantage de ces longs trajets routiers à vitesse constante et modérée, c’est qu’on ne consomme rien. Moins de quatre litres aux cent kilomètres, d’après l’ordinateur de bord de Kawette. Du coup on néglige de faire le plein. Oh, j’ai encore le temps, se dit-on chaque fois que l’on croise une station service ! Jusqu’au moment où le témoin de la réserve s’allume alors qu’on est au fin fond de nulle part – entre Nogent le Rotrou et Chartres, pour être précis.
Une foule de villages de plus ou moins grande importance défilent, et pas une goutte de pétrole. Des stations services désaffectées à la pelle. Des garages ouverts mais qui ne vendent pas d’essence. Des garages qui en vendent mais qui sont fermés. Mais où les gens qui habitent ici vont-ils faire le plein de leurs voitures ? On se met à guetter les panneaux qui annoncent les supermarchés à l’entrée des villages. En vain. On veut demander à un autochtone. Mais évidemment, les rues sont désertes. Le pire, c’est qu’à chercher une station dans un endroit inconnu, on fait des détours et on gaspille le fond du réservoir pour rien !
Au bout d’une demi-heure, j’avais définitivement intégré l’idée que j’allais tomber en panne, la seule inconnue étant : où et quand. Trente-cinq kilomètres sur la réserve, quand même, ça commençait à faire. Et soudain, j’ai eu l’idée de chercher Super U sur mon iPhone. Bingo. Il y en avait un à même pas trois minutes. Je ne l’aurais jamais trouvé sans. Promis, j’irai allumer un cierge à la mémoire d’Apple, de Google Map et du protocole TCP/IP !
Petite chevauchée sur l’autoroute pour finir. L’occasion de tester le télé-péage en moto, à propos duquel j’avais lu absolument tout et son contraire : que c’était autorisé, que c’était interdit, que ça ne marchait pas, que ça marchait mais qu’on était facturé le tarif voiture, qu’il fallait le mettre dans telle poche mais pas dans telle autre sinon ça ne captait pas, etc. J’ai bêtement glissé le badge dans mon blouson et me suis présenté à la barrière. Qui s’est ouverte sans encombre. Pareil à la sortie. Heureusement, parce que je ne me voyais pas enlever mes gants, attraper le ticket, le glisser dans une poche, refermer la poche, remettre les gants, avec quinze voitures s’impatientant derrière…
La question à mille brouzoufs est maintenant de savoir si j’ai été facturé pour la bonne catégorie de véhicule. Je suis allé voir sur le site VINCI Autoroutes, mais la facturation détaillée des trajets n’y apparait qu’après quelques jours. La raison de ce délai échappe d’ailleurs totalement à ma compréhension. Le système télé-péage est entièrement informatisé, depuis les bornes sur les autoroutes jusqu’aux sites web des exploitants. Mon esprit limité est incapable de concevoir une seule raison technique valable qui ferait qu’un passage à un péage ne soit pas instantanément visible sur son compte sur internet. À moins qu’il y ait deux systèmes séparés incapable d’inter-opérer, avec une armée de personnel administratif pour recopier les infos à la main de l’un à l’autre, du lundi au vendredi, de 9h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00. Brazil !
Il y a deux coups de maître dans le premier Alien de Ridley Scott. Le fait qu’on ne voit que très furtivement la bestiole (la crainte du monstre est beaucoup plus effrayante que le monstre…) et la dernière partie du film, intégralement filmée caméra à l’épaule en courant dans des couloirs obscurs. Les épisodes suivants de la saga tombent dans le film horrifico-fantastique banal et n’ont pas le moindre intérêt.
Alien, c’est un des deux seuls films que je n’ai pas pu voir entier au cinéma. J’ai dû sortir avant la fin[1]. Beaucoup trop oppressant pour mes petits nerfs. Il m’a fallu quelques diffusions à la télé, dans le confort et la sécurité de mon chez moi, pour en venir à bout.
Alien, c’est un film culte. Je ne pouvais donc pas rater Prometheus, le prequel réalisé par Ridley Scott lui-même ! (Attention, il n'y a pas vraiment de gros spoilers ci-dessous, mais si vous souhaitez arriver vierge à la projection, ne lisez pas la suite !)
Bon, ne tergiversons pas : c’est une grosse daube. L’esthétique est très réussie, la 3D est utilisée à bon escient (c’est à dire qu’elle se fait oublier), la musique est magnifique (j’aurais rêvé d’une partition aussi bien foutue pour Le Seigneur des Anneaux). Et c’est tout.
Le scénario est indigent. C’est un enfilage de clichés, un copier/coller de scènes déjà vues mille fois dans d’autres films (Alien, Abyss, Leviathan, X-Files…) : le robot androïde qui finit décapité mais qui parle toujours, les expériences militaires de biologie, le vaisseau spatial souterrain, l’alien introduit dans le corps sous la forme d’une huile noire, l’ADN qui mute, les gens qui sont morts mais en fait non pas tout à fait les revoilà ils bougent encore et ils ne sont pas contents du tout… Il n’y a aucune cohérence. Pleins de trucs arrivent comme un cheveux sur la soupe et ne sont jamais expliqués. À quoi sert la scène d’ouverture ? D’où le robot humain sait-il utiliser la technologie des « ingénieurs » ? Quelles sont les motivations de ces extra-terrestres ? Voire même : quelles sont les motivations de tous les personnages ? (Je vous épargne cinquante autres questions du même genre pour ne pas en révéler trop, des fois qu’il vous prendrait l’idée saugrenue d’aller voir ce film). Mystère. N’importe quel épisode de Lost est plus limpide.
Comme il s’agit d’un prequel, on s’attend évidemment à ce que la fin raccroche les wagons du début de la série. Pendant la dernière heure, on cherche donc, on s’interroge, on se demande comment tout ça va pouvoir finir en une colonie d’œufs d’aliens au sang verdâtre et corrosif abandonnés sur une planète déserte. On espère un twist, une révélation incroyable qui éclairerait soudainement toute la saga Alien. Eh bien vous savez quoi ? On ne le saura jamais. Il n’y a pas de twist, pas de révélation. La fin de ce film n’a aucun rapport avec le début du film suivant. Ce prequel n’explique rien, n’éclaire rien, n’introduit rien. C’est juste un banal film de SF de série B.
Il aurait fallu déconnecter ce Prometheus de l'univers d'Alien. Là, l'attente est trop forte, on est forcément déçu. J'aurais à coup sûr apprécié le même film, avec peut-être un scénario un poil plus solide, s'il avait été présenté pour ce qu'il est plutôt que si on avait essayé de me le vendre comme un prequel et comme le retour de Ridley Scott à la SF. Dommage.
Notes
[1] L’autre film, c’était Midnight Express : je suis sorti quand le mec pète un cable et casse tout dans les sanitaires.
Je suis en grand fan de l’exposition Monumenta. Le principe consiste à demander chaque année à un artiste de remplir entièrement la nef du Grand Palais avec une installation d’art contemporain. Je n’ai raté qu’une seule édition depuis 2007. Cette année, c’est Daniel Buren qui s’y colle.
Les œuvres présentées dans le cadre de Monumenta sont toujours ludiques. Ce ne sont pas des œuvres statiques devant lesquelles le spectateur se plante, comme dans un musée classique. Ce sont des œuvres immenses, à l’intérieur desquelles le spectateur doit entrer, évoluer, chercher les angles sous lesquels l’œuvre lui parle.
Selon les années, on voit des gens toucher l’installation, chuchoter ou crier pour s’amuser des échos, s’allonger par terre pour contempler la nef, apporter un pliant et s’assoir au beau milieu de l’œuvre pour s’imprégner de l’ambiance… Cette année, on voit des gens danser dans les taches de couleur ou s’allonger sur les miroirs.
J’y vais toujours de nuit. L’ambiance nocturne colle généralement mieux aux œuvres exposées, et puis il y a moins de monde. Mais pour la première fois, je crois que je vais y retourner en plein jour. De toute évidence, cette œuvre-là est conçu pour être vue en plein soleil.
Oyez oyez, gentes dames et damoiseaux, la très édifiante histoire de Virgile et de son épique combat contre la redoutable hydre administrative française, qui survint en ce premier jour du mois de juin de l’année 2012 après la naissance de notre Seigneur Jésus Christ ! Oyez oyez !
Ordoncque, Virgile qui récemment triompha des nombreuses épreuves théoriques et pratiques qui le séparaient d’un coup de tampon supplémentaire dans la case idoine de son permis de conduire, devait se rendre à la préfecture afin d’y retirer le précieux papier rose. Il quitta son doux foyer à l’aurore, car il savait que les plus belles batailles se gagnent le matin ; et il emporta de la lecture, car il savait qu’il aurait régulièrement besoin de se ressourcer aux textes anciens pour y puiser du courage.
À peine arrivé sur place, un premier défi l’attendait déjà : garer son puissant destrier nippon à un endroit qui ne fût ni dangereux ni interdit. Car figurez-vous que dans sa grande perversité, l’hydre administrative française accueille le public dans une forteresse située à dix lieues de toute possibilité de stationnement. Cependant Virgile triompha aisément de cette première épreuve car il était rusé. Il abandonna son valeureux destrier à un endroit prohibé mais inaccessible au camion de la fourrière du fait de la présence d’un abondant mobilier urbain. De surcroit, pour plus de sûreté, il l’attacha à un panneau électoral de Lutte Ouvrière.
Encouragé par cette première victoire, Virgile s’enhardit et se présenta à l’accueil sans plus attendre. Il ôta son armure, son casque et sa besace, les posa sur le tapis roulant afin qu’ils fussent examinés par le terrible Cerbère aux yeux qui voient à travers la matière. Le Cerbère ne pipa mot. Et c’est ainsi que Virgile pénétra dans l’antre de l’hydre administrative française, un monde redoutable et effrayant où la logique conventionnelle s’efface, un monde peuplé de pléthoriques dames guadeloupéennes qui parlent très fort avec un accent créole, un monde où la seule arme qui permet de vaincre a pour nom : patience.
