Civilisations perdues
J’ai une certaine fascination pour Stonehenge et ses gros cailloux dressés, pour Lascaux et ses fresques, pour toutes ces œuvres préhistoriques ou quasi-préhistoriques mystérieuses, incompréhensibles, ultimes vestiges de civilisations disparues. Faute d’avoir possédé l’écriture, ceux qui sont à l’origine de ces monuments n’ont pu nous en laisser la moindre notice explicative. Toute leur culture, toutes leurs croyances, toute leur vision du monde, toute leur cosmogonie se sont perdues. Rien ne subsiste plus qui pourrait nous aider à décoder la signification, le rôle, la fonction, le pourquoi de ces œuvres gigantesques.
Il y a trois ans, de nouvelles fouilles archéologiques ont été autorisées à Stonehenge (les précédentes fouilles remontaient à une époque où la datation au carbone 14 n’existait même pas !). Il ressort évidemment de ces dernières études tout un tas d’informations passionnantes, sur l’édification du site, sur la provenance des pierres, sur l’aspect original du monument. La composition chimique des os des cadavres enterrés à proximité nous informe sur le régime alimentaire de ceux qui venaient ici, et donc, sur la région géographique où ils ont grandi ; ce qui permet de savoir que certains venaient de très loin, de l’autre bout de l’Europe, à des milliers de kilomètres de là. La médecine légale nous apprend aussi que beaucoup qui venaient ici sont morts de maladies chroniques. D’autres au contraire sont morts de mort violente, arme blanche ou flèches d’archers.
J'ai vu un reportage qui déduisait de tout ça que Stonehenge était probablement une Lourdes de l’époque, un lieu de guérison miraculeux où officiaient des prêtres respectés et qui attirait des malades de toute l’Europe ; et que l’accès au lieu était surveillé par des gardes armés.
Bien sûr, une telle interprétation se tient, elle colle aux éléments matériels et c’est la première chose que l’on demande à une théorie scientifique. Mais je trouve qu’elle se base implicitement sur bien plus de choses que les simples faits : elle projette aussi des éléments de notre culture sur celle de nos ancêtres. C’est inévitable, il est impossible de « sortir du système » complètement et de raisonner en dehors de tout référentiel culturel. Mais j’ai le sentiment qu’on pourrait tout aussi bien expliquer Stonehenge sans faire appel à des guérisons miraculeuses et à des gardes armés, concepts qui me semblent vraiment modernes et occidento-centrés…