Le perroquet de l'alchimiste

(Mise à jour : ajout de quelques notes de bas de page pour éclaircir les chiffres.)

Je suis très partagé sur le sujet de l’ouverture du don du sang aux homos. On va un peu vite à voir de la discrimination là où il n’y a que des statistiques. Les homos sont plus souvent atteints d’infections sexuellement transmissibles que les hétéros, c’est une simple réalité, corroborée par toutes les enquêtes de prévalence, ainsi que par le schéma des épidémies récentes qui toutes ont commencé par toucher la communauté gay en premier : le SIDA bien sûr, mais aussi la résurgence de la syphilis par exemple[1].

Vous vous dites : je suis en couple stable, je n’ai donc pas plus de risque qu’un couple hétéro d’attraper une saloperie, il n’y a donc aucune raison que je ne puisse pas donner mon sang. Vous vous dites : ce n’est pas l’homosexualité qui doit contre-indiquer le don du sang, mais les pratiques à risques, comme avoir de nombreux partenaires ou fréquenter les bordels.

Ce raisonnement ne tient pas. Vous êtes en couple stable, certes, mais il est possible que votre mec vous trompe. C’est banal. Ca arrive aussi souvent dans les couples homos que dans les couples hétéros (les mauvaises langues diraient même : plus souvent !). La grosse différence, c’est que quand un homo trompe son mari, il le fait avec une personne qui a 100 fois plus de chances d’être séropositive que la personne avec qui un hétéro tromperait sa femme[2]. De ce fait, la probabilité qu’un homo en couple stable soit séropositif sans le savoir est très significativement supérieure à la probabilité qu’un hétéro en couple stable le soit.

Idem pour la fréquentation des boîtes à cul ou échangistes : quand on le fait dans le milieu gay, pour la même raison, c’est beaucoup plus risqué que quand on le fait dans le milieu hétéro. Les médecins ne s’y trompent pas, c’est bien le milieu, et donc incidemment l’orientation sexuelle, qui est une contre-indication. Pas la nature de la pratique elle-même. Pratiques égales, risques différents.

On raconte que les alchimistes avaient toujours un perroquet dans leur laboratoire, parce que cet animal très sensible aux émanations leur servait de signal d’alarme pour le cas où leurs expériences se mettaient à dégager des fumées toxiques. C’est triste à dire, mais les gays tiennent ce même rôle en épidémiologie des IST : ce sont toujours les premiers atteints lorsqu’une épidémie se déclare. C’est pour cela que ne tient pas non plus l’argument qui consiste à dire qu’il n’y a aucun risque puisque tous les prélèvements sanguins sont testés. Les échantillons sont testés, certes, mais uniquement pour les maladies connues. L’exemple du SIDA en 1980 nous a appris que de nouvelles IST pouvaient émerger ; et l’expérience nous apprend que si ça se reproduit, elles commenceront très probablement par frapper la communauté homo en premier.

Il y a par ailleurs le problème, un peu vulgaire mais pourtant non négligeable, du coût. Prélever du sang, puis le tester pour une large palette de maladies, coûte cher. L’EFS cherche naturellement à éviter de récolter des échantillons dont la probabilité qu’ils s’avèrent inutilisables est importante.

Enfin, il y a un gros risque en terme d’image. Un jour, un patient sera contaminé par une transfusion. C’est inévitable[3]. Si ça se produit alors que les homos sont exclus du don du sang, on parlera d’accident, d’impondérable, de fatalité. Si ça se produit alors que les homos ont le droit de donner leur sang, on parlera du lobby gay qui a mis en danger la vie des malades en imposant une pratique à risque au Ministre de la Santé. Et ça sera très difficile à contre-argumenter, parce que globalement, ça ne sera pas complètement faux.

L’interdiction du don du sang aux homos n’est pas de la discrimination, c’est de la bête statistique. Tout comme l’interdiction faites aux personnes qui ont récemment séjourné en zone tropicale, consommé de la drogue, subi un tatouage ou un piercing, etc. Les médecins responsables du don du sang ne sont pas homophobes, ils savent juste lire des chiffres et les interpréter.

Concentrons-nous plutôt sur les vraies discriminations, ce sera bien plus productif et moins risqué, autant pour la santé des autres que pour notre propre image.