Mais ne nous répandons pas en lyrisme superflu car déjà, une nouvelle épreuve attendait Virgile ! Il lui fallait maintenant retirer un ticket muni d’un numéro. Devant lui, une trentaine de combattants, tous venus aussi triompher de l’hydre, attendaient déjà. À raison d’une à deux minutes pour vérifier la complétude et la conformité du dossier de chacun, Virgile, qui était fort savant dans la science du calcul, en déduisit qu’il lui faudrait environ une heure rien que pour accéder au distributeur de ticket. Son moral vacilla un instant sous le choc de la perspective de passer autant de temps à piétiner debout, mais il ne se laissa pas démonter et pris sa place dans la queue – probablement une des plus grosses qu’il lui ait jamais été donné de voir, et pourtant, vous pouvez nous croire, il en avait vu d’autres.
La gardienne de la machine à distribuer les tickets numérotés était laide et elle était féroce. Au fur et à mesure que la queue avançait, Virgile la voyait refouler impitoyablement les usagers dont le dossier présentait des failles, et il ne put s’empêcher de penser à Gandalf-le-Gris repoussant le Balrog de Morgoth au pont de Khazad-Dûm dans les Mines de la Moria. Par instants, il imaginait la fonctionnaire hurlant « you shall not pass ! » à un usager récalcitrant, et il sentait son sang se glacer dans ses veines, et son cœur, qu’il avait pourtant fort endurci, se serrait d’effroi. Heureusement, lorsque son tour vint, l’œil suspicieux de la gardienne des tickets numérotés ne découvrit rien d’anormal dans son dossier, et Virgile se vit attribuer le numéro D30.
Mais s’il venait de remporter une bataille, Virgile était encore loin de remporter la guerre. « Abandonne toute relation d’ordre sur l’ensemble des entiers naturels, toi qui entre ici ! » se serait écrié Dante en constatant que les numéros étaient appelés dans le désordre. D17, A23, D21, T02, D20, D19, V08, D20 à nouveau… Virgile dut rapidement convenir que son intelligence était trop limitée pour appréhender la logique qui présidait à l’appel des numéros et quelle était la signification de la lettre qui les préfixait. Il extirpa de sa besace un vieux grimoire et s’abandonna à la lecture de quelque texte antique.
C’est la faim qui tira Virgile de sa lecture. La faim redoutable qui vrille l’estomac, qui étourdit les sens et qui annihile les forces ! Car le soleil était déjà parvenu tout en haut du ciel. L’hydre administrative française a plus d’un tour dans son sac pour vaincre le combattant le plus déterminé ! Patienter sans boire ni manger pendant trois heures, à endurer les souffrances infligées par un siège spécifiquement conçu pour être inconfortable, plus d’un craquèrent avant l’appel de leur numéro et s’en retournèrent chez eux défaits !
Virgile, de son jeune temps où il était un redoutable joueur de tarot, conservait la précieuse compétence de savoir compter les atouts comme personne. Bien que l’hydre administrative les appelât dans le désordre pour brouiller les pistes, il n’eut aucune difficulté à mémoriser les numéros déjà servis et ceux non encore servis. Considérant qu’il restait encore au moins cinq usagers avant lui et que chaque usagers prendrait au moins dix minutes, il décida qu’il avait juste le temps de quitter les lieux, d’aller se sustenter à la gargotte du coin, et de revenir prendre sa place dans la file. Ce qu’il fit prestement.
C’est au retour qu’il faillit trébucher stupidement. Ah ! Même les plus grands échouent parfois à deux doigts de la victoire ! Alors que son casque, son armure et sa besace passaient de nouveau devant le Cerbère aux yeux qui voient à travers la matière, celui-ci, découvrant un téléphone au fond d’une poche, cru bon de lancer un fort sec et fort impoli : « Eh vous, là ! C’est interdit de téléphoner, ici ! ». Un frisson parcourut l’échine de Virgile cependant que son esprit formulait une réplique cinglante que l’on pourrait résumer par : « Hé connard, ça fait quatre heures que je m’abime le cul sur tes sièges pourris à sacrifier une journée de RTT parce que tes services sont trop cons pour expédier un bout de papier rose par la poste, alors tes remarques d’adjudant-chef mal baisé quant à un téléphone que je n’avais de toute façon pas l’intention d’utiliser vu que j’ai deux ou trois notions de convenances qui font que je ne téléphone jamais dans un lieu public, tu te les carres bien profond, s’il-te-plaît. » Fort heureusement, Virgile était fort aguerri à la pratique du self-control et il ne répondit pas à la provocation. En lieu et place de cette longue tirade, il laissa échapper un timide « Oui Monsieur » qui amadoua le Cerbère, et il rejoint sa place dans la salle d’attente. À peine une minute plus tard, le numéro D30 apparaissait sur tous les afficheurs. « Like a boss », pensa-t-il in petto, mélangeant ainsi le grand breton et le bas latin, deux langues qu’il affectionnait particulièrement.
Et c’est ainsi que Virgile triompha de la redoutable hydre administrative française. Après quoi, il rentra tranquillement chez lui ripailler, faire bombance, et écrire des conneries sur son blog pour se défouler.
D’ici l’automne, le PS devrait enfin ouvrir le droit au mariage pour tous. Il y a fort à parier que comme à l’époque du PaCS en 1999, cela déclenchera bon nombre de débats publics durant lesquels on entendra bon nombre de conneries. C’est le moment idéal pour reprendre la gayrilla !
Je rappelle le principe : il s’agit de démonter les idées reçues et les pseudo-arguments régulièrement entendus sur la question de l’homosexualité. Je mélangerai dans cette rubrique des inédits et divers textes déjà publiés ici et là depuis 2003.
L'homosexualité est anormale. L'homosexualité est une déviance.
Cette affirmation, fréquemment entendue, est piégée. Étymologiquement parlant, anormal signifie « différent de la norme » et il est vrai que du point de vue du nombre de pratiquants, l’homosexualité, minoritaire, dévie effectivement de la norme hétérosexuelle, majoritaire. On est dans le domaine factuel. Mais dans le langage courant, anormal est également synonyme de dysfonctionnement. C’est un mot porteur d’une connotation négative. On passe alors dans le domaine du jugement de valeur. Utiliser ainsi un mot porteur d’un double sens pour produire un raisonnement fallacieux, en l’occurrence pour faire passer pour une vérité objective ce qui n’est qu’un jugement de valeur subjectif, est un procédé rhétorique courant.
Le piège est facile à déjouer : il suffit de rappeler que tout ce qui est minoritaire n’est pas forcément dysfonctionnel et que tout ce qui diffère de la norme n’est pas forcément pathologique. Par exemple : être gaucher (seulement 10 % de la population mondiale), être roux (seulement 5 % de la population française), observer scrupuleusement les rites de l'Église Catholique (seulement 4,5 % de la population française en 2009, soit probablement moins que le nombre d’homosexuels…).
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que la sexualité humaine est incroyablement diversifiée. Considérons par exemple la fréquence des rapports sexuels chez les couples mariés. La moyenne est de deux rapports par semaine en France, mais derrière ce chiffre se cache en réalité une très grande disparité qui va de plusieurs rapports par jour à moins d’un rapport par mois. En fait, la variabilité est si grande que paradoxalement, le nombre de couples qui sont exactement dans la norme, c'est-à-dire qui ont exactement deux rapports par semaine, sont minoritaires. Une moyenne censée caractériser la sexualité des couples mais qui ne reflète qu'une minorité des pratiques : on voit ici les limites du concept de norme.
Les homosexuels sont malades.
L'homosexualité n'est plus considérée comme une maladie par l'American Psychiatrist Association depuis 1974. Elle a été retirée du Diagnostic and Statistical Manual, un manuel de psychiatrie qui fait référence, en 1985. Enfin, l'Organisation Mondiale de la Santé l'a rayée de ses listes en 1992. Tout cela n'est pas le résultat de pressions politiques d'un quelconque lobby gay sur les instances médicales, comme on peut le lire souvent, mais juste la conséquence logique de plusieurs expérimentations scientifiques, dont la première mérite d'être contée.
En 1957, tout le corps médical tient pour acquis le fait que l'homosexualité est une pathologie mentale. Evelyn Hooker, une jeune psychologue de l'UCLA, en doute : elle compte plusieurs amis homosexuels parmi ses relations et peine à déceler chez eux le moindre trouble du comportement. Elle décide donc de monter une expérience pour le vérifier. Elle constitue un groupe de soixante personnes mêlant aussi bien homosexuels qu'hétérosexuels et anonymement, fait passer à tous des tests de personnalité classiques : le Rorschach (les fameuses taches d'encre), le MAPS (construire une histoire à partir d'une image) et quelques autres. Puis elle transmet les soixante dossiers à trois de ses collègues experts psychologues, les mettant au défi de déterminer, sur la base de ces tests, qui est hétéro et qui est homo.
Le premier expert, Bruno Klopfer, spécialiste du Rorschach, n'y parvient pas. Le second expert, Edwin Schneidman, créateur du test MAPS, n'y parvient pas non plus. Le dernier expert, Mortimer Mayer, est si étonné de ne pas y parvenir non plus qu'il refait toute l'expérience une seconde fois. Peine perdue, il échoue également à diagnostiquer l'homosexualité au travers des tests de personnalité. Evelyn Hooker en déduit qu'il n'y a en moyenne aucune différence significative entre la personnalité d'un hétéro et la personnalité d'un homo (cf. Evelyn Hooker, « The adjustment of the male overt homosexual », Journal of projective techniques, XXI 1957, pp. 18-31). D'autres travaux menés à la suite de cette étude finiront par emporter la conviction des psychiatres que la prévalence des troubles mentaux n'est pas plus élevée chez les homosexuels que chez les hétérosexuels, et que le simple fait de préférer des partenaires du même sexe n'est finalement qu'une simple affaire de goût, sans influence négative ou positive par ailleurs sur les structures mentales des individus.
Même pas deux semaines que les socialistes sont au pouvoir et ils m’énervent déjà. Première connerie du quinquennat : cette histoire de ministres qui quitteront leur poste s’ils perdent aux législatives.
Bon alors déjà, le non-cumul des mandats, ça évoque quelque chose à quelqu’un au PS ? Des années que tout le monde le réclame, des années que tous les partis le promettent, et la première chose que fait le PS en arrivant au pouvoir, c’est de s’asseoir dessus. La règle ne devrait pas être que les perdants aux législatives rendent leur portefeuille, mais bien que ceux qui ont un portefeuille ne se présentent pas aux législatives.
