Nessie

Ce lac est bizarre. Pas étonnant que des centaines de témoins aient cru y déceler un monstre. D’abord, l’eau est noire. Vraiment noire. Même près du rivage, où la profondeur n’excède pas quelques dizaines de centimètres, on distingue à peine le fond, on a un sentiment inhabituel d’épaisseur, d’opacité. En amont du Loch, un système d’écluses permet aux bateaux de rejoindre le Caledonian Canal ; on a l’impression qu’elles sont remplies d’encre, tellement l’eau y est sombre.

Et puis sur ce lac, on voit en permanence des sillages curieux, des trucs qui flottent, des ombres, des endroits où les vagues se creusent soudainement sans raison apparente et d’autres où au contraire la houle disparait presque totalement… D’après ce que j’ai compris, ces phénomènes sont dus aux interactions entre plusieurs courants sous-marins et le vent en surface.

Ajoutons à tout cela un brouillard fréquent, quelques verres de whisky, un peu d’auto-persuasion, et voilà Nessie !

Le principal musée du coin joue la carte de l’honnêteté et ne laisse pas vraiment de place au mythe. Au fil des salles, on découvre les incohérences entre les témoignages (tant en terme de taille qu’en terme de morphologie) qui rendent peu crédibles que toutes ces apparitions soient dues à une seule et même bestiole. On apprend qu’à cause de l’opacité de l’eau, le plancton (qui a besoin de photosynthèse) se développe mal, ce qui limite la pyramide alimentaire au point qu’il est impossible que le Loch contienne assez de nourriture pour permettre à un quelconque animal préhistorique d’y survivre. Et on voit les résultats négatifs des innombrables campagnes d’exploration au sonar menées depuis quelques décennies.

Mais que le musée affirme l’inexistence du monstre n’empêche nullement la boutique attenante de faire tout son chiffre d’affaire en vendant des effigies de la bête ! C’est de bonne guerre et d’ailleurs ça marche, puisque j’en ai acheté une…

En ce qui nous concerne, ce brave Nessie, nous avons eu du mal à le trouver. Un peu partout, des cartes postales nous le montraient pataugeant au milieu d’un petit lac parmi la végétation ; la littérature au verso de ces cartes restaient hélas assez évasive quant à la localisation exacte de ce lac. Heureusement, les internets sont venus à notre secours ! Après de longues recherches, nous avons fini par trouver sur Flickr une photo identique à l’une de ces cartes postales ; parmi les commentaires de cette photo, des informations suffisamment précises pour nous permettre de localiser par recoupements l’endroit sur Google Map ; et sur la vue satellite, la preuve irréfutable qu’il était là. Dès le lendemain matin, nous étions sur place !

Le plus grand mystère du Loch Ness reste tout de même de savoir comment ça se prononce. Dans le musée sus-cité, la voix off du documentaire dit /lɒk/. Les habitants du coin disent /lɔx/ (même son que la jota espagnole) conformément aux règles de prononciation du scots. Et dans un film vu hier soir, un personnage dit carrément /lɔç/ (même son que dans ich en allemand).

En même temps, quand on sait qu’Édimbourg se prononce /ɛdɪnbərə/, on ne s’étonne plus de rien.