ゴジラ

Le copain a passé une quinzaine de jours au Japon pour son boulot et entre autres choses, il m’a ramené une figurine de Godzilla. À moi. Un fan inconditionnel de la science-fiction des années 1950. Il ne pouvait pas mieux tomber !

Rendez-vous compte. Un vrai Godzilla ! Pas une pâle imitation, hein. La tronche de monstre préhistorique, les écailles verdâtres, la forêt de sapins des Vosges qui clignotent sur son dos quand il est énervé, tout y est. Un petit coup de photoshop par dessus et on se croirait dans un film d’époque.

Du coup, j’ai commandé le film, l’original, le premier de la saga, celui de 1954. Ca n’a pas été facile puisqu’il n’est plus édité en France et que les versions que l’on trouve à l’import n’ont évidemment pas de sous-titres en français. Je me suis rabattu sur la version proposée par le British Film Institute qui présente le double avantage de respecter le montage original (la version habituellement diffusée en Occident est légèrement remaniée) et d’avoir des sous-titres dans une langue compréhensible, à savoir l’anglais.

L’histoire : l’explosion de la bombe H à Nagasaki réveille un monstre préhistorique qui dormait jusque-là bien peinard au fond du Pacifique. La bestiole, très énervée, passe ses nerfs en coulant tous les bateaux qui passent à sa portée. Irrité, le gouvernement nippon déclare la guerre au monstre. Hélas, rien ne l’arrête, ni les armes conventionnelles, ni les avions de chasse, ni la clôture électrifiée géante bâtie pour l’occasion. Tokyo est détruite. Sur ces entrefaites, un scientifique découvre de façon fortuite une arme sous-marine qui pourrait venir à bout de Godzilla, mais traumatisé par ce que la science, mal utilisée, a permis à Hiroshima, il refuse de divulguer les secrets de son invention…

La première chose qui saute au yeux est que le style cinématographique est celui du cinéma soviétique d’avant-guerre. Il y a le noir et blanc de mauvaise qualité (la pellicule solarise, c’est à dire que les noirs et les blancs s’inversent quand les conditions d’éclairage deviennent trop fortes), les objectifs qui vignettent dans les coins, le scénario est bourré de messages de propagande, les acteurs sur-jouent à mort… On retrouve même des trucs d’Eisenstein, sa façon d’enchainer les champs contre-champs, ou encore sa façon de filmer les visages en gros plan. La musique est du même tonneau, on jurerait du Chostakovitch. Le contraste est violent avec le cinéma américain de la même époque. En 1956, Hollywood sort le cultissime Forbidden Planet : c’est en technicolor, le scénario est intelligent (une sorte d’adaptation en space-opera de La Tempête de Shakespeare), les acteurs ont un jeu naturel et moderne, les effets spéciaux sont potables, la musique fait appel aux techniques électro-acoustiques.

L’autre chose qui saute aux yeux, c’est que les Japonais ont été traumatisés par la dernière guerre. Le nucléaire est omniprésent, le monstre est radioactif, il y a des compteurs Geiger partout. La scène de la destruction de Tokyo est évidemment une référence à la destruction d’Hiroshima et Nagasaki, on croirait même certains plans, comme ces longs travellings sur les rescapés en guenilles, tirés des archives d’époque que l’on a tous vues dans divers documentaires. On trouve aussi le thème du scientifique qui refuse de divulguer ses découvertes de peur que les militaires en fassent une arme de destruction massive – une attaque à peine voilée contre les physiciens du projet Manhattan.

Malgré cette pique contre les États-Unis, c’est un Japon déjà très occidentalisé que l’on découvre. Le costume cravate y est largement plus répandu que le kimono et sur un des bateaux où un bal est donné, c’est sur de la musique américaine que garçons et filles dansent, flirtent et s’enlacent.

On se demandera quand même par quel mystère un film de série B tel que celui-là a pu enfanter une aussi riche descendance : une cinquantaine de films (aussi bien japonais qu’américains), des jeux vidéos, des bandes dessinées… Et des milliers de produits dérivés, tels que la figurine qui trône désormais dans ma bibliothèque !

Microsoft Excel

Quelques citations peu connues (et néanmoins rigoureusement exactes) de quelques personnages célèbres de la Seconde Guerre Mondiale.