On va me dire : les ministres qui seront élus députés ne siègeront pas à l’Assemblée, justement pour respecter la règle de non-cumul des mandats. Mais alors dans ce cas, pourquoi se présentent-ils et pourquoi les élire ? Pourquoi voter pour une personne dont on sait pertinemment qu’elle sera toujours absente des débats et représentée par son suppléant ? C’est de la tromperie sur la marchandise. On met sa confiance dans un député et on se retrouve représenté par un autre qui n’a même pas fait campagne, et donc, dont on ne connait pas bien ni les idées et ni la personnalité.
Enfin et surtout, je ne vois pas le rapport entre un poste de ministre et un poste de député. Le ministre est un technicien, il gère les affaires en garantissant l’application de la loi, il fait partie du pouvoir exécutif. Le député est un décideur, il fabrique la loi, il fait partie du pouvoir législatif. Ce n’est pas le même boulot, ça ne demande pas les mêmes compétences et depuis Montesquieu, on est même assez nombreux à penser qu’il est préférable que ces deux tâches ne soient pas accomplies par la même personne (ce qui rejoint d’ailleurs le principe de non-cumul des mandats). Alors pourquoi virer un exécutant au prétexte que le peuple pense qu’il ferait un mauvais législateur ? Ca n’a pas de sens. Ce serait comme virer quelqu’un d’un poste au prétexte qu’on le soupçonne d’être incompétent à un autre poste qui n’a rien à voir avec le premier.
Je suis horrifié par la politique de sécurité de la plupart des sites web. Peut-être qu’il manque une solide formation aux développeurs web sur les questions de sécurité. Peut-être que les clients n’en ont rien à foutre et ne sont pas prêt à payer un poil plus cher pour avoir un site mieux sécurisé. Pire, peut-être qu’ils sont prêts à payer mais qu’on les arnaque en leur vendant de la merde.
Commençons par un principe de base : jamais personne ne doit jamais avoir accès à un mot de passe, par aucun moyen, sous quelque forme que ce soit. Jamais. JAMAIS !Pourquoi ? Parce que les utilisateurs ont tendance à toujours utiliser le même mot de passe partout. C’est mal, mais ils le font quand même. Du coup, si un mot de passe est compromis sur un site quelconque par une personne mal intentionnée, il y a toutes les chances pour qu’elle essaie de voir si par hasard, ce mot de passe ne fonctionnerait pas aussi sur d’autres sites : twitter, facebook, la boîte mail de l’utilisateur, etc. La boîte mail est bien sûr le plus sensible. Une fois qu’un tiers a accès à vos mails, il a accès à l’option « J’ai oublié mon mot de passe » de tous les sites sur lesquels vous avez des comptes.
Ne croyez pas que seul un hacker de haut niveau puisse pirater un site. Ça peut être un employé de la boîte qui gère le site web et qui a tout naturellement accès à la base de données qui se trouve derrière. Ça peut aussi être l’ordinateur qui fait tourner le site qui est saisi par un huissier sur ordre de justice, puis revendu aux enchères à un inconnu avec toutes les données qu’il y a dessus (la boîte où je travaillais en 1999 a été confrontée à ce problème). Ça peut être un bug qui fait qu’un utilisateur régulier a accès aux infos d’un autre utilisateur (le site de Navigo a eu ce problème il y a quelques années).
De ce principe de non-accessibilité des mots de passe découle quelques règles de conception technique.
Un mot de passe ne doit jamais être stocké, ni en clair, ni crypté (si le serveur est corrompu, le cryptage peut être facilement cassé en allant examiner le code source du site). La seule solution acceptable est de stocker une version hachée du mot de passe. Un hachage est une fonction mathématique spécifiquement conçue pour être non réversible. Ainsi, même si quelqu’un a accès au serveur, il ne peut rien faire des données qui s’y trouvent.
La plupart des clients mail communiquent avec les serveurs de courrier par des canaux non sécurisés. Un mot de passe ne doit donc jamais être envoyé par mail. Notez que s’il a été haché comme préconisé ci-dessus, c’est de toute façon impossible puisqu'il n’y a aucun moyen connu pour inverser l’effet d’un hachage et retrouver le mot de passe en clair.
D’une façon générale, les mots de passe ne doivent pas circuler sur le réseau. (Et encore moins dans une URL, comme j’ai pu le voir parfois.) Pour cela, quand on implémente une page de login, il faut envoyer le mot de passe directement haché plutôt qu’en clair.
Enfin, aucune procédure de support ne doit nécessiter que l’utilisateur communique son mot de passe à un opérateur humain. (Coucou le site Vélib’ !) L’élément humain constitue souvent la principale faille de sécurité. Pour l’anecdote, on a réalisé il y a deux ans un audit de sécurité dans ma boîte. À la demande de l’auditeur, mon chef a appelé l’administrateur système au téléphone, lui a sorti un baratin du genre « hey, tu peux me filer le mot de passe du site de GrosClient™ pour que je vérifie un truc ? ». Et l’admin sys lui a envoyé, comme ça, spontanément, en toute confiance. L’auditeur a sorti son formulaire et à l’item social engineering, il a tranquillement coché la case fail…
Hélas, la majorité des sites n’appliquent pas ces principes. Le niveau de sécurité qu’ils fournissent est plutôt bas et pour éviter les problèmes, je ne saurai que trop vous conseiller d’utiliser un mot de passe différent à chaque fois. Ainsi, si un mot de passe est corrompu sur un site, les conséquences seront limitées à ce site. Bien sûr, il peut être difficile de mémoriser autant de mots de passe. Pour s’aider, on peut utiliser les astuces suivantes :
Compter sur le gestionnaire de mots de passe de votre navigateur. Il existe aussi pas mal d’applications qui fournissent une fonctionnalité équivalente. Mais c’est difficilement applicable si vous utilisez plusieurs machines au quotidien ou si vous allez souvent dans un cybercafé.
Utiliser toujours le même mot de passe, mais en le préfixant par un mot lié au contenu du site pour le rendre unique et facilement mémorisable. Par exemple : velib-monmotdepasse, banque-monmotdepasse, mail-monmotdepasse, etc.
Au pire, si vraiment avoir autant de mots de passe que de comptes vous semble impossible, ayez au moins deux mots de passe : un pour votre mail et un pour tout le reste.
Un autre principe, moins intuitif a priori, est que le mieux est l’ennemi du bien. En tant que développeur de site web, vous croyez augmenter la sécurité en exigeant des utilisateurs qu’ils choisissent des mots de passe complexes et qu’ils les changent régulièrement ? Erreur. Vous la diminuez, parce qu’à partir d’un certain niveau de complexité, les utilisateurs n’ont pas d’autre choix que de noter leur mot de passe sur un post-it pour réussir à s’en rappeler… Et un post-it, ça s’égare.
D’une façon générale, je pense qu’il ne faut pas trop imposer de contraintes sur le choix des mots de passe. Il faut exiger un niveau de sécurité minimal pour éviter les choix idiots (et pourtant répandus…). Mais interdire ou obliger certains caractères est plutôt de nature à emmerder l’utilisateur, et donc à baisser la sécurité. À propos de la résistance des mots de passe, ce petit strip de XKCD est éloquent.
Passons à cette abomination qu’utilisent pratiquement toutes les banques de nos jours sur leurs sites web (et même sur leurs applications iPhone ou Android) :
Voilà un parfait exemple du gadget qui rassure tout le monde alors que ça fait en réalité diminuer la sécurité, et cela pour deux raisons.
Le mot de passe est nécessairement un code à 6 chiffres. Il n’y a donc qu’un million de possibilités, à comparer aux milliards de milliards de combinaisons possibles avec des lettres. Quelques minutes suffisent à un programme pour les essayer toutes. Bien sûr, je suppose qu’il y a une protection qui bloque le système si on entre plus d’une dizaine de mots de passe erronés successivement. Mais quand même.
Les chiffres que vous tapez quand vous saisissez votre code sont parfaitement visibles pour quiconque observe l’écran à ce moment-là : les touches s’entourent d’un cadre lorsque vous cliquez dessus. Alors que si vous tapiez bêtement votre code sur le clavier traditionnel, personne n’y verrait rien.
Ce truc réussit donc l’exploit de faire passer la sécurité des sites bancaires de pipeau à pipeau moins moins tout en faisant chier les utilisateurs. J’espère que son créateur a déjà sa place réservée aux enfers.
À propos de sécurité pipeau, faites-moi penser à vous parler un jour de cette grosse arnaque que sont les scanners d’empreintes digitales…
C’est par simple souci d’exhaustivité que le Musée de la Toile de Jouy figurait sur notre liste des musées à visiter. Parce que je l’avoue, l’idée de voir une exposition de bouts de tissus imprimés de motifs champêtres du XVIIIe siècle ne m’emballait pas franchement !
D’ailleurs, j’ai bien vu qu’on faisait tache dans le décor quand nous sommes entrés. Avec nos blousons de moto et nos casques sous le bras, dans le hall de style bonbonnière anglaise, entre deux mamies en déambulateur, nous étions à peu près autant à notre place que des Hell’s Angels venant acheter des napperons brodés dans un magasin de dentelles.
Mais les préjugés sont faits pour être dépassés ! Contre toute attente, j’ai plutôt apprécié. Du moins le rez-de-chaussée de l’exposition. J’ai découvert que l’obscur Oberkampf qui a donné son nom à la station de métro parisienne était en fait le fondateur de la manufacture de toile de Jouy. J’ai découvert que les motifs étaient imprimés par une technique tout à fait similaire à la gravure classique : des plaques de bois ou de cuivre gravées, encrées, puis pressées sur l’étoffe. J’ai découvert les improbables méthodes de fabrication des teintures, comme par exemple le rouge obtenu en broyant des larves d’insectes.
J’ai aussi découvert que l’introduction du coton en France avait donné lieu à des lois ultra-protectionnistes, le gouvernement cherchant à sauvegarder nos industries textiles locales (laine et soie principalement). Mais comme souvent, plus on essaie d’interdire, plus ça suscite de l’engouement et de la curiosité. Du coup, le marché des étoffes-ressemblant-à-du-coton-indien-mais-qui-n’en-sont-pas a explosé, sans parler de la contrebande. Le Roi a donc fini par autoriser l’implantation de quelques manufactures sur le territoire français, qui garderont assez longtemps le monopole de la production des toiles de coton. De la démondialisation mélenchoniste en plein XVIIIe siècle !
