Moralisation pour les nuls
On se fout complètement de savoir si nos élus sont riches ou pauvres. On se fout complètement de savoir combien ils possèdent de PEA, de Twingo hors d'âge et d'appartements à Paris.
Ce qu'on voudrait savoir, c'est s'ils ont des conflits d'intérêts. Ce qu'on voudrait savoir, c'est s'ils ont des liens avec des entreprises qui ont intérêt à ce que telle ou telle loi soit votée. Ce qu'on voudrait savoir, c'est s'ils ont acquis leurs biens au prix du marché ou s'ils ont utilisé leur position pour bénéficier de réductions. Ce qu'on voudrait savoir, c'est s'ils gèrent correctement les budgets publics qu'on leur confie ou s'ils s'en foutent plein les poches. Ce qu'on voudrait savoir, en fait, c'est s'ils sont honnêtes ou pas.
Ce qu'on voudrait savoir, c'est si les potes de Bouygues ont manœuvré pendant des années pour retarder l'attribution d'une licence de téléphonie mobile à Free, c'est par quel moyen un fabricant d'éthylotests a réussi à faire passer une loi pour rendre ses produits obligatoires dans tous les véhicules, c'est comment l'industrie du disque a réussi à imposer une législation aussi débile qu'inefficace sur les droits d'auteurs, c'est si les gens qui décident du sort des OGM sont motivés par l'intérêt général ou par celui de leurs copains actionnaires. Pour ne citer que quelques exemples.
Les déclarations de patrimoine des ministres, c'est bien gentil, mais ça n'a aucun rapport avec le sujet. Ce n'est qu'un écran de fumée pour dissimuler les vraies questions, ce n'est qu'un tour de passe-passe pour détourner l'attention des gogos qui se satisferont de cette moralisation à deux balles. Pas étonnant que les ténors de la droite se précipitent pour jouer le jeu de la transparence : eux aussi, ça les arrange bien, ce petit jeu qui permet d'éviter de discuter des vrais sujets moraux.
Ce qu'on voudrait surtout, ce sont des journalistes assez couillus pour répondre tout ça à ces crétins qui défilent dans les médias depuis hier, la main sur le cœur, pour jurer qu'ils sont des références morales puisqu'ils n'ont que 3800€ d'épargne et une vieille bagnole. Mais ça, si la presse jouait son rôle de quatrième pouvoir chez nous, ça se saurait.