Tic-Tac
J’ai acheté une magnifique pendule pour décorer notre nouveau salon. Une grosse pendule, le genre à quatre cadrans qui donnent l’heure à Paris, Londres, New-York et Hong-Kong, le genre qui vous donne l’impression de vous trouver dans la situation room de la Maison Blanche en pleine crise avec le Président des États-Unis qui sauve le monde juste à côté de vous.
Un amoureux des belles mécaniques tel que moi ne peut s’empêcher de rêver en imaginant le complexe mécanisme d’horlogerie qui doit propulser l’ensemble et maintenir toutes ces aiguilles synchronisées. Le pendule de torsion qui oscille avec une isochrone majesté sous l’effet d’un petit électro-aimant, la roue à échappement, les arbres qui transmettent le mouvement et les engrenages qui le démultiplient de telle sorte que les quatre grandes aiguilles tournent exactement douze fois plus vite que les quatre petites, et toutes ces sortes de choses fascinantes.
Mon cul, oui.
Arrivé à la maison, j’ai déballé le précieux objet et l’ai retourné. Au verso, point de mécanisme complexe, point d’élégants engrenages. Juste quatre horloges en plastique de fabrication chinoise collées côte à côte au pistolet à colle (bavures dégueulasses incluses dans le prix) à l’arrière du cadran. Quatre horloges, avec quatre piles, quatre mécanismes indépendants, qui émettent quatre tic-tac admirablement désynchronisés. Chaque fois que je l’entends, je ne peux m’empêcher de penser au Poème symphonique pour 100 métronomes de György Ligeti.
J’avoue que je suis un peu déçu.