Les homos du FN
Passe d’armes entre journaux de gauche à l’occasion de l’élection de Steeve Briois. D’un côté Libé qui publie un article assez insipide sur la question des homosexuels au FN, de l’autre les Inrocks qui hurlent à l’outing du maire, ce qui est inepte parce que l’outing en question date en réalité de plusieurs mois auparavant et qu’il a déjà fait l’objet de poursuites et d’un jugement, en défaveur de l’outé d’ailleurs.
Là-dessus intervient un troisième journaliste qui s’étonne que l’orientation sexuelle d’un maire soit une question politique et trouve archaïque qu’on juge l’action d’une personnalité à l’aune de son homosexualité, surtout quand on se prétend progressiste et qu’on écrit dans des journaux de gauche tels que Libé et les Inrocks. Ainsi, argumente-t-il en substance, la vie privée des hommes politiques ne regarde qu’eux et ne devrait avoir aucune importance.
Tout ceci appelle plusieurs remarques.
D’abord, sur le côté privé de l’homosexualité. Personne n’aurait l’idée de prétendre que l’orientation hétérosexuelle relève de la vie privée. L’hétéro-pride, c’est tous les jours : couples qui se tiennent par la main dans la rue ou qui se roulent des pelles sur les quais de gare, collègues qui mettent des photos de leur conjoint-e sur leur bureau ou qui racontent force anecdotes sur leur vie de couple, mariages de personnalités en première page des journaux people… Certaines orientations sexuelles seraient donc publiques et d’autres non ? Allons donc. Sauf à ne respecter aucune des conventions sociales communes et à sombrer dans la dissimulation paranoïaque, la personne avec laquelle vous vivez est visible ; son sexe aussi ; donc votre orientation sexuelle est publique. Quelle qu’elle soit. Point. Si vous n’êtes pas d’accord avec ça, retournez dans votre petit placard et ne venez pas nous casser les burnes pendant que nous travaillons à votre acceptation.
Ensuite, sur l’intérêt de la connaissance de l’homosexualité des hommes politiques. Il y a une différence fondamentale entre Bertrand Delanoë et Steeve Briois que ce journaliste fait semblant d’ignorer : le premier n’appartient pas à une formation politique qui développe une rhétorique anti-gay[1]. Et ça change tout. Parce que si l’on se fout effectivement de savoir avec qui couche le maire quand il décide des dates du prochain Paris Plage, l’information prend une toute autre saveur quand le maire décide de refuser de célébrer des mariages homos dans sa commune.
Il est toujours très instructif, essentiel même, de savoir d’où les gens parlent. Une blague juive n’a pas la même signification dans la bouche d’un Juif et dans celle d’un antisémite. Une déclaration raciste n’a pas la même signification dans la bouche d’un Blanc et dans celle d’un Noir. Une déclaration machiste n’a pas la même signification dans la bouche d’un homme et dans celle d’une femme. Il en va de même pour les déclarations contre les droits des homosexuels : elles prennent une autre dimension lorsqu’elles sont prononcées par un homo, un certain Blondinet Pour Tous en sait quelque chose. On pourrait citer aussi les légions de pasteurs américains activistes anti-LGBT qu’on a fini par prendre la main dans le sac une bite dans la bouche. C’est que l’homosexualité présente deux particularités : elle ne se voit pas sur la figure (qui est l’idiote au fond qui a dit si ?), ce qui autorise cette duplicité entre le discours et les actes ; et elle est dans certains milieux tellement haïe que des gens réussissent à la nier au point de s’identifier comme hétéro alors même qu’ils n’aiment rien mieux que d’avoir une bite dans le cul. La puissance de ce déni me fait même penser que sûrement, certains ne se rendent même pas compte que leur discours va à l’encontre de leurs propres intérêts.
C’est la raison pour laquelle l’orientation sexuelle des maires FN (et des députés UMP qui ont voté contre le mariage l’année dernière, voire des journalistes qui écrivent sur ces questions) est une information non seulement publique, mais même, de toute première importance. On parle de gens qui au mieux mentent ouvertement, au pire, qui ne se comprennent même pas eux-mêmes. Est-ce que ce n’est pas essentiel à savoir au moment de les élire et de leur confier des pouvoirs politiques ?
En tout cas, la justice a tranché : le jeune auteur qui a outé Steeve Briois l'année dernière dans un bouquin a été acquitté.