Le livre électronique
Voilà, j’ai craqué, j’ai demandé une liseuse électronique au Père Noël. Comme tous les bibliophiles, je suis un adorateur du livre papier ; mais le livre électronique apporte des avantages que je trouve ridicule de rejeter.
- Les possibilités inhérentes au format électronique : dictionnaires intégrés, annotations, surlignages et signets illimités, et surtout, surtout, la recherche textuelle. Combien de fois ai-je galéré pour retrouver un passage précis perdu parmi les centaines de pages d’un bouquin papier ? Le petit paragraphe de l’Œuvre au Noir où Zénon justifie qu’il est végétarien, la mythique scène de cul à moitié en latin du Nom de la Rose, l’arrivée à New York du Voyage au Bout de la Nuit… Des scènes qui m’ont marqué, mais qu’il m’est arrivé de renoncer à relire simplement parce que je n’arrivais pas les retrouver.
- Il y a des dizaines d’auteurs des siècles passés pour lesquels je n’ai jamais osé débourser le prix d’un livre par peur de ne pas accrocher (exemple : Georges Sand). Il y a aussi ceux qui sont introuvables en librairie (exemples : Les Onze Mille Verges d’Apollinaire ou Les Amitiés Particulières de Peyrefitte). Et puis les ouvrages que j’aimerais parcourir en VO mais qu’il est difficile de se procurer en France, ou alors à un prix déraisonnable pour le maigre usage que j’en ferais. Des problèmes résolus par des associations telles que celle-ci, grâce auxquelles l’immense majorité des grands classiques sont disponibles gratuitement.
- Enfin, le plus fascinant à mon sens est la révolution que les liseuses pourraient apporter dans le monde de l’édition. Le coût de l’impression sur papier et les spécificités des circuits de distributions rendaient autrefois incontournables les maisons d’édition. Avec la liseuse, tout le monde peut produire du contenu et le diffuser facilement. (Par exemple, le traitement de texte Pages sur Mac peut créer des livres électroniques.) C’est la même chose qu’internet, mais avec le confort de lecture en plus ! Je ne serais pas surpris que se multiplient bientôt les sites de téléchargement de contenu de type Amazon ou iTunes, mais pour auteurs amateurs et fanzines.
De plus, de même que le cinéma a cessé d’être du théâtre filmé pour devenir un langage artistique à part entière, je suis certain que les possibilités techniques du livre électronique autoriseront un jour des formes nouvelles. On peut imaginer des ouvrages de type « le livre dont vous êtes le héros » bien plus interactifs que ce qui se fait actuellement. On peut imaginer des ouvrages oulipiens de type Cent mille milliards de poèmes bien plus complexes et amusants que ce qu’avait pu faire Queneau avec ses bandelettes de papier. On peut imaginer des ouvrages qui seraient fournis avec des illustrations musicales ou des bruits d’ambiance. Il faut juste que les écrivains s’emparent du média et inventent le langage artistique qui va avec.
Ma seule réserve porte sur le manque de sensation d’avancement dans l’ouvrage. J’aime, avec un livre, voir l’épaisseur de papier augmenter à ma gauche cependant qu’elle diminue à ma droite. J’aime sentir physiquement que j’avance dans ma lecture, j’aime pouvoir quantifier d’un regard ce qui reste à lire. Le livre électronique ne rend pas cette sensation, ou alors de façon superficielle, par un simple pourcentage affiché dans un coin. J’ai peur que ça ne soit pas suffisant. Je verrai bien.