Vingt-mille kilomètres en Z1000SX

Considérant que YOLO, je me suis offert l’année dernière une petite moto pour mes 48 ans. (Enfin presque, ma banque ayant tardé dans les virements, mon stratagème démoniaque pour l’avoir le jour même de mon anniversaire a échoué d’une semaine). Impressions après dix-huit mois au guidon d’une Kawasaki Z1000SX.

Ça se conduit comme un vélo. Quand je suis allé l’essayer, j’étais terrifié par le poids, la taille, la puissance… Le concessionnaire m’a expliqué deux ou trois trucs (« Je te mets la bulle en position basse, sinon à partir de 140 km/h, il y a des turbulences pénibles ! »), il m’a fait signer un papier me promettant la damnation éternelle si je ne ramenais pas le monstre en parfait état, j’ai pris mon air le plus assuré et j’ai enfourché l’engin. Cinq-cent mètres plus loin j’étais rassuré, tellement la prise en main est facile. Impression confirmée cinq ou six mille kilomètres plus loin lors d’un freinage d’urgence dans la descente finale de la N118 (les connaisseurs connaissent) : le comportement est très sain.

L’engin est vendu comme une GT, mais c’est plutôt le côté Z qui ressort. On est assis en hauteur, les cuisses assez écartées étant donné l’embonpoint du réservoir, légèrement penché en avant, en appui sur les poignets. Comme sur beaucoup de japonaises, le confort dépasse à peine celui d’une banquette en bois. Cela étant, je suis allé faire une petite course en Sologne l’autre jour (je n’avais plus de sablés de Nançay, il fallait bien que j’aille en acheter…) et l’aller/retour de 350 km s’avale sans difficulté dans l’après-midi. Sur l’autoroute, on apprécierait juste une 6ème un peu plus longue et un régulateur de vitesse.

Évidemment, le gros atout de la bête est son moteur libéré délivré de la réglementation française. Cent quarante chevaux, ça respire bien. On ne s’en aperçoit pas forcément au début, d’autant plus qu’on est très prudent les mille ou deux mille premiers kilomètres. On réalise plus tard, quand on a l’occasion de reconduire son ancienne moto et qu’on a l’impression que c’est un veau… Le point positif est que cette puissance vient progressivement. Contrairement à d’autres motos, il n’y a pas de débarquement brutal de la cavalerie à un régime charnière précis, ce que je trouve toujours dangereux parce qu’on peut se faire surprendre sur une remise de gaz en virage. Là, ce risque n’existe pas et c’est très rassurant. Tout juste y a-t-il un léger trou en dessous de 2500 tr/min, mais on prend vite l’habitude d’accélérer un peu plus fort au démarrage pour compenser et à rendre un peu la main tout de suite après.

Par ailleurs, un anti-patinage aide à dompter la puissance. Je ne l’ai déclenché qu’une seule fois, à l’occasion d’un dépassement sous la pluie. J’ai mis un coup de gaz probablement un poil trop fort pour doubler, pile au moment où la roue arrière passait sur le marquage au sol mouillé. L’expérience est amusante. La moto commence à chasser, un voyant s’allume au tableau de bord, la puissance moteur se réduit toute seule, l’adhérence revient, et voilà. Même pas le temps de sécréter de l’adrénaline. (Après coup, par contre…)

À propos d’adhérence, sans surprise, les pneus d’origine sont potables mais sans plus. Sur sol sec ça se passe bien, mais sous la pluie les sensations dans la roue avant ne mettent pas en confiance, à l’attaque d’un rond-point par exemple. Comme sur tous mes deux-roues précédents, je les ai fait remplacer par des Michelin Pilot Road et ça va beaucoup mieux. (Mon conseil gratuit du jour : faites pareil. C’est un peu cher, ça s’use vite parce que la gomme est tendre, mais ce sont les pneus les plus sécurisants du marché et ça se sent vraiment dans la conduite.)

Passons aux détails qui fâchent. Le contraste des afficheurs LCD est insuffisant, dès qu’on abaisse la visière solaire ou qu’on est à contre-jour, les indications du tableau de bord sont illisibles. Les indications de la jauge à essence sont erratiques et surtout, pas du tout linéaires : les premiers crans de la jauge correspondent à dix ou vingt kilomètres chacun, tandis que le dernier cran permet de faire plus de cent kilomètres. La position des arceaux et des câbles font qu’il est impossible de régler les leviers d’embrayage et de frein de manière symétrique, celui de gauche est forcément un peu plus pivoté vers le haut que celui de droite. Le carter de la chaine ne va pas assez loin, le revers de la plaque d’immatriculation et le côté gauche de la selle sont maculés par les projections de graisse. La commande de boîte n’est pas très précise, surtout à froid quand l’huile est encore visqueuse, il faut souvent s’y reprendre à plusieurs fois pour trouver le point mort. Le faisceau des phares a une forme qui lui permet d’éclairer plutôt bien en ligne droite mais en courbe, c’est la catastrophe : l’intérieur et la sortie du virage restent dans l’obscurité, donc on y va à l’aveuglette en priant pour qu’il n’y ait pas un piéton (ou un cerf, quand on est dans ma campagne) au bout de la trajectoire. Le support de GPS, vendu séparément, est bien fait, mais il gêne l’introduction de la clef de contact. Enfin, je trouve que sur une machine de ce prix, on pourrait avoir un thermomètre, ou au moins un avertisseur de risque de verglas, et un indicateur du rapport engagé.

Il semblerait toutefois que beaucoup de ces défauts aient été corrigés sur le millésime 2017. Si les couleurs du millésime 2018 ou 2019 me plaisent, je la changerai peut-être !