Miscellanées post-électorales

Les soirées électorales telles qu’on les a connues sont bien mortes… Aujourd’hui, ceux qui n’ont pas les résultats quasi-définitifs à 19 heures ont raté leur vie ! À la limite, je comprends que les médias ne claironnent pas les résultats avant la fermeture des derniers bureaux de vote ; mais se la jouer suspense insoutenable avec musique qui fait peur et décompte fatidique, c’est vraiment ridicule. Les dix-sept téléspectateurs qui ne connaissaient pas encore le résultat à 20 heures ont dû se réjouir de toute cette belle mise en scène !

Et pourquoi commencer la soirée électorale à 19h15 sachant qu’on n’aura rien d’intéressant à dire avant 20 heures ? J’ai failli me suicider d’ennui devant cette déferlante de reportages bouche-trous. Est-ce que Sarkozy va prendre sa voiture de fonction ou sa voiture personnelle ? Est-ce que l’ambiance est bonne à Tulle ? Comment était habillée Eva Joly ce matin ? Et le journaliste qui entre à pas feutrés dans le bureau de Hollande, caméra à l’épaule, avec Élise Lucet en studio s’extasiant sur la rareté d’une telle image. On aurait cru un épisode d’Histoires Naturelles, lorsque les chasseurs approchent la galinette cendrée en chuchotant pour mieux la filmer dans son milieu naturel.

Je ne comprends pas les éléments de langage de l’UMP. D’après Jupé et Cie, on n’enregistre pas de poussée de la gauche. La réalité, c’est que la gauche obtient l’un de ses plus hauts scores depuis 1981, et que trente-cinq départements basculent de droite à gauche alors qu’aucun ne bascule de gauche à droite. Même le Figaro voit la vague.

Toujours d’après Jupé et Cie, l’élection n’est pas celle qu’on nous avait promise. La réalité, c’est qu’hormis Le Pen qui est un peu plus haute que prévue, au détriment de Mélenchon qui lui est un peu plus bas, les scores finaux sont presque exactement ceux ressassés de sondage en sondage depuis des semaines. Et encore, à bien y réfléchir, le score de l’extrême-droite n’est même pas une surprise, on sentait cette poussée dans l’opinion publique depuis au moins deux ans. En fait, on a rarement vu des résultats électoraux aussi peu surprenants.

Je me demande toujours qui est le plus énervant, entre ceux qui pondent ces éléments de langage lénifiants, ceux qui les répètent en boucle sur tous les plateaux de télé au lieu de nous donner leur avis personnel, et ceux de l’autre côté de l’écran qui les gobent sans réfléchir.

Tout de suite après 20 heures, les estimations sont connues à plus ou moins 1 % près (et encore, c’est une marge optimiste). Les chiffres sont pourtant affichés avec deux chiffres après la virgule. C’est à peu près aussi ridicule que si, utilisant une vulgaire règle d’écolier en plastique, vous annonciez mesurer la taille d’un objet au centième de millimètre.

En revanche, en fin de soirée, les chiffres définitifs sont connus et ça a du sens d’afficher ces fameuses deux décimales après la virgule. C’est effectivement ce qui se passe pour les gros candidats. Mais les petits candidats, eux, n’ont plus droit qu’à une seule décimale.

Il existe probablement un univers parallèle dans lequel tout ceci est logique.

Oui, bon, Marine Le Pen. Ce n’est pas comme si on ne s’y attendait pas. À ce propos, il est indispensable de lire ceci.

Évidemment, il serait tentant, et même jouissif, d’attribuer la montée du FN à la politique de Sarkozy. Le problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment de montée. Le score de Marine Le Pen est un record historique pour l’extrême-droite en France, mais c’est un record qui bat de peu celui de 2002 et qui peut s’expliquer par deux causes purement mécaniques : la disparition de Bruno Mégret et l’augmentation démographique du nombre d’électeurs. Ajoutons à ça deux doigts de ras-le-bolisme chez quelques ouvriers, et voilà, nous avons nos 18 %. La montée, elle a déjà eu lieu, c'était en 2002 et c'était après quatre ans de socialisme.

Certes, Sarkozy est bien coupable d’avoir banalisé les thèses du FN, et les Français d’origine étrangère sont nombreux à le ressentir au quotidien. Mais on ne peut pas dire que ça a fait augmenter les scores du FN. L’électorat FN est haut mais plutôt stable. Il va falloir s’y habituer et faire avec pour les futures élections. En pratique, ça veut dire que la moindre division à droite provoquera des seconds tours PS/FN et que la moindre division à gauche (coucou les écolos) provoquera des seconds tours UMP/FN.