L’étage en revanche m’a barbé, avec son exposition de dizaines d’échantillons de tissu. Certes, j’ai appris que contrairement à ce que je croyais, la toile de Jouy, ce n’était pas que des motifs champêtres naïfs. C’était aussi des scènes mythologiques, des allusions à des événements politiques (comme la prise de la Bastille), des références aux découvertes scientifiques (l’invention des aérostats par exemple), des motifs géométriques de style cachemire, le tout souvent gravés par de grands noms de l’époque. Mais quand même. Ca reste aussi palpitant que de feuilleter le catalogue de papiers peints chez Leroy Merlin.
Après moult péripéties, Kawasaki m’a enfin livré ma nouvelle moto ! C’est un modèle unique : comme l’importateur n’avait plus de stock, le garage m’en a fait une sur mesure en récupérant un carénage je-ne-sais-où et en le montant sur le modèle que je voulais. D’où ce ressort d’amortisseur rouge vif, aussi incongru que magnifique.
Premières impressions.
Putain, ils se sont trompés, j’ai commandé une moto et ils m’ont livré un vibromasseur ! En même temps je ne suis pas surpris. Sur un bi-cylindre en ligne, les temps moteurs sont décalés de 90°, donc c’est bancal, irrégulier, ça vibre, ça cogne, ça vit. C’est justement ce qui est jouissif.
Je vois que dalle dans les rétroviseurs. Enfin pour être précis, je vois très bien mes coudes et le logo Furygan qui orne mon blouson. Mais s’il y a une voiture derrière moi ou si une autre moto est sur le point de me doubler, non, ça, rien à faire, je ne vois pas.
J’adore sentir l’ABS frétiller sous mon pied droit quand je rétrograde un peu violemment. Cette machine est vivante. (Mais un peu conne aussi, elle croit que c’est le frein à pied qui fait bloquer la roue arrière alors que c’est juste le frein moteur.)
Baptême du feu hier matin. Embouteillages parisiens aux heures de pointe, saute-mouton avec les voitures, slaloms divers et inter-file. Du gâteau. Ça se faufile partout sans effort. Cette machine, c’est un (gros) vélo avec un moteur de Twingo 16 soupapes.
Interdiction de dépasser 4000 tr/mn pendant les 800 premiers kilomètres. Je ne sais pas si le terme le plus approprié est frustration ou castration. Sachant qu’en dessous de 3000 tr/mn on est en sous-régime, ça laisse une plage moteur utilisable plutôt réduite… Ce rodage va être pénible.
Oh, une moto sur laquelle une fraction de seconde suffit pour trouver le point mort ! Ça me change de la Yamaha XJ6… C’est fou comme c’est pratique quand on s’arrête au feu rouge.
D’après les rapports de boite et le régime moteur maximal, on doit pouvoir atteindre 230 km/h. Il est clair que je n’essaierai jamais de vérifier si ce calcul est exact.
La bulle protège des turbulences aérodynamiques, mais pas des suicides collectifs de moustiques sur le casque. À raison d’un impact tous les deux ou trois kilomètres, je pense qu’un Paris Toulouse suffit à recouvrir uniformément la visière de cadavres.
Et sinon, mon U antivol, ma lampe de poche, mon chiffon pour essuyer la selle, mes affaires de pluie, je les range où ? Non parce que l’emplacement sous la selle me parait tout juste assez grand pour ranger trois feuilles de papier à cigarette… (L’une à côté de l’autre, les feuilles. Empilées, elles ne passent pas.)
Ne reste plus qu’à lui trouver un nom. Le copain propose de l’appeler Eva, parce qu’elle est verte et jolie… En plus, l’amortisseur rouge n’est pas sans rappeler de fameuses lunettes ! Mais je crois qu’au final, c’est Kawette qui va s’imposer.
La semaine dernière, une connaissance m’expliquait que dans une élection, tous les sujets n’avaient pas la même importance et qu’il fallait parfois accepter d’être en désaccord avec des détails secondaires du programme d’un candidat si par ailleurs, on était en accord sur des sujets fondamentaux. Et, ajouta-t-il mystérieusement, « je ne voterai jamais pour un candidat qui promet de tuer mes parents lorsqu’ils seront trop vieux ». Je n’ai pas relevé pour ne pas m’embarquer dans une discussion politique infernale, mais j’avoue que ma curiosité fut piquée au vif. De qui parlait-il ? Quel candidat pouvait bien promettre pareille chose ?
Aujourd’hui, suite à quelques allusions de sa part et suite à la lecture d’un article du Monde sur le vote des catholiques pratiquants, j’ai compris. Il parlait de Hollande et de son intention de réviser la loi Léonetti sur l’euthanasie.
L’idée serait en gros, si je comprends bien, d’autoriser les personnes qui en font la demande et qui sont atteintes d’une pathologie incurable à pouvoir accéder au suicide médicalement assisté. C’est effectivement très grave ! La preuve : si dans cette phrase on remplace « autoriser » par « obliger », si on remplace « les personnes qui en font la demande » par « tout le monde », si on remplace « atteint d’une pathologie incurable » par « trop vieux », si on remplace « pouvoir accéder au suicide » par « se faire assassiner », la proposition de Hollande nous conduit tout droit à Soleil Vert !
C’est sûr qu’avec ces gens qui quand on leur expose une idée comprennent l’exact opposé de chacun des mots qu’on utilise, le débat va être difficile. Entre ça et l'invasion des chars soviétiques, je voudrais bien savoir, parmi les électeurs de Sarkozy, combien n’ont pas voté contre le programme de Hollande mais contre l’idée totalement fantasmagorique et délirante qu’ils s’en faisaient.
Ma petite recette personnelle de pain d’épice, juste comme ça, parce que c’est bon, parce que c’est dimanche, parce que j’ai envie.
Il vous faut :
250 grammes de miel
30 grammes de beurre
10 cl de lait
250 grammes de farine
70 grammes de sucre
1 sachet de sucre vanillé
1 sachet de levure chimique
1 cuillère à café de muscade
1 cuillère à café de cannelle
1 cuillère à café de gingembre
3 cuillères à soupe de pastis (pas du Pernod, hein, du bon comme par exemple celui-ci)
2 œufs
1 pincée de sel (facultatif, voir ci-dessous)
des écorces d’orange confites
Mode opératoire
Dans une casserole, faire chauffer doucement le miel, le lait et le beurre, en remuant de temps en temps.
Dans un saladier, mélanger la farine, le sucre, le sucre vanillé, la levure, toutes les épices. Si vous utilisez du beurre doux à l’étape précédente, ajouter une pincée de sel. Puis incorporer le mélange tiède de miel, de lait et de beurre en remuant bien pour éviter les grumeaux.
Lorsque la pâte est bien lisse, incorporer les œufs un à un, une bonne lichette de pastis, et les écorces d’orange confites découpées en petits dés.
Verser dans un moule beurré et fariné (ou mieux, un moule silicone) et enfourner 1h15 à 150°C. Laisser refroidir complètement avant de déguster. Et c’est encore meilleur le lendemain !
Il y a un peu plus de trente ans, HP sortait sa première calculatrice, une machine restée célèbre pour son utilisation de la notation polonaise inverse. J’ai fait toutes mes études avec une HP28C. Non seulement j’ai toujours trouvé ce système de notation plus pratique et moins ambigu que le système classique, à tel point que je suis quasiment incapable d’utiliser une calculatrice normale ; mais de plus, l’avantage d’avoir une HP sur les bancs de la fac, c’est que personne ne vous emmerde à vouloir vous emprunter votre calculatrice !
Pour comprendre comment fonctionne la notation polonaise inverse, il faut voir les formules mathématiques comme un arbre. Les nœuds (en couleur ci-dessous) sont les opérations à effectuer : addition, multiplication, sinus, logarithme, élévation au carré, etc. Tandis que les feuilles (en blanc ci-dessous) sont les opérandes, soit des nombres, soit des constantes prédéfinies dans la machine comme π ou e. Imaginons que vous ayez à calculer le résultat de 2 + 3 sin (17 + π). Cela peut se représenter par l’arbre suivant :
Il existe plusieurs façons d’énumérer tous les nœuds d’un arbre. Une méthode intéressante est de le parcourir en profondeur, ce qui consiste à descendre le plus possible chaque fois qu’un chemin se présente à gauche, puis quand ça n’est plus possible, chaque fois qu’un chemin se présente à droite. C’est en remontant qu’on énumère alors les nœuds. Dans cet exemple, on obtient 2, puis 3, puis 17, puis π, puis +, sinus, × et enfin +. Ce parcours s’obtient aisément en appelant la fonction récursive suivante sur la racine :
visiter_noeud(x)
{
si x possède un fils gauche,
alors visiter_noeud(fils_gauche(x))
si x possède un fils droit,
alors visiter_noeud(fils_droit(x))
imprimer x
}
Dans un tel parcours en profondeur, il y a trois options possibles : le parcours préfixe, le parcours infixe, et le parcours postfixe. La différence réside dans le moment où l’on imprime le nœud courant, c’est-à-dire l’endroit où se trouve l’instruction « imprimer x » dans le code ci-dessus. Pour le parcours préfixe, on imprime le nœud courant avant de visiter les fils. Ce cas ne nous intéresse pas ici. Dans le parcours infixe, on imprime le nœud courant entre la visite du fils gauche et la visite du fils droit. Avec notre exemple, on obtient : 2, +, 3, ×, sinus, 17, +, π. Autrement dit, on obtient exactement la formule de départ. Enfin, dans le parcours postfixe, on imprime le nœud courant après avoir visité les deux fils. C’est ce que fait le code ci-dessus. Avec notre exemple, on obtient : 2, puis 3, puis 17, π, +, sinus, ×, et enfin +. Eh bien vous savez quoi ? Cet ordre est exactement l’ordre dans lequel il faut appuyer sur les touches d’une calculatrice HP pour effectuer l’opération !
Résumons : toute formule mathématique peut être représentée de façon unique et non ambiguë par un arbre. Sur une calculatrice classique, on effectue le calcul en entrant la formule dans l’ordre donné par un parcours infixe de cet arbre. Sur une calculatrice HP, on l’effectue en entrant la formule dans l’ordre donné par un parcours postfixe. C’est aussi simple que ça.
