Le Redoutable

Quelle que soit la direction où l’on tourne le regard, ce ne sont que tuyaux, conduites, câbles électriques, manettes, vannes et manomètres. Comment a-t-on pu assembler un engin pareil sans se tromper ? Tous les fils sont de la même couleur !

Comment les gens qui pilotent cette machine arrivent-ils à la maitriser, à savoir que pour faire telle opération, il faut ouvrir ou fermer telle vanne qui se trouve à tel endroit dans telle coursive, parmi les milliers de vannes qui existent ? Ca dépasse mon entendement.

Il y a là de de la vapeur sous pression, des conduites hydrauliques, des conduites d’air comprimé, des conduites d’eau de mer, des conduites d’eau douce, de l’électricité haute tension, de l’électricité basse tension. Bref, tout ce qui peut passer par un tuyau.

Dans la salle de lancement des missiles, un système de transmission d’ordre sécurisé avec les algorithmes de cryptage les plus puissants de l’époque, côtoie le système de communication le plus primitif qui soit : un tuyau en cuivre avec un pavillon de trompette à chaque bout. De même, sur la passerelle, une centrale inertielle dernier cri avec son gyroscope sur trois axes côtoie un bête fil à plomb pendu au mur.

Ce devait tout de même être un grand malade, le type qui a eu l’idée d’enfermer dans un espace aussi réduit une centrale nucléaire, une turbine à vapeur, des alternateurs, des moteurs électriques, des compresseurs en tous genres, quelques diesels de secours, une usine de retraitement des déchets, des tonnes d’explosif, seize missiles et pas mal de torpilles, un bloc chirurgical, une cuisine de collectivité avec des vivres pour soixante-dix jours, les ordinateurs les plus puissants du moment… Et une centaine de jeunes garçons pour faire fonctionner tout ça.

Où que l’on porte le regard, l’horizon n’est jamais plus loin que quelques mètres. Il parait que l’œil et le cerveau s’adaptent. Et que c’est le retour à terre, qui est le plus difficile.