« Nous allons rendre fous des millions de salariés. Nous allons faire perdre des journées entières de travail à des millions d’entreprises. Pour cela, nous allons écrire le logiciel le plus anti-ergonomique et le moins intuitif jamais développé. Nous l’imposerons à 95 % des entreprises mondiales. Et nous l’appellerons : Excel. » – Adolf Hitler

« Dans Excel, il faudrait que les flèches droite et gauche du clavier ne se comportent pas de la même façon selon que l’utilisateur a commencé à éditer une cellule en tapant directement dedans ou bien en double-cliquant dessus. » – Albert Speer

« Dans Excel, il faudrait que les raccourcis claviers habituels de toute zone de saisie de texte, comme par exemple Ctrl+A pour tout sélectionner ou Ctrl+flèches pour se déplacer d’un mot entier, ne fonctionnent pas quand on édite le contenu d’une cellule. » – Joseph Gobbels

« Dans Excel, il faudrait que les paramètres d’impression s’appliquent à tout le classeur, et pas à chaque feuille individuellement. Ainsi, les utilisateurs qui ont des classeurs dont chaque feuille nécessite une mise en page différente ne pourront pas imprimer. » – Hermann Göring

« Dans Excel, il faudrait que cliquer sur le menu Imprimer et cliquer sur le bouton Imprimer ne donne pas le même résultat. Par exemple, on pourrait faire en sorte que le premier ouvre une boîte de dialogue tandis que le second imprime directement avec des options bizarres. » – Heinrich Himmler

« Dans Excel, il faudrait que quand l’utilisateur insère des cellules, dans la boite de dialogue qui lui demande s’il veut décaler les cellules existantes vers la droite ou vers le bas, ce soit par défaut systématiquement la mauvaise option qui soit cochée. » – Klaus Barbie

« Dans Excel, il faudrait afficher aléatoirement des messages d’erreurs injustifiés et incompréhensibles, comme par exemple : “impossible de déplacer des cellules”, ou bien “impossible de coller dans une cellule fusionnée”. » – Joachim von Ribbentrop

« Dans Excel, il faudrait que le format de cellule soit une option totalement invisible au premier abord, que son mauvais réglage provoque des dysfonctionnements incompréhensibles pour l’utilisateur, et surtout, il faudrait que le format de cellule par défaut ne corresponde jamais aux besoins les plus fréquents. » – Rudolf Hess

« Puisque dans tous les langages informatiques existants et dans toutes les notations mathématiques connues, on utilise la virgule pour séparer les paramètres d’une fonction, dans Excel, on utilisera le point-virgule. » – Josef Mengele

Par ailleurs, il me semble clair désormais que les départements qualité ont été inventés parce qu’il fallait bien reclasser professionnellement les fonctionnaires nazis. Ce fut une réussite : la plupart se plurent à ces postes où ils pouvaient laisser libre court à leur tendance naturelle à pondre des procédures psychorigides qui ne servent à rien et à tyranniser leurs collègues.

[small]Non mais sinon tout va bien au boulot, hein.[/small]

Dans la Lune

Le voyage dans la Lune a eu des retombées considérables : scientifiques, techniques et surtout, humaines. Profitons de la mort de Neil Armstrong pour en dire quelques mots ! (Liste subjective, personnelle, et bien sûr non exhaustive.)

La chose la plus immédiatement palpable ramenée par les astronautes des missions Apollo, ce sont évidemment les échantillons de roche lunaire. C’était une révolution. Pour la première fois dans l’histoire des sciences, des géologues pouvaient étudier des échantillons provenant d’un autre corps céleste que la Terre ! (Ce ne fut d’ailleurs pas la dernière, contrairement à ce qu’on pourrait croire. On soupçonne fortement certains « cailloux » retrouvés dans les glaces de l'Antarctique dans les années 1980 d’avoir une origine martienne : en effet, lors d’impacts météoritiques, des fragments de roche peuvent être éjectés de Mars à une vitesse suffisamment élevée pour être mis en orbite, puis, des millions d’années plus tard, retomber sur Terre.)