Pourquoi cette dernière façon de faire est-elle préférable à mon sens ? Parce qu’il n’y a aucune ambiguité sur la priorité des opérateurs. Dans la notation infixe, pour que ça marche, il faut que la calculatrice et l’utilisateur s’accordent sur le fait que la multiplication est prioritaire devant l’addition. Sinon, le résultat produit est faux, à moins de permuter certains fils gauches et droits pour que les opérations se fassent dans le bon ordre. Or certaines calculatrices n’utilisent pas les priorités usuelles – c’est typiquement le cas des calculatrices de bureau bon marché et des applications écrites à la va-vite. Autrement dit, si vous entrez la même opération sur deux calculatrices différentes, vous pouvez obtenir un résultat différent. La preuve ? Prenez un MacBook. Sur l’application Calculatrice, tapez 2 + 3 × 4. Vous obtiendrez 14. Prenez maintenant le widget calculatrice qui se trouve sur le dashboard et tapez exactement la même opération. Vous obtiendrez 20. Plutôt ennuyeux, non ?
Dans la notation postfixe utilisée par les calculatrices HP, ce problème n’existe pas. Les opérations sont forcément entrées dans le bon ordre. Vous n’avez pas à vous demander si la priorité naturelle des opérateurs est prise en compte ou non, vous n’avez pas à vous demander dans quel ordre la machine va faire les opérations, parce que cette notion de priorité n’a pas de sens. C’est aussi pour ça qu’il n’y a pas de touches parenthèses sur une calculatrice HP : elles ne serviraient à rien.
Pour finir, un petit exercice classique que je donnais habituellement à mes stagiaires à une certaine époque : écrire un programme qui convertit une formule mathématique depuis la notation infixe vers la notation postfixe. Le B.A.BA quand on prétend travailler sur l’écriture de compilateurs ! La solution : construire l’arbre à partir de la notation infixe en utilisant un analyseur syntaxique généré par un script YACC, puis utiliser une fonction récursive telle que celle donnée ci-dessus pour réaliser un parcours postfixe en profondeur de cet arbre.
Il y a près de chez nous un carrefour protégé par des feux de la circulation. Les voitures qui passent sur l’axe principal vont majoritairement tout droit ; mais les voitures qui arrivent sur l’axe perpendiculaire tournent majoritairement sur leur gauche et ont le feu vert en même temps. En conséquence, lorsque c’est à leur tour de passer, elles doivent se croiser au milieu du carrefour.
Avant, il n’y avait aucun marquage au sol et les automobilistes faisaient ce qui était le plus naturel et le plus efficace, à savoir le croisement à l’indonésienne. Ainsi, chacun pouvait tourner sur sa gauche sans gêner celui qui venait en face et qui tournait aussi sur sa gauche. Et puis un jour, un marquage au sol et un plot central ont été installés pour obliger les voitures à se croiser à la française, c’est à dire à se contourner. Résultat, aux heures d’affluences, dès qu’il y a plus de deux voitures de chaque côté qui veulent tourner à gauche, elles se bloquent mutuellement et plus personne ne passe. Là où s’écoulaient avant dix ou quinze véhicules par cycle du feu, n’en passent plus désormais que deux ou trois. Une immense réussite.
Il y a près de chez nous un cédez-le-passage. Il n’y a pas d’intersection. Juste un cédez-le-passage, incongru, au milieu de nulle part, sur une rue parfaitement rectiligne. En fait, à y regarder de plus près, si, il y a bien une intersection. Une toute petite entrée de parking sur la droite. Je dis bien une entrée de parking, pas une sortie (il y a un sens unique). Autrement dit, rien ne peut venir de là. Les seuls véhicules auxquels vous pouvez céder le passage à cet endroit, ce sont ceux qui arrivent en face et qui veulent tourner sur leur gauche en coupant votre voie pour entrer dans le parking.
La moitié des automobilistes passent ce cédez-le-passage sans même ralentir ni prêter attention à quoi que ce soit. Ce n’est pas qu’ils ne respectent pas la signalisation, c’est qu’elle est tellement inattendue et aberrante qu’ils ne la voient même pas. Et un jour, la voiture sur deux qui respecte le panneau croisera la route de la voiture sur deux qui ne le respecte pas.
Il y a près de chez nous un gros carrefour. Comme de nombreuses voies y débouchent et qu’elles ont le feu vert à tour de rôle, le cycle complet du feu est assez long. C’est pénible en heure creuse, où on peut se trouver à attendre cinq minutes au feu rouge alors qu’il n’y a strictement aucun autre véhicule à l’intersection. Pour éviter ces attentes inutiles, quelqu’un a eu la bonne idée de ne faire fonctionner le feu qu’aux heures pleines. Le reste du temps, quand il y a peu de trafic, le feu est éteint et c’est le régime classique de priorité à droite qui s’applique.
Le problème réside dans les transitions, quand les feux s’allument, et surtout quand ils s’éteignent. Considérons le scénario suivant, qui m’est réellement arrivé au début de notre installation dans le quartier. Attention suivez bien ça va très vite.
18h59m58s : vous attendez au feu rouge.
18h59m59s : le feu passe au vert, vous essorez la poignée et vous engagez sur le carrefour à toute berzingue, convaincu d’avoir la priorité.
19h00m00s : c’est l’heure fatidique, le feu s’éteint ; mais vous ne pouvez pas le voir, parce que vous venez de démarrer et qu’il est dans votre dos.
19h00m01s : comme le feu est éteint, les automobilistes situés dans la rue à votre droite démarrent à toute berzingue, convaincus d’avoir la priorité.
19h00m02s : vous évitez de justesse une violente collision moto contre gros 4x4.
20h35m10s : vous retrouvez un rythme cardiaque normal.
Il y a manifestement à la Direction Départementale de l’Équipement du quartier un mec soit très farceur, soit très incompétent. Je propose qu’on l’attrape, qu’on l’écorche vif, qu’on lui tenaille les chairs au fer rouge, qu’on lui verse du plomb fondu dans les oreilles, qu’on l’éviscère, qu’on l’écartèle, qu’on l'équarrisse, et qu’on fasse bouillir les morceaux.
Les soirées électorales telles qu’on les a connues sont bien mortes… Aujourd’hui, ceux qui n’ont pas les résultats quasi-définitifs à 19 heures ont raté leur vie ! À la limite, je comprends que les médias ne claironnent pas les résultats avant la fermeture des derniers bureaux de vote ; mais se la jouer suspense insoutenable avec musique qui fait peur et décompte fatidique, c’est vraiment ridicule. Les dix-sept téléspectateurs qui ne connaissaient pas encore le résultat à 20 heures ont dû se réjouir de toute cette belle mise en scène !
Et pourquoi commencer la soirée électorale à 19h15 sachant qu’on n’aura rien d’intéressant à dire avant 20 heures ? J’ai failli me suicider d’ennui devant cette déferlante de reportages bouche-trous. Est-ce que Sarkozy va prendre sa voiture de fonction ou sa voiture personnelle ? Est-ce que l’ambiance est bonne à Tulle ? Comment était habillée Eva Joly ce matin ? Et le journaliste qui entre à pas feutrés dans le bureau de Hollande, caméra à l’épaule, avec Élise Lucet en studio s’extasiant sur la rareté d’une telle image. On aurait cru un épisode d’Histoires Naturelles, lorsque les chasseurs approchent la galinette cendrée en chuchotant pour mieux la filmer dans son milieu naturel.
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Je ne comprends pas les éléments de langage de l’UMP. D’après Jupé et Cie, on n’enregistre pas de poussée de la gauche. La réalité, c’est que la gauche obtient l’un de ses plus hauts scores depuis 1981, et que trente-cinq départements basculent de droite à gauche alors qu’aucun ne bascule de gauche à droite. Même le Figaro voit la vague.
Toujours d’après Jupé et Cie, l’élection n’est pas celle qu’on nous avait promise. La réalité, c’est qu’hormis Le Pen qui est un peu plus haute que prévue, au détriment de Mélenchon qui lui est un peu plus bas, les scores finaux sont presque exactement ceux ressassés de sondage en sondage depuis des semaines. Et encore, à bien y réfléchir, le score de l’extrême-droite n’est même pas une surprise, on sentait cette poussée dans l’opinion publique depuis au moins deux ans. En fait, on a rarement vu des résultats électoraux aussi peu surprenants.
Je me demande toujours qui est le plus énervant, entre ceux qui pondent ces éléments de langage lénifiants, ceux qui les répètent en boucle sur tous les plateaux de télé au lieu de nous donner leur avis personnel, et ceux de l’autre côté de l’écran qui les gobent sans réfléchir.
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Tout de suite après 20 heures, les estimations sont connues à plus ou moins 1 % près (et encore, c’est une marge optimiste). Les chiffres sont pourtant affichés avec deux chiffres après la virgule. C’est à peu près aussi ridicule que si, utilisant une vulgaire règle d’écolier en plastique, vous annonciez mesurer la taille d’un objet au centième de millimètre.
En revanche, en fin de soirée, les chiffres définitifs sont connus et ça a du sens d’afficher ces fameuses deux décimales après la virgule. C’est effectivement ce qui se passe pour les gros candidats. Mais les petits candidats, eux, n’ont plus droit qu’à une seule décimale.
Il existe probablement un univers parallèle dans lequel tout ceci est logique.
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Oui, bon, Marine Le Pen. Ce n’est pas comme si on ne s’y attendait pas. À ce propos, il est indispensable de lire ceci.
Évidemment, il serait tentant, et même jouissif, d’attribuer la montée du FN à la politique de Sarkozy. Le problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment de montée. Le score de Marine Le Pen est un record historique pour l’extrême-droite en France, mais c’est un record qui bat de peu celui de 2002 et qui peut s’expliquer par deux causes purement mécaniques : la disparition de Bruno Mégret et l’augmentation démographique du nombre d’électeurs. Ajoutons à ça deux doigts de ras-le-bolisme chez quelques ouvriers, et voilà, nous avons nos 18 %. La montée, elle a déjà eu lieu, c'était en 2002 et c'était après quatre ans de socialisme.
Certes, Sarkozy est bien coupable d’avoir banalisé les thèses du FN, et les Français d’origine étrangère sont nombreux à le ressentir au quotidien. Mais on ne peut pas dire que ça a fait augmenter les scores du FN. L’électorat FN est haut mais plutôt stable. Il va falloir s’y habituer et faire avec pour les futures élections. En pratique, ça veut dire que la moindre division à droite provoquera des seconds tours PS/FN et que la moindre division à gauche (coucou les écolos) provoquera des seconds tours UMP/FN.
