Girouettes

Le vent tourne, et les girouettes aussi. Un peu comme ces gens qui se sont soudain senti pousser l’âme d’un résistant la veille de la Libération, une flopée d’anciens proches de Sarkozy retournent leur veste à trois jours du scrutin et retirent publiquement leur soutien au président sortant. Fadela Amara, Martin Hirsch, Corinne Lepage… Encore un peu et Éric Besson va redevenir ségoléniste !

Je n’aime pas les girouettes. Non pas que l’on ne puisse pas changer d’avis sur quelque sujet précis, suite par exemple à un débat, à des lectures, à des échanges avec son entourage, etc. Mais passer de l’UMP de Sarkozy au PS de Hollande, et plus généralement passer de la gauche à la droite ou inversement, ce n’est pas changer d’avis sur un sujet précis, c’est passer d’une vision du monde à une autre.

On entend souvent se plaindre que la gauche et la droite, c’est la même chose. Cette idée est complètement stupide. Je veux bien admettre que l’électeur moyen a le sentiment que ni la gauche ni la droite n’ont pu l’aider lors de son litige de mur mitoyen avec son voisin ou lorsqu’il s’est fait volé sa Xantia toute neuve. Je veux bien admettre que l’électeur moyen a le sentiment que ni la droite ni la gauche n’ont pu empêcher son entreprise de fermer. Mais la politique, ce n’est pas que ça. La politique ne se juge pas sur ces petites mésaventures individuelles, qui existeront toujours. Elle se juge à l'échelle de toute la population et sur le long terme.

Si on regarde un peu plus loin que le bout de son nez, si on regarde sur plusieurs années et à grande échelle, non, la gauche et la droite, ce n’est pas la même chose. Améliorer l’éducation des jeunes, ça ne donne pas le même résultat à long terme que virer la moitié des profs. Enfermer les immigrés dans des ghettos de banlieue, ça ne donne pas le même résultat à long terme que la mixité sociale (coucou les émeutes de 2005). Favoriser l’exclusion, ça ne donne pas le même résultat à long terme que favoriser la tolérance. Privatiser tout et n’importe quoi jusqu’à l’absurde (coucou les autoroutes), ça ne donne pas le même résultat à long terme que de ne pas le faire.

Et puis il y a des lignes de clivage fortes, irréductibles. Une façon différente de considérer l’influence de la société sur les individus et réciproquement, une compréhension différente du phénomène des classes sociales, une prise en compte différente du réel, des priorités différentes, un mode de pensée différent.

Ces girouettes qui passent allègrement de gauche à droite ou de droite à gauche, je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi. Et je ne leur trouve que des mauvaises réponses. Est-ce qu’ils ne sentent pas ce clivage, cette différence essentielle de perception du monde ? Est-ce qu’ils le perçoivent mais s’en foutent, parce que leur but est simplement d’être élu, ou d’être sur le devant de la scène, ou d’aller dans le sens du vent ? Est-ce qu’ils ont un intérêt personnel à avoir le pouvoir et au fond, peu importe pour eux que ce soit sous une étiquette ou une autre ?

Quelle que soit la réponse, elle n’est guère glorieuse à mes yeux.