This must be the place

L’improbable film italo-franco-irlandais de la semaine que je suis bien content de ne pas avoir raté : This must be the place de Paolo Sorrentino. Cheyenne, ex-pop star gothique à la retraite (exubérance capillaire et maquillage visiblement inspirés par Robert Smith) vit une vie de lenteur et d’ennui dans la banlieue de Dublin. La mort de son père, avec qui il avait coupé les ponts depuis 30 ans, le rappelle à New-York. Il décide alors de partir à la recherche du criminel de guerre nazi qui a persécuté son père à Auschwitz.

C’est plus fort que moi, je ne peux pas résister à un road-movie. Celui-là répond scrupuleusement à tous les critères du genre : paysages américains grandioses qui défilent, personnages pittoresques croisés à chaque étape, incidents de parcours divers, et un héros qui part en quête de quelque chose, trouve autre chose, et sort finalement transformé de l’aventure. On ne peut plus classique, je vous dis !

Ce qui est moins classique, c’est qu’il s’agit d’un film excessivement lent. Sean Penn parle au ralenti – c’est d’ailleurs assez horripilant au début. Il voyage au ralenti, choisissant le bateau plutôt que l’avion pour traverser l’Atlantique. L’action progresse par tous petits pas, le réalisateur prend manifestement beaucoup plus son pied à nous montrer des successions de jolis plans qu’à faire avancer son histoire. Du coup, il faut s’accrocher, beaucoup de scènes ne prennent sens qu’après un long moment, quand toutes les pièces du puzzle finissent par s’emboîter.

L’ensemble est plaisant, mais il ne faut pas s’attendre à un film très subtil. L’intrigue est simpliste et ne prétend pas à la cohérence, la fin est facile et cousue de fil blanc, il y a des métaphores pas trop finaudes, comme cette grosse valise à roulette que Cheyenne traîne absolument partout, symbolisant son passé qui le ralentit et l’entrave. Mais on s’en fout. On est là pour le jeu émouvant et fragile de Sean Penn, pour les personnages poétiques, pour les belles images et pour la bonne musique (signée David Byrne, le leader des Talking Heads, qui fait d’ailleurs un cameo dans le film). Et ça marche bien.

À voir – évidemment – en version originale, pour ceux qui veulent exercer leur oreille à reconnaître les accents : coproduction internationale oblige, il y a des acteurs venus d’un peu partout. Mon accent préféré : le mafioso sicilien croisé au restaurant japonais…