Le rugby, ce sport de pédés
J’ai vaguement fréquenté le monde du rugby. J’y ai joué un peu au lycée, j’ai d’ailleurs découvert pas plus tard qu’il y a trois jours, sur un site de retrouvailles d’anciens élèves, une photo de notre équipe ; je n’y figure pas parce qu’elle a été prise l’année après celle où j’y étais, mais j’y ai reconnu pas mal d’anciens potes. Plus tard, le hasard a voulu que je fréquente, pour des raisons totalement étrangères au rugby d’ailleurs, l’entraîneur de l’équipe de la fac située non loin de chez moi. Enfin, à l’époque où je persistais sur les chemins de l’erreur et de l’hétérosexualité, je suis sorti pendant six mois avec une rugby-woman.
Tout ça pour dire que j’ai assisté à un nombre incalculable de troisièmes mi-temps et de déplacements en car pour des matchs à l’extérieur. Et ce qui m’a toujours frappé, sans jamais trop le dire tout haut évidemment (tout ça reste entre nous, hein ?), c’est l’homosexualité latente qui règne dans ce sport.
Pas de douche qui ne soit pas collective. Pas de troisième mi-temps sans au moins un ou deux mecs qui finissent à poil, sous le regard amusé intéressé de tout le monde. Pas de pause pipi sans que ça se mate la bite à tout bout de champ – mais discrètement, hein, on n’est pas des pédés. Une fois, dans un bar, après une petite fête bien arrosée avec l’équipe, j’ai vu deux rugbymen se rouler une pelle. Ils n’appelaient pas ça comme ça, bien sûr. Officiellement, ils jouaient juste à se repasser une gorgée de bière directement de la bouche à la bouche. Une autre fois, lors d’un déplacement en province, trois ou quatre mecs situés une rangée derrière moi dans l’autocar se sont mis à jouer à « pas cap’ de me sucer la bite ». Il ne s’est rien passé puisque comme je le disais, on n’est pas des pédés ; mais bon, c’est allé assez loin verbalement et un des types a quand même fini à poil en semi-érection. (J’avais 17 ans et c’était l’une des premières fois que je voyais un autre mec que moi en érection, je ne vous raconte pas dans quel état j’étais.)
Je me demande toujours si ces comportements sexuellement ambigus sont conscients. Je ne pense pas, vu l’étonnement (et l’effarement : on n’est pas des pédés, je vous dis) de quelques amis rugbymen à qui je les faisais remarquer. Je suppose que les sports collectifs de contact, et tous les rituels sociaux qui vont autour, sont les moyens que notre société occidentale a trouvés pour canaliser les pulsions homosexuelles, pour autoriser au moins une fois de temps en temps les hommes à toucher d’autres hommes. Il me semble qu’Élisabeth Badinter évoque cette idée dans un de ses bouquins, d’ailleurs.
Chez nous, les homos, les choses sont quand même moins alambiquées. Quand on a envie de sexe avec un autre homme, on couche simplement avec et on n’en fait pas toute une maladie. On n’emballe pas tout ça dans des règles sociales compliquées et on ne prétend pas que c’est pour jouer avec un ballon !