Ablutions

Nous avons dans notre nouvelle maison une salle de bain absolument magnifique. La douche est spacieuse, avec une marche pour s’asseoir et une étagère pour aligner les produits de beauté. Les murs sont vert jade, le carrelage est un joli damier vert et blanc, il y a des frises de galets au mur et des poissons rouges sur la porte de douche. La pression est bonne, on peut choisir entre quatre jets différents, un thermomètre donne la température de l’eau. Il ne se passe pas un matin sans que je nous félicite d’avoir dessiné et bâti une salle de bain aussi agréable.

Hélas, partout ailleurs dans le monde et notamment dans les hôtels, campings et autres lieux de vacances, les salles de bains semblent avoir été conçues par le diable en personne.

Il y a les pommeaux de douche fixés au mur de façon inamovible et leur contraire, les pommeaux de douche impossibles à faire tenir au mur. Avec les premiers, l’eau ne pouvant tomber que du dessus de votre tête, il est impossible de se rincer correctement l’entre-jambe. Avec les seconds, comme vous avez toujours une main prise pour tenir le machin, il ne vous en reste plus qu’une seule pour vous savonner. Variante assez sadique : les douches où le pommeau ne tient sur son support mural que dans une position telle que l’eau ne vous tombe pas dessus mais arrose le mur.

Il y a les cabines munies d’un rideau. Je ne crois pas qu’il existe de sensation plus désagréable au monde que celle du rideau de douche en plastique froid et mouillé qui vient se coller à votre peau. Il y a aussi les cabines munies d’une porte qui ferme mal, ou bien tout simplement démunies de tout moyen de fermeture ; et c’est la peur incessante du dégât des eaux qui vous gâche le plaisir de la douche.

Il y a les douches non thermostatées, où vous passez votre temps à lutter contre ces foutus robinets qui ne proposent que deux réglages : froid polaire ou lave en fusion. Mention spéciale pour les chauffe-eau à gaz, que les allumages et extinctions aussi intempestifs qu’aléatoires transforment en de remarquables pourvoyeurs de douches écossaises.

Il y a les douches asthmatiques qui ne déversent leur eau qu’avec une telle parcimonie, mince filet ou goutte-à-goutte, que le rinçage de votre abondante chevelure devient un authentique calvaire. Pour peu que l’eau soit pauvre en calcaire, le calvaire devient supplice : le shampoing mousse plus que d’habitude tout en étant encore plus difficile à rincer.

Quant à la plomberie anglaise, ma fréquentation des hôtels, Bed & Breakfast et autres Guest House dans les campagnes de l’autre côté du Channel m’a apprit depuis longtemps qu’elle pouvait cumuler tous ces problèmes à la fois, ce qui est une sorte de performance tout à fait remarquable.

Je comprends bien l’objectif des tenanciers d’établissements. Si les douches étaient agréables dans les hôtels, leur consommation d’eau s’en verrait probablement doublée, ce qui ne serait ni économique, ni écologique. Mais tout de même, ces problèmes aquatiques, ça me gâche un peu les vacances à chaque fois.

(Mise à jour : cette petite planche signalée par un aimable lecteur illustre à merveille ce billet !)