Le vent tourne, et les girouettes aussi. Un peu comme ces gens qui se sont soudain senti pousser l’âme d’un résistant la veille de la Libération, une flopée d’anciens proches de Sarkozy retournent leur veste à trois jours du scrutin et retirent publiquement leur soutien au président sortant. Fadela Amara, Martin Hirsch, Corinne Lepage… Encore un peu et Éric Besson va redevenir ségoléniste !
Je n’aime pas les girouettes. Non pas que l’on ne puisse pas changer d’avis sur quelque sujet précis, suite par exemple à un débat, à des lectures, à des échanges avec son entourage, etc. Mais passer de l’UMP de Sarkozy au PS de Hollande, et plus généralement passer de la gauche à la droite ou inversement, ce n’est pas changer d’avis sur un sujet précis, c’est passer d’une vision du monde à une autre.
On entend souvent se plaindre que la gauche et la droite, c’est la même chose. Cette idée est complètement stupide. Je veux bien admettre que l’électeur moyen a le sentiment que ni la gauche ni la droite n’ont pu l’aider lors de son litige de mur mitoyen avec son voisin ou lorsqu’il s’est fait volé sa Xantia toute neuve. Je veux bien admettre que l’électeur moyen a le sentiment que ni la droite ni la gauche n’ont pu empêcher son entreprise de fermer. Mais la politique, ce n’est pas que ça. La politique ne se juge pas sur ces petites mésaventures individuelles, qui existeront toujours. Elle se juge à l'échelle de toute la population et sur le long terme.
Si on regarde un peu plus loin que le bout de son nez, si on regarde sur plusieurs années et à grande échelle, non, la gauche et la droite, ce n’est pas la même chose. Améliorer l’éducation des jeunes, ça ne donne pas le même résultat à long terme que virer la moitié des profs. Enfermer les immigrés dans des ghettos de banlieue, ça ne donne pas le même résultat à long terme que la mixité sociale (coucou les émeutes de 2005). Favoriser l’exclusion, ça ne donne pas le même résultat à long terme que favoriser la tolérance. Privatiser tout et n’importe quoi jusqu’à l’absurde (coucou les autoroutes), ça ne donne pas le même résultat à long terme que de ne pas le faire.
Et puis il y a des lignes de clivage fortes, irréductibles. Une façon différente de considérer l’influence de la société sur les individus et réciproquement, une compréhension différente du phénomène des classes sociales, une prise en compte différente du réel, des priorités différentes, un mode de pensée différent.
Ces girouettes qui passent allègrement de gauche à droite ou de droite à gauche, je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi. Et je ne leur trouve que des mauvaises réponses. Est-ce qu’ils ne sentent pas ce clivage, cette différence essentielle de perception du monde ? Est-ce qu’ils le perçoivent mais s’en foutent, parce que leur but est simplement d’être élu, ou d’être sur le devant de la scène, ou d’aller dans le sens du vent ? Est-ce qu’ils ont un intérêt personnel à avoir le pouvoir et au fond, peu importe pour eux que ce soit sous une étiquette ou une autre ?
Quelle que soit la réponse, elle n’est guère glorieuse à mes yeux.
Je commence tout naturellement par m’adresser à ma banque. Ils me connaissent bien et proposent de bons taux, ce sera l’affaire d’une minute. Effectivement, c’est très rapide : quelques secondes me suffisent pour remplir le formulaire web et me prendre un insultant « crédit refusé » dans la poire.
Je tombe des nues. (Tout en poussant néanmoins divers jurons in petto.) Ma situation financière est saine, les mensualités de l’emprunt seraient faibles, qu’est-ce qui peut bien coincer ? La logique des banques me sera toujours hermétique. Bon, ce ne sont pas les organismes de crédit qui manquent, ne nous laissons pas démonter.
NEXT !
Allons voir Cofinoga, j’ai déjà un petit crédit chez eux. D’ailleurs, première question qu’on me pose : êtes-vous déjà client ? Oui, m’exclamè-je fièrement ! Deuxième question : veillez entrer votre numéro de compte. Je fouille dans mes papiers (je déteste fouiller dans mes papiers), trouve mon numéro de compte, m’étonne que celui-ci ne comporte que six chiffres alors qu’on m’en demande onze ; je finis par comprendre que ce qui s’appelle numéro de compte sur le formulaire web correspond en fait à mon numéro de client sur mon contrat papier, entre celui-ci dans la case prévue à cet effet, pour recevoir une réponse catégorique et définitive : numéro de client invalide. Bon, pas de temps à perdre avec ces conneries. Cofinoga, si tu me veux comme client, paie-toi un système d’information qui marche.
NEXT !
Passons rendre visite à Cetelem, c’est eux qui ont financé ma petite Ford Ka. Ils m’avaient même envoyé un courrier pour me féliciter de n’avoir jamais eu aucun incident de paiement en quatre ans. Je commence à remplir leur formulaire en ligne. On me pose des questions, encore des questions, et encore d’autres questions. À la troisième page, je commence à me demander si ce formulaire n’aurait pas été rédigé par la réincarnation de Torquemada. À la quatrième page, je frémis à l’idée que la CNIL ait pu donner son aval à la constitution d’un fichier pareil. À la cinquième page, alors qu’on n’a toujours pas abordé le vif du sujet et qu’on me demande le niveau d’étude (hein ?) et le lieu de naissance (quoi ?) de mon conjoint, je décrète que ça suffit.
NEXT !
Retournons voir ma banque, mais par téléphone cette fois. J’appelle un conseiller et lui donne exactement les mêmes informations que celles que j’avais saisies la veille sur internet. Crédit accepté. En fait, je sais pourquoi la logique des banques m’échappe : c’est parce qu’il n’y en a pas.
J’aime bien que dans mon iTunes ou sur mon lecteur MP3, les différents albums d’un groupe ou d’un artiste apparaissent dans leur ordre chronologique de sortie. C’est bête, mais comme je suis légèrement psychotique j’aime l’ordre et la logique, je m’y retrouve mieux quand les premiers et derniers albums d’un groupe s’affichent respectivement en premier et en dernier dans la liste. Hélas, la plupart des logiciels ne proposent qu’un classement alphabétique des artistes et les albums. Ça m'agace.
Il y aurait bien une solution, simple, efficace, élégante : il faudrait que l’ordre chronologique de sortie des albums corresponde pile poil à l’ordre alphabétique de leurs titres. Ca fonctionne par exemple avec Linkin Park : Hybrid Theory, Meteora, Minutes to Midnight et A Thousand Suns (oui, iTunes a l’intelligence de classer ce dernier titre à T et non à A). J’attends avec impatience leur cinquième album, pour voir s’ils poursuivent la logique avec un titre commençant par U, V, W, X, Y ou Z. Inutile de préciser que je serai extrêmement désappointé du contraire.
Quand je serai Maître du Monde, entres autres réformes révolutionnaires et novatrices dont je ne dévoilerai pas la teneur ici pour ne pas trop vous effrayer, j’exigerai que les groupes de rock aient pour obligation de choisir les titres de leurs albums de telle sorte qu’ils apparaissent dans le bon ordre dans iTunes.
Et ainsi, grâce à moi, l’Univers sera un meilleur endroit pour vivre.
Nous avons tellement de retard sur le traitement des minorités.
Au Pays-de-Galles, on a pris conscience que les gays n’osaient pas porter plainte après une agression homophobe parce que les policiers avaient la réputation d’être eux-même homophobes. Pour donner confiance aux homos, le gouvernement a fait apposer un petit autocollant arc-en-ciel sur la porte des commissariats. Imagine-t-on pareille mesure en France ? Bien sûr que non. Ce serait communatariste, et ça, il se trouve plein de gens pour croire sérieusement que ça menacerait la République.
À Londres, le taux d’équipement en aménagements spécifiques pour les personnes à mobilité réduite est, pour un Français, proprement stupéfiant. Tous les taxis et les bus possèdent une rampe d’accès. Presque tous les musées sont accessibles. Un peu partout, des toilettes publiques sont réservées aux handicapés par le biais d’une clef spéciale que l’on peut se procurer auprès de la Royal Association for Disability Rights. Quelques théâtres proposent un service de gardiennage pour les chiens d’aveugle. Imagine-t-on pareille chose en France ? Bien sûr que non. Il y a trop de gens qui pensent sérieusement que « pas de bras, pas de chocolat[1] » et surtout, il est mal vu pour un gouvernement de s’occuper d’autre chose que de l’intérêt général. Or beaucoup, confondant intérêt général et intérêt de la majorité, ne comprennent pas que s’occuper des minorités est profitable à tous et ne relève aucunement d’intérêts particuliers.
Dans certaines villes des États-Unis, les policiers peuvent suivre des formations d’initiation à la diversité. Parce qu’on s’est aperçu, dans ce grand pays multiculturel, qu’on devait s’adresser de manière différente à des gens issus de cultures différentes, parce qu’on s’est aperçu que tout le monde n’était pas blanc hétéro parlant anglais et que tout le monde n’avait donc pas les mêmes besoins que les blancs hétéros parlant anglais, l’État forme ses fonctionnaires à se comporter correctement envers tous ses citoyens. (Bon, ce n’est pas encore gagné, mais il faut avouer qu’ils partent de très loin.) Il me semble que le Canada travaille dans la même direction. Envisage-t-on pareille chose en France ? Bien sûr que non. Ce n’est pas à l’État de s’adapter à la diversité de ses citoyens, c’est aux citoyens d’entrer dans le moule imposé par l’État.
En fait, la France ne peut tout simplement pas penser les concepts de diversité et de minorité. Un truc l’en empêche. Ce truc, c’est un principe quasi-sacré et il a pour nom : Universalisme Républicain®. Chaque fois que l’on propose un aménagement pour une catégorie spécifique de personne (certaines aides sociales, le mariage gay, des ascenseurs réservés aux fauteuils roulants, la parité homme/femme sur les listes présentées aux élections, la liste est infinie) il se trouve des gens pour y voir l’attribution d’un privilège. Et chez nous, on n’aime pas les privilèges. Pour des raisons liées à notre histoire, mais aussi parce que par définition, un privilège n’est pas Républiquement Universel® puisqu’il ne s’applique pas à tous.
