Entreprise fiction
Quels sont les signes que vous devez quitter votre poste actuel d’ingénieur en informatique pour en trouver un autre ?
- La médiocrité devient la norme dans l’entreprise. Les gens compétents ne font que passer et démissionnent avant la fin de leur période d’essai, ou au plus tard dans l’année qui suit. À l’inverse, les gens médiocres sont valorisés, des gens incompétents sont promus.
- Vous passez la plupart de votre temps à faire autre chose que votre travail. Écrire des documents réglementaires, remplir des grilles de reporting, formaliser des procédures, mettre en place des KPI sont devenus votre quotidien. Concevoir une architecture logicielle et produire du code, en revanche, sont devenus des activités secondaires, voire rares.
- Les décisions et les choix des équipes opérationnelles sont remis en cause par des managers qui pour la plupart, n’ont pas écrit une ligne de code depuis 1983. Le marketing se mêle de l’architecture du code et la direction décide d’orientations techniques contraires à ce que tous les développeurs séniors de la boîte conseillent.
- Évoquer les problèmes devient interdit. Expliquer que telle techno imposée est inadaptée, ou bien que le planning est intenable, ou bien que telle personne n’est pas autonome et doit être davantage encadrée, ou bien que vous êtes bloqués en attente d’un autre service sont des éléments factuels impossible à exprimer. Ceux qui essaient sont réprimandés, voire mis à l’écart s’ils insistent.
- Votre travail est évalué de façon bizarre, inéquitable. Une équipe qui produit de bons résultats se fait harceler, se voit reprocher des erreurs anecdotiques, est mise sous surveillance rapprochée de la direction. Une autre équipe qui enchaîne les fiascos, en revanche, est mystérieusement intouchable. Des gens qui n’ont aucune idée de ce qu’est votre boulot critiquent vos méthodes, vos résultats, vous expliquent comment vous devriez faire. Des primes salariales sont mises en place sur des critères n’ayant pas de rapport avec votre métier, par exemple sur le taux de non-conformités réglementaires par semestre, ou bien sur des critères non évaluables objectivement, par exemple sur votre « implication dans la politique d’amélioration continue ».
- L’entreprise dépense une énergie considérable à mettre en place des procédures, mais qui tapent à côté des problèmes avec une telle constance, qu’elles aggravent la qualité (déjà mauvaise) de ce qui est produit. Par exemple : imposer de longs et coûteux tests des bibliothèques de développement, tests qui ne servent à rien parce que conçus et réalisés par des non-développeurs ; ou bien interdire l’utilisation des outils de mise en prod par les seules personnes de la boite qui savent faire des mise en prod.
- Le projet dans le domaine X sur la plateforme Y n’est pas confié à une équipe spécialiste du domaine X et de la plateforme Y, mais à une autre équipe qui n’a strictement aucune expérience ni sur X ni sur Y. Et quand la première équipe essaie d’aider la seconde, de l’avertir que les choix faits ne sont pas bons, elle se fait rabrouer, voire prendre de haut.
- Le micro-management. Chaque tâche est planifiée, quantifiée, chiffrée, on peut vous reprocher à tout moment (parfois des mois plus tard) d’avoir passé deux jours sur une tâche qui avait été estimée à une journée. Vous n’avez aucune visibilité, aucune autonomie. Les priorités changent toutes les semaines, sans raison claire ni cohérence apparente. Quand vous signalez ce problème de micro-management et en quoi il est nuisible, on vous rétorque que l’entreprise ne pratique pas le micro-management.
- Vous vous faites manipuler. On vous demande de développer un produit sans intérêt, vous signalez à plusieurs reprise sa faible valeur ajoutée et faites même des suggestions pour l’améliorer, qui sont toutes refusées. Quand vous avez fini, on vous annonce que vous avez échoué puisque vous avez développé un produit sans intérêt, puis on utilise cet échec pour justifier des mesures répressives.
- Des managers vous expliquent avec condescendance comment résoudre un problème que vous avec déjà résolu depuis un an. Votre solution éprouvée qui tourne depuis des mois est supprimée, puis remplacée par une solution moins bonne techniquement et trente fois plus coûteuse financièrement, contre votre avis bien sûr, mais aussi contre l’avis unanime de toutes les personnes connaisseuses du sujet.
- Le management est infaillible. Tout est de la faute des équipes techniques. C’est pour ça qu’il faut encore plus de micro-management, encore plus de surveillance, encore moins d’autonomie.
Bien sûr, ce ne sont que des exemples, des cas d’école. Rien de tout ceci n’arrive jamais dans aucune entreprise, ou très ponctuellement. Alors vous imaginez, tout ça en même temps dans la même boite ? Ça ne serait pas crédible.