Le principal enseignement de l’analyse de ces roches est que la Lune est sensiblement faite du même matériau que la Terre. Ceci aurait tendance à accréditer l’hypothèse selon laquelle la Lune serait un bout de croûte terrestre arraché lors d’un violent impact avec un gros corps céleste à l’époque de la formation du système solaire. Mais cette hypothèse reste encore controversée. D’ailleurs, pas plus tard que cette année, de nouvelles analyses (des mesures d’abondances isotopiques) ont révélé que la Lune contenait exclusivement des matériaux d’origine terrestre. Or, s’il y avait eu collision, la Lune devrait aussi contenir des matériaux provenant de l’autre corps céleste, celui qui a heurté la Terre. Et ce n’est pas le cas. C’est assez fascinant de se dire que 40 ans plus tard, on est encore en train d’analyser ces roches lunaires et qu’elles ont encore des choses à révéler…

Une chose moins connue est que les astronautes n’ont pas fait que ramener des échantillons. Ils ont aussi laissé des instruments sur place, qui servent encore de nos jours. Notamment, ils ont installé sur le sol lunaire cinq réflecteurs catadioptriques. Il s’agit de miroirs agencés de telle sorte qu’ils renvoient toujours la lumière dans la direction exacte d’où elle provient. On les utilise dans le cadre d’une expérience conduite à l’Observatoire de la Côté d’Azur pour mesurer la distance Terre Lune, en tirant au laser sur ces miroirs lunaires et en mesurant le temps que le faisceau met à nous revenir.

J’ai vu personnellement fonctionner cette expérience, et c’est une chose assez extraordinaire. Il s’agit d’une véritable prouesse technologique : en moyenne, pour chaque tir laser, on reçoit en écho un seul photon. Oui, juste un seul. Et il faut non seulement s’assurer que c’est le bon, et pas n’importe quel autre photon parasite venu d’on-ne-sait-où ; mais de plus, il faut aussi mesurer à quelques pico-secondes près le temps qu’a duré son voyage. Ceci est obtenu avec un triple filtrage : un filtrage temporel (on sait à l’avance à 50 nano-secondes près le temps du voyage, donc on n’ouvre l’obturateur que pendant ce laps de temps-là), un filtrage spatial (on sait exactement d’où provient le photon puisqu’on sait où se trouve le réflecteur sur la Lune) et un filtrage spectral (le laser émet sur 532 nm exactement, un filtre interférentiel permet d’éliminer tous les photons qui reviennent et qui n’ont pas cette longueur d’onde). Je passe sur divers autres problèmes, comme par exemple le fait qu’entre l’émission et le retour, du fait de la rotation terrestre, l’Observatoire s’est déplacé d’environ 800 mètres dans l’espace…

Au final, cette expérience permet de mesurer la distance Terre Lune avec une précision de l’ordre du centimètre. À quoi ça sert ? D’abord, c’est beau, ce qui devrait être une raison largement suffisante. Ensuite, ça permet d’affiner les modèles théoriques qui décrivent le mouvement des objets en orbite terrestre, ce qui est utile quand on veut lancer des satellites. Enfin, ça a permis de valider la Relativité d’Einstein. Bon, ce n’est pas comme si on ne l’avait pas déjà validée des dizaines de fois avec des dizaines d’autres expériences, mais une confirmation supplémentaire ne fait jamais de mal ! Des projets comme les réseaux de positionnement par satellites (GPS ou GLONASS) ont bénéficié des connaissances apportées par ces données.

Les missions Apollo ont également permis de développer de nouvelles technologies, ou bien de populariser des technologies peu connues auparavant et qui ont eu des retombées sur nos vies de tous les jours. On peut citer par exemple les centrales inertielles (qui équipent aujourd’hui tous les avions de ligne et tous les sous-marins), le Téflon, le Gore-Tex… Je trouve toutefois malhonnête d’attribuer ces inventions à la conquête de la Lune, comme le font certains articles de journaux qu’on a pu lire la semaine dernière, parce que ces inventions auraient de toute façon été réalisées sans la NASA. Ça aurait juste été un peu plus tard et pris des voies différentes.

Mais la plus belle retombée des expéditions lunaires est pour moi humaine : le voyage dans la Lune a fait rêver toute une génération, il a occupé l’imaginaire de millions d’enfants et d’adolescents, Armstrong, Aldrin et Collins ont été des modèles positifs. Les gens qui sont nés après ne se rendent pas compte à quel point la conquête spatiale a façonné les années soixante et soixante-dix. Le moindre décollage de fusée justifiait une édition spéciale en direct de Cap Canaveral ; on lisait tous les bouquins et toutes les revues qui nous tombaient sous la main et qui parlaient de près ou de loin de voyages dans l’espace ; à l’école, on abordait la question en cours de sciences et une fois le cours fini, on profitait de la récréation pour aller jouer aux astronautes dans la cour ; David Bowie s’est fait connaitre grâce à un album qui parle de voyage intersidéral ; et sans les missions Apollo, la moitié des films de SF n’existeraient pas aujourd’hui – ou ils seraient en tout cas très différents.

