Épices

Comme je suis légèrement psychopathe j’aime la régularité et la symétrie, à l’occasion de l’emménagement dans la nouvelle maison, j’ai jeté tous mes vieux flacons d’épices dépareillés – des verts, des jaunes, des oranges, des petits, des grands, des cylindriques, des parallélépipédiques – et j’en ai transvasé le contenu dans de jolis petits bocaux, tous parfaitement identiques, tous parfaitement alignés le long du mur.

Afin qu’on s’y retrouve, le copain avait préalablement relevé le nom de tous les épices et imprimé autant d’étiquettes à coller sur les flacons. Las, au moment du grand transvasement, nous découvrîmes, erreur funeste, qu’il avait imprimé les étiquettes sur un papier tout à fait banal, et non sur le papier autocollant espéré. Impossible d’étiqueter les flacons !

Je me suis dit : tant pis, pas de nom sur les bocaux, non seulement ça sera plus joli, mais de plus, je suis quand même capable de reconnaître les épices à l’odeur, au goût, à l’aspect et à la couleur, hein ! Deux mois plus tard, je peux vous dire que je fus quelque peu présomptueux sur ce coup-là. La cannelle, le poivre, la muscade, le sel au céleri, pas de souci. Le cumin, ça passe, quoiqu’il m’arrive d’avoir un doute. Mais entre le paprika et le chili un peu éventé ? Ou bien entre le thym, les herbes de Provence, et l’origan fatigué ? Quant au ras-el-hanout, pas moyen de remettre la main dessus.

Comme quoi, notre cerveau n’est pas très doué avec l’odorat. Nous savons parfaitement distinguer deux senteurs différentes, nous sommes capables d’apprécier le raffinement d’une nourriture épicée, mais dès qu’il s’agit de coller un nom précis sur une odeur, il n’y a plus personne…

Sinon, à propos d’épice, saviez-vous que la noix de muscade était un hallucinogène ? Je vous déconseille formellement d’essayer parce que la dose récréative est voisine de la dose mortelle (oui, la muscade est également toxique) et les effets secondaires sont réputés extrêmement longs et désagréables. Aucun risque de planer ou de s’intoxiquer en assaisonnant votre purée de pomme de terre, mais c’est une drogue parfois utilisée en prison par les toxicos quand ils n’ont plus accès à rien d’autre.