Le premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme, un texte dont nous aimons d’ailleurs nous gargariser, stipule que tous les hommes naissent égaux en droits. Il faudrait commencer à comprendre que s’occuper des minorités, c’est justement satisfaire à ce principe d’égalité des droits – et le mot important ici, c’est bien « droits ». Apposer un autocollant arc-en-ciel à l’entrée d’un commissariat, ce n’est pas un privilège ou du communautarisme, mais simplement un marchepied pour hausser les homos, qui partent de plus bas, au même niveau de droits que les autres citoyens. L’universalisme, ça ne veut pas dire les mêmes moyens pour tous, ça veut dire les mêmes résultats pour tous.
Et le plus démoralisant, c’est que je ne fais pas davantage confiance à la gauche qu’à la droite pour faire progresser la France sur ces questions.
Notes
[1] Ironie de l’histoire, ceux-là sont souvent culs-de-jatte. Je suppose que c’est ce qui les empêche de s’apercevoir qu’ils se tirent une balle dans le pied.
Je compte changer de bécane prochainement. J’écume donc tous les vendeurs de moto de la région, j’explore les sites internet des constructeurs… Et rien ne me séduit. Je ne voudrais pas faire mon vieux con, mais quand même, les motos, c’était mieux avant !
Déjà, impossible de trouver des machines de cylindrée raisonnable. On passe directement de 125 cm³ à 600 cm³, sans rien entre les deux. Les moyennes cylindrées de ma jeunesse, les Yamaha 350 RDLC ou les XJ 400, des machines qui m’ont procuré des coups de pied au cul mémorables, n’ont pas d’équivalent actuel. Si les constructeurs ont déserté ce créneau, je suppose que c’est parce qu’il n’était pas vendeur, mais c’est un peu pénible pour qui cherche une machine modeste destinée à évoluer principalement en ville.
Éliminons tout ce qui dépasse 750 cm³ ou 100 ch, soit toutes les BMW, toutes les Triumph, toutes les Ducati, bref, toutes les bécanes rigolotes. Éliminons les trails, c’est moche, la selle est trop haute pour mes courtes pattes et ça tient mal la route. Éliminons les customs et autres Harley Davidson à la position de conduite grotesque et inconfortable. Éliminons les sportives, pas adaptées à la conduite en ville. Éliminons les Honda et les Suzuki dont l’esthétique ne me convainc pas. Éliminons les roadsters « naked », trop fatigants à haute vitesse du fait de l’absence de bulle. Que reste-t-il ?
La Yamaha XJ6 Diversion, la Kawasaki ER-6f, et quelques gros scooters. Le scooter est ce qui est le plus adapté à mes besoins (maniabilité en ville, larges coffres de rangement…) mais j’ai envie d’une moto. La Yamaha n’a qu’un seul phare et je veux une optique double (pour des raisons de sécurité : de nuit, je crois qu’un automobiliste estime mieux la nature, la distance et la vitesse d’un véhicule qui a deux phares).
Ne reste plus que la Kawasaki. Mais ce n’est pas un coup de cœur, c’est un choix par élimination, un choix de raison. Et la raison, c’est quand même à l’opposé de l’idée que je me fais de la moto.
Les propos de Vanneste ont suscité beaucoup de réactions, qui elles-mêmes ont suscité beaucoup de contre-réactions. Dans ces dernières revient souvent le reproche que les militants homos seraient des terroristes intellectuels opposés à la liberté d’expression, puisqu’ils taxeraient d’homophobie tous ceux qui ne pensent pas comme eux.
Les mots ont un sens. La plupart du temps, quand on s’indigne de l’homophobie de quelqu’un, c’est justifié. On peut définir l’homophobie de différentes façons, mais grosso modo, on en revient toujours au même : est homophobe tout propos qui tend à placer l’homosexualité sur un plan inférieur à l’hétérosexualité ; de même qu’est sexiste tout propos qui tend à placer la femme sur un plan inférieur à l’homme, ou qu’est raciste un propos qui tend à placer les étrangers sur un plan inférieur aux Français.
Vous refusez que deux hommes s’embrassent en public parce que vous trouvez ça ostentatoire, alors que ça ne vous pose aucun problème quand il s’agit d’un homme et d’une femme ? Vous placez un même comportement sur deux plans différents selon qu’il provient d’un couple homo ou d’un couple hétéro : c’est homophobe.
Vous trouvez déplacé que votre collègue de travail mette une photo de son mec sur son bureau parce que vous considérez que son homosexualité relève de sa vie privée, alors que ça ne vous pose aucun problème que cet autre voisin de bureau placarde des photos de sa femme ? Vous placez un même comportement sur deux plans différents selon qu’il provient d’un couple homo ou d’un couple hétéro : c’est homophobe.
Vous êtes contre le mariage des couples homos (pour quelque raison que ce soit : vous pouvez toujours chercher, il n’y a aucune bonne raison), alors que ça ne vous pose aucun problème pour les couples hétéros ? Vous placez un même comportement sur deux plans différents selon qu’il provient d’un couple homo ou d’un couple hétéro : c’est homophobe.
Et ainsi de suite, ad libitum.
Je sais pourquoi certains n’acceptent pas cette définition de l’homophobie. C’est parce qu’elle tend à classer comme homophobe soixante-dix pour cent la population (y compris certains homos eux-mêmes) et qu’elle fait apparaître comme homophobes plein d'articles du Code Civil. Ceux-là font l’erreur de croire que le problème est dans la définition du mot, alors qu’il se trouve dans la réalité qu’il décrit.
Oui, soixante-dix pour cent de la population est homophobe. À différents degrés bien sûr, on ne peut pas placer un Vanneste ou une Boutin au même niveau que le quidam qui sans y avoir réfléchi, par simple réflexe conformiste, se déclare opposé au mariage des homosexuels. Mais homophobe quand même.
Soixante-dix pour cent. Qu’on ne me parle pas de lobby gay ou de volonté de prosélytisme. Cette homophobie généralisée, c’est bien la seule et unique cause à l’existence du militantisme gay.
Le réseau bruisse d’une indignation terrible, l’information est répétée de site en site et re-twittée en boucle depuis ce matin, le scoop est énorme : sur l’affiche de campagne de Sarkozy, l’image de fond ne serait pas un paysage français, mais une photo de la mer Égée achetée sur le net. Quelle horreur ! Le même scandale avait secoué la campagne de Le Pen il y a quelques mois, elle avait utilisé une photo d’un faux SDF sur son affiche. Quelle horreur derechef !
Bon, soyons sérieux deux minutes. Qu'est-ce que vous croyez ? Que quand une agence de com parisienne a besoin d’une photo de plage pour une affiche, elle paie un billet de train et deux jours de déplacement à un stagiaire pour qu’il aille, appareil photo en bandoulière, faire quelques shoots dans la baie de Quiberon ? Que quand elle a besoin d’une photo de SDF, elle descend dans la rue en bas de son immeuble en trouver un pour lui demander de prendre la pose ?
Eh bien non. Chacun son métier. Les affiches sont faites par des graphistes, les photos sont faites par des photographes. Ça ne demande pas les mêmes compétences, pas la même formation, pas le même matériel. Il n’existe probablement pas une seule agence au monde qui fait elle-même ses photos. Toutes les agences achètent les photos dont elles ont besoin à des photographes professionnels, le plus souvent en passant, sauf besoin très spécifique, par des banques d’image sur le net. L’agence de com de Le Pen comme l’agence de com de Sarkozy. C’est plus efficace, c’est plus rapide, ça coûte infiniment moins cher. Et pourquoi ne pas reprocher à l’agence de com de ne pas imprimer elle-même les affiches, tant qu’on y est ? Ou à l’imprimeur de ne pas fabriquer lui-même son papier et ses encres ? Ou à l'internaute qui a levé ce « lièvre » de ne pas avoir fabriqué lui-même son modem ADSL ?
Comme si on n’avait pas de critiques suffisamment sérieuses et argumentées à opposer à Sarkozy ou à Le Pen, pour perdre son temps avec des « affaires » pareilles…
Existe-t-il un métier plus noble, plus glorieux que celui de journaliste ? Mettre son existence au service de l’information, aller fouiner au péril de sa vie dans les affaires les plus sombres, explorer les endroits les plus dangereux de la planète et en rapporter ce qui s’y passe…
Les endroits les plus dangereux de la planète, comme par exemple cette station service d’Issy-les-Moulineaux, d’où un envoyé spécial apprit en direct à des millions de téléspectateurs frissonnant d’angoisse, que l’essence avait augmenté.
Les endroits les plus dangereux de la planète, comme par exemple le péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines, d’où un autre envoyé spécial apprit en direct à des millions de téléspectateurs haletants, que l’on comptait cinq kilomètres de bouchons sur l’autoroute A10.
Les endroits les plus dangereux de la planète, comme par exemple ce marchand de fruits et légumes parisien, d’où une envoyée spéciale apprit en direct à des millions de téléspectateurs terrifiés par l’image de ces poireaux, choux-fleurs et autres navets qui entouraient l’intrépide journaliste, que le froid, eh ben, c’est pas bon pour les cultures.
Pujadas, tu devrais changer de métier, parce que là, je pense que le fantôme d’Albert Londres ne va pas tarder à venir te foutre une bonne raclée. Et crois-moi, tu l'auras pas volée, celle-là.
[small](Et en plus, c'est ma redevance télé qui paie le faisceau satellite pour tes conneries, alors tu arrêtes de jouer avec tes envoyés spéciaux, maintenant.)[/small]
Il y a chez Grosse Bouâte SA une petite tradition sympathique, celle de l’énigme du midi. Tous les jours à 12h30, un collègue envoie sur la mailing-list interne une petite devinette, un casse-tête ou un jeu de logique. C’est le signal du départ pour la cantine et accessoirement, on s’amuse tout en faisant fonctionner ses neurones.
Depuis quelque temps, la mode pour l’énigme du midi est aux devinettes basées sur les pièges orthographiques de la langue française. Le niveau est facile, il y a quasi systématiquement cent pour cent de bonnes réponses. Aussi, moi qui aime bien la langue, j’ai pensé un moment proposer des jeux et des énigmes un peu plus sérieuses. Des choses à base du non-usage du subjonctif après « après que » ou à base de « c’est le matin que la rose est le plus belle », par exemple. Et puis je me suis abstenu.