Surtout, le voyage dans l’espace donnait envie de vivre l’avenir. Tout le monde était persuadé que la colonisation de la Lune allait commencer, qu’on irait en vacances sur les autres planètes, qu’on aurait des voitures volantes, des robots domestiques, et d’innombrables autres inventions qui nous rendraient la vie plus simple, plus confortable, ou peut-être tout simplement : plus merveilleuse, plus magique. Et tout ça était à portée de main, là, peut-être dans les années quatre-vingt dix, au plus tard en l’an 2000 !

Hélas, si nous regardions avec tant d’envie le XXIe siècle, c’est plutôt vers le passé que la plupart des gens regardent à présent… Il faut dire que notre époque ne regorge pas vraiment d’exploits comparables, qui seraient de nature à galvaniser toute une génération et qui pourraient nous donner envie d’espérer en l’avenir.

C’est bien pour ça qu’il faut lancer au plus vite les premières missions martiennes.

Nessie

Ce lac est bizarre. Pas étonnant que des centaines de témoins aient cru y déceler un monstre. D’abord, l’eau est noire. Vraiment noire. Même près du rivage, où la profondeur n’excède pas quelques dizaines de centimètres, on distingue à peine le fond, on a un sentiment inhabituel d’épaisseur, d’opacité. En amont du Loch, un système d’écluses permet aux bateaux de rejoindre le Caledonian Canal ; on a l’impression qu’elles sont remplies d’encre, tellement l’eau y est sombre.

Et puis sur ce lac, on voit en permanence des sillages curieux, des trucs qui flottent, des ombres, des endroits où les vagues se creusent soudainement sans raison apparente et d’autres où au contraire la houle disparait presque totalement… D’après ce que j’ai compris, ces phénomènes sont dus aux interactions entre plusieurs courants sous-marins et le vent en surface.

Ajoutons à tout cela un brouillard fréquent, quelques verres de whisky, un peu d’auto-persuasion, et voilà Nessie !

Le principal musée du coin joue la carte de l’honnêteté et ne laisse pas vraiment de place au mythe. Au fil des salles, on découvre les incohérences entre les témoignages (tant en terme de taille qu’en terme de morphologie) qui rendent peu crédibles que toutes ces apparitions soient dues à une seule et même bestiole. On apprend qu’à cause de l’opacité de l’eau, le plancton (qui a besoin de photosynthèse) se développe mal, ce qui limite la pyramide alimentaire au point qu’il est impossible que le Loch contienne assez de nourriture pour permettre à un quelconque animal préhistorique d’y survivre. Et on voit les résultats négatifs des innombrables campagnes d’exploration au sonar menées depuis quelques décennies.

Mais que le musée affirme l’inexistence du monstre n’empêche nullement la boutique attenante de faire tout son chiffre d’affaire en vendant des effigies de la bête ! C’est de bonne guerre et d’ailleurs ça marche, puisque j’en ai acheté une…

En ce qui nous concerne, ce brave Nessie, nous avons eu du mal à le trouver. Un peu partout, des cartes postales nous le montraient pataugeant au milieu d’un petit lac parmi la végétation ; la littérature au verso de ces cartes restaient hélas assez évasive quant à la localisation exacte de ce lac. Heureusement, les internets sont venus à notre secours ! Après de longues recherches, nous avons fini par trouver sur Flickr une photo identique à l’une de ces cartes postales ; parmi les commentaires de cette photo, des informations suffisamment précises pour nous permettre de localiser par recoupements l’endroit sur Google Map ; et sur la vue satellite, la preuve irréfutable qu’il était là. Dès le lendemain matin, nous étions sur place !

Le plus grand mystère du Loch Ness reste tout de même de savoir comment ça se prononce. Dans le musée sus-cité, la voix off du documentaire dit /lɒk/. Les habitants du coin disent /lɔx/ (même son que la jota espagnole) conformément aux règles de prononciation du scots. Et dans un film vu hier soir, un personnage dit carrément /lɔç/ (même son que dans ich en allemand).

En même temps, quand on sait qu’Édimbourg se prononce /ɛdɪnbərə/, on ne s’étonne plus de rien.

