Principe de Peter

En France (et peut-être ailleurs dans le monde, je n’en sais rien, je n’ai travaillé que dans notre beau pays), écrire du code est mal vu. C’est un boulot considéré comme vulgaire, peu estimé, peu estimable. C’est stupide, parce que développer correctement est un travail qui réclame des facultés intellectuelles tout à fait respectables, ainsi que le prouvent des gens comme Donald Knuth ou Dennis Ritchie (dont la mort la semaine dernière est passée relativement inaperçue). Mais c’est comme ça. Développer est perçu comme un boulot de technicien, comme un boulot sous-qualifié.

Du coup, quand un développeur fait bien son travail et qu’on cherche à lui offrir une promotion, on le nomme à un poste que l’on considère comme plus honorable, c’est à dire à un poste… de non-développeur. Paradoxe du métier : plus vous êtes bon, plus il y a de chances que vous écriviez moins de code, et écrire moins de code reste le meilleur moyen d'escalader l’échelle sociale et d’augmenter votre salaire.

Il se trouve que je me débrouille plutôt bien en développement. Alors chez GrosseBouâte SA, ça n’a pas raté. J’y suis depuis à peine un an et on m’a déjà promu, en vertu de ce fameux principe qu’on ne peut quand même pas laisser un bon développeur faire son métier, juste son métier, rien que son métier. Me voilà donc manager d’une équipe de R&D, responsable des développements embarqués. Je passe mes journées à organiser des trucs et des machins, à tenir à jour des tableaux de bord, à répartir des tâches, à chiffrer des projets sur lesquels je ne travaillerai jamais, à faire des choix d’architecture que d’autres implémenteront.

Parfaite illustration du principe de Peter, car moi, je ne sais pas gérer l’humain. Quand un développeur de mon équipe vient me présenter avec fierté ce qu’il a réalisé, qu’il attend un compliment, des félicitations, un encouragement, alors que son boulot est objectivement si merdique qu’il faudra le refaire, je ne sais pas comment réagir, comment rectifier le tir sans être trop négatif. Quand un développeur ne parvient pas à coder un algorithme alors que je lui en fourni une description complète ainsi qu’un lien vers une page web qui en propose des exemples d’implémentation, je ne sais pas quoi dire d’autre que « mais enfin t’es con ou quoi ? ». (Oui, c’est du vécu.)

Je suis allé au magasin pour acheter quelques louches de diplomatie, deux doigts de psychologie et une pincée de pensée positive. Mais je n’ai pas trouvé. Alors je suis reparti avec Le management pour les nuls. On verra bien ce que ça donnera.