En fait, je trouve ce genre de jeu assez puéril. Comme le dit très bien ma copine Samantdi, la langue ne doit pas être un outil de domination, elle ne doit pas être utilisée par « ceux qui savent » pour affirmer leur supériorité sur « ceux qui ne savent pas ». Elle doit servir à partager, à communiquer, pas à humilier. Quelle importance qu’une personne maîtrise ou ne maîtrise pas telle ou telle règle grammaticale bizarre et complètement oubliée ? Ce n’est pas ce qui rend son discours plus ou moins intéressant.
Le bon grammairien ne légifère pas, il constate. N’en déplaise à notre conception jacobine de l’État, ce n’est pas l’Académie Française qui fixe la langue, ce sont les centaines de millions de personnes qui la parlent dans le monde. Les Immortels peuvent toujours édicter des règles, si personne ne les respecte, ça ne sert à rien ; les dictionnaires peuvent toujours proclamer que « antidote » ou « appendice » sont des mots masculins, si la majorité de la population les utilise au féminin, alors ce sont des mots féminins. Mais c’est une idée mal acceptée : Maurice Grevisse, qui dans son célèbre Du Bon Usage avalisait des constructions normalement proscrites par l’Académie au prétexte qu’on les trouve parfois sous la plume de quelques auteurs, était qualifié de laxiste par les Ayatollahs du Parfait Français. Cette mode de l’orthodoxie orthographique est d’ailleurs assez récente ; quiconque a déjà feuilleté des ouvrages imprimés avant le XVIIIe siècle sait que le genre des mots et l’orthographe étaient à l’époque assez fluctuantes suivant les auteurs et les imprimeurs, et la Terre n’en tournait pas moins rond.
Bien sûr, je suis complètement schizophrène lorsque j’écris tout ceci, moi qui moque les présentateurs télé utilisant le conditionnel après « si » ; qui râle quand un collègue m’envoie un mail truffé de fautes ; qui renonce à lire certains blogs qui pourraient pourtant m’intéresser parce leur syntaxe me rebute ; ou qui suis amoureux de ce F à la fin de « clef » ou de ce tréma curieusement placé dans « ambiguë ». En fait, je pense que nous n’utilisons pas tous notre cerveau de la même manière. Je fais partie des gens qui se basent principalement sur la graphie pour comprendre l’écrit, je suis donc très handicapé dans ma lecture quand l’orthographe est hasardeuse ; mais ça ne m’empêche pas de concevoir que d’autres fonctionnent différemment et utilisent peut-être davantage les sonorités, ou le contexte, pour comprendre une phrase, et sont plus insensibles à la graphie. Tout le monde n’est pas obligé de vibrer à la prose de Victor Hugo, de même que tout le monde n’est pas obligé d’aimer la musique ou la peinture.
Est paru dans Le Monde cette semaine un article très intéressant sur la revendication féministe de supprimer la règle grammaticale qui veut que le masculin l’emporte sur le féminin. L’argument est convaincant : cette règle de suprématie du masculin ayant été instaurée assez récemment pour des motifs purement sexistes, il n’est pas idiot de vouloir la supprimer maintenant que notre société a progressé sur le plan de l’égalité des sexes. Nous reviendrions alors à la règle qui prévalait auparavant, issue du latin et du grec, dite règle de proximité. Levée de bouclier généralisée dans les commentaires, bien sûr, de la part de tous ceux pour qui le français est sacré et intouchable. Comme si on avait parlé la même langue depuis Clovis 1er jusqu’à nos jours… Des pays comme le Brésil sont moins frileux que nous, qui réforment couramment l’orthographe de leur langue (suppression des doubles consonnes par exemple) pour l’adapter aux usages de la population.
À ces féministes, j’ai un peu envie de dire : chiche. C’est l’usage qui fait la langue, pas l’Académie. Appliquez la règle de proximité dans tous vos écrits, convainquez des maisons d’édition de vous suivre (il en existe déjà au moins une), des écrivains, des journalistes… Et dans une génération, l’usage s’imposera de lui-même. La preuve que cette « révolution » n'est pas si terrible, c’est que j’ai moi-même appliqué cette règle de proximité dans ce billet. Je suis quasi certain que personne ne s’en était aperçu jusqu’à cette phrase.
Comptant augmenter prochainement la liste des catégories de véhicules que mon permis m’autorise à conduire, je me retrouve, à quarante-deux ans bien tassés, à repasser mon code.
Assez présomptueusement, je m’étais dit que ça n’était qu’une formalité. Et puis après avoir raté une bonne dizaine d’examens blancs, je me suis décidé à acheter et à relire un code de la route. C’est fou le nombre de choses qui ont changé ! L’introduction du permis à points, du permis probatoire, de la conduite accompagnée, de la conduite supervisée, du contrôle technique automobile, l’introduction de préoccupations écologiques dans les réglementations, la modification des seuils d’alcoolémie et la prise en compte d’autres substances psycho-actives comme le cannabis et les médicaments…
Sans parler de tout ce que j’ai purement et simplement oublié. Par exemple, les règles précises d’allumage des feux de position, de croisement, de route, et d’antibrouillard. En usage normal, dans la vraie vie, bien sûr, je m’en sors très bien ; sauf que les photos qu’on vous propose dans les examens du code ne sont jamais des situations normales. Il s’agit toujours de cas limites, pour lesquels la connaissance de la règle exacte et ses (innombrables) exceptions est indispensable.
Mais malgré mes révisions, je descends rarement en-dessous des cinq fautes. Il faut dire que je pars du principe qu’il y a une logique. Grave erreur. Dix pour cent des questions ne répondent à aucune logique.
Pour une situation donnée, la bonne réponse peut être certaines fois « je passe », au prétexte que j’ai la priorité, puis d’autres fois « je ne passe pas », au prétexte que j’ai la priorité mais bon un peu de courtoisie ne fait pas de mal. Un piéton sur le bord de la route ? Un coup la bonne réponse est qu’il ne présente pas de danger, un autre coup qu’on doit se méfier parce qu’un piéton est imprévisible. (De toute façon, je ne sais pas vous, mais moi j’ai du mal à évaluer si un piéton présente un comportement dangereux sur une photo statique…) Il y a aussi des questions où aucune réponse n’est pertinente, comme celle où on vous demande si vous cédez le passage au piéton alors qu’il est de toute façon impossible étant donnée la configuration des lieux que vous croisiez sa route. Ou alors cette photo tout à fait claire et lumineuse où vous apprenez stupéfait que vous auriez dû allumer vos feux à cause des mauvaises conditions de visibilité.
Un jeune collègue qui vient de passer le permis m’assure que les questions posées à l’examen sont vraiment plus simples que celles posées à l’entrainement, mais j’ai quand même l’impression qu’il y a une composante hasardeuse bien plus grande que ce qu’elle devrait être dans ce genre d’examen.
Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Quand j’étais adolescent, dans mon quartier, dans mon milieu, dans mon lycée, être raciste était la dernière des tares. Traiter quelqu'un de raciste était une insulte grave, l’association SOS Racisme venait de se créer avec leur fameux slogan « touche pas à mon pote », le MRAP commençait à faire parler de lui, il y avait eu la Marche des Beurs entre Marseille et Paris, notre prof de français nous avait emmené voir le film Train d’enfer et toute la classe en était ressortie révoltée, et quand le FN avait fait péter les scores en 1986, les Béruriers Noirs avaient répliqué avec Salut à toi et bien sûr avec La jeunesse emmerde le Front National.
De nos jours, être raciste est une option acceptable. Certes, c’est toujours condamné par la loi, mais tout le monde s’en fout. Brice Hortefeux insulte régulièrement les Arabes ou les Rroms depuis cinq ans sans que personne ne bronche, sauf la gauche, mais justement, que la gauche s’indigne est interprété comme une preuve qu’être raciste est cool puisque ça fait râler les « bien-pensants ». Claude Guéant truque des statistiques pour « prouver » que les immigrés réussissent moins bien à l’école que les bons petits Français, l’INSEE s’indigne, l’affaire occupe les premières pages de Libé pendant trois jours, puis tout le monde oublie. Des gens comme Philippe Bilger ou Robert Ménard réclament le droit de dire que les immigrés sont majoritairement des délinquants « au nom du droit à décrire le réel » (sic) et il ne se trouve pas un seul journaliste en face pour leur répondre qu’interpréter le réel par le seul prisme de l’ethnie est une analyse quand même vraiment très faible, et de surcroît, fausse.
Je ne comprends pas ce qui s’est passé, mais j’en ai une petite idée. La droite a gagné sur le plan idéologique, et plus particulièrement sur l’idée qui veut que les gens soient responsables de ce qui leur arrive – ou pire, que cela résulte d’un ordre naturel. Dans les années 80, les pauvres étaient vus comme un effet secondaire négatif du système économique. Maintenant, on admet facilement que si les pauvres sont pauvres, c’est soit parce que ces feignasses ne se bougent pas assez le cul, soit parce qu’ils sont naturellement inadaptés à notre monde, et dans ce cas on ne peut rien pour eux. Idem pour les étrangers. Oh, bien sûr, on ne leur reproche pas leur couleur de peau ou leur lieu de naissance, ça, même la droite a conscience que ce serait idiot ; mais on leur reproche de ne pas vouloir vraiment s’intégrer, de ne pas oublier leur culture pour adhérer pleinement à la nôtre, on leur reproche de vouloir pratiquer une religion pas catholique, de ne pas faire assez d’effort pour parler parfaitement notre langue, etc. En fait, on leur reproche de faire exprès d’être différents, tout comme on reproche aux pauvres de faire exprès d’être pauvres.
Les débats sur l’identité nationale, la loi sur le voile, les propos racistes de nos ministres ou du chef de l’État, ça peut paraître n’être que des mots, mais de l’autre côté du téléviseur, il y a des gens qui les encaissent. La grossièreté des flics avec tout ce qui est basané, les tracasseries administratives délirantes pour tout ce qui n’est pas né dans l’hexagone, les délits de faciès permanents, ça peut paraître n’être que des brèves dans les journaux, mais ce sont de vrais gens qui les encaissent.
Traiter les gens comme de la merde, tôt ou tard, ça finit par faire de la merde. Je ne suis pas très confiant en ce que nous réserve l'année 2012.