Un genre d’incompétence
Dernier épisode de la croisade contre l’introduction d’une pincée de diversité sexuelle dans les programmes scolaires : quatre-vingt députés signent une lettre ouverte au Ministre de l’Éducation pour lui demander le retrait des manuels scolaires de SVT, au motif que ce qui s’y trouve relèverait de l’idéologie et non de la science. Or, l’école se doit de n’enseigner que des choses scientifiquement exactes.
Bon alors déjà, en préambule, je voudrais rappeler qu’à chaque fois que des cathos reprochent à des scientifiques d’être idéologues, Dieu s’étrangle de rire et le Christ perd encore un peu plus tout espoir de trouver un fidèle, rien qu’un seul, qui ait compris son histoire de paille et de poutre.
Ensuite, de quoi parle-t-on ? Principalement de sociologie. On pourra être surpris de trouver de la sociologie dans un manuel de biologie, mais d’un autre côté, il est logique que ces éléments de connaissance trouvent leur place dans la partie du programme consacrée à l’éducation sexuelle. Or en France, l’éducation sexuelle obligatoire est faite en classe de SVT. Au chapitre reproduction. Ce qui est logique également puisque la sexualité ne peut se concevoir que dans l’optique de la reproduction. C’est bien pour cela qu’on n’a envie de sexe que lorsqu’on a envie d’avoir un bébé, c’est bien pour cela qu’on a un bébé à chaque fois qu’on a une relation sexuelle, et c’est bien pour cela que ni la stérilité ni les relations homosexuelles n’existent. Voilà de bons exemples de vérités scientifiques bien établies qu’il est important que l’école transmette aux enfants !
Bref, la théorie du genre (ou du moins le début de commencement d’introduction à, parce que les queer studies forment un ensemble un poil plus vaste que les trois banalités et demi dont il est question dans ces manuels litigieux) relève de la sociologie. Examinons donc les formations et les compétences des quelques signataires de cette lettre ouverte. Richard Mallié : chirurgien dentiste. Christian Vanneste : études de philosophie. Lionnel Luca : études d’histoire. Jacques Myard : études de droit public. Bernard Debré : urologue. Eric Raoult : études de journalisme. Hervé Mariton : ingénieur. Impossible de trouver les noms des autres signataires, mais je suppose qu’on y trouve grosso modo les membres du collectif Droite Populaire, dont il est facile de vérifier que pas un seul d’entre eux n’a suivi le moindre cursus en sociologie – ni n’a le moindre passé de pédé ou transsexuel militant qui aurait pu lui conférer une légitimité sur ces questions.
Hein ? Quoi ? Comment ? Des députés auraient un avis péremptoire sur la scientificité d’une théorie portant sur un sujet dont ils ne savent à peu près rien et qui se trouve totalement en dehors de leurs domaines de compétence ?
Mais c’est complètement impossible, voyons. Aucun élu n’aurait le culot de parler de choses qu’il ne maitrise pas, il prendrait trop le risque de passer pour un con...