Conduire à gauche

Dans quelques jours, à nous les rives du Loch Ness, les distilleries des Highlands et les dantesques paysages de l’Isle Of Skye ! Je vous préviens, les Écossais, si je ne vois pas Nessie, même de loin, même un simple sillage flou à la surface de l’eau, je réduis le Château d’Édimbourg en cendres. Je prévois deux difficultés majeures à ce séjour : comprendre l’accent local, et le nombre de boutiques qu’il va falloir faire avant que je trouve un tartan qui me plaise pour mon kilt ; mais je n’ai peur de rien et à l’instar d’un Mac Leod, il faudra me décapiter pour que je renonce !

En ce qui concerne la conduite, je ne suis plus vraiment un débutant en matière de conduite à gauche, mais je me rappelle à quel point cela m’avait stressé la première fois que j’avais loué une voiture outre-Manche. Pour ceux que ça intéresse, voici donc un petit gros billet sur la question, le genre de billet que j’aurais aimé lire à l’époque de ma première fois sur les routes de Sa Majesté.

D’abord, la voiture. Je conseille d’en louer une sur place : tant qu’à conduire à gauche, autant avoir le volant du bon côté ! Avec une voiture française, vous aurez des problèmes de visibilité pour doubler, vous aurez les phares qui éclaireront du mauvais côté de la route (les phares d’une voiture sont toujours réglés en biais, pour bien éclairer le bord de la chaussée tout en évitant d’éblouir les conducteurs en face), vous galèrerez aux péages et aux distributeurs de tickets de parking, etc. Sans parler du compteur de vitesse gradué en kilomètres alors que toute la signalétique est en miles.

Une question que l’on peut se poser (en tout cas, moi, je me l’étais posée) est de savoir si dans une voiture anglaise, le poste de conduite est juste déplacé à droite, ou bien si tout est inversé comme dans un miroir. Là-dessus, je vous rassure, rien ne change ! L’embrayage et la commande des clignotants sont toujours à gauche, tandis que l’accélérateur et la commande des essuie-glaces sont toujours à droite. De même pour la boîte de vitesses, la première reste à gauche (donc loin de vous) et la cinquième reste à droite (donc près de votre genou gauche). Au pire, si vous avez peur de ne pas réussir à passer les vitesses de la main gauche, vous pouvez toujours louer une automatique. Mais franchement, ce n’est pas difficile, on s’habitue vite.

Au niveau circulation maintenant, je ne vais pas vous mentir, la première journée est abominable. Il faut tout réapprendre. Réapprendre le placement sur la chaussée, parce que ça n’a l’air de rien, mais se trouver à droite de la voiture change la perception qu’on a du véhicule dans l’espace ; réapprendre les endroits et les directions d’où peuvent venir les dangers, ce qui implique de regarder dans le bon rétro et tourner la tête du bon côté aux bons moments ; réapprendre les contrôles lors des arrivées aux intersections… Faire un simple demi-tour sur une route étroite vous demandera cinq manœuvres au lieu d’une habituellement. Évitez aussi d’avoir à faire un créneau en plein milieu d’une grosse artère ; pour votre première journée, visez plutôt les parkings déserts… Il est également possible que vous rayerez plus d’une fois les enjoliveurs des roues gauches contre le trottoir.

Le soir, vous serez dans un état d’épuisement nerveux inimaginable. Mais après une bonne nuit de sommeil, en reprenant le volant le lendemain, vous découvrirez à votre grande surprise que tout ira beaucoup mieux ! C’est que vous aurez inconsciemment intégré les automatismes et serez bien plus à l’aise. Votre cerveau est incroyablement plastique, il possède une grande capacité de désapprentissage et d’apprentissage. Au bout d’une semaine, vous trouverez la conduite à gauche tellement évidente et naturelle que c’est le retour en France que vous commencerez à craindre. Ne vous inquiétez donc pas trop. Il suffit de pratiquer et ça vient tout seul. Il faut juste survivre à la première journée.

Il faut aussi noter qu’il y a quelques subtiles nuances entre notre Code la Route et le Highway Code britannique ou irlandais.

Tout cela est bel et bon mais évidemment, je vous vois venir avec vos gros sabots avec votre chapeau melon : votre plus grande peur est qu’à la suite d’un réflexe malencontreux, au détour d’une intersection, vous vous retrouviez à circuler du mauvais côté de la route !

Si vous êtes en Angleterre, je vous rassure, il est tout simplement impossible que cela vous arrive. Le réseau britannique est surchargé. Même en pleine nuit, même au fin fond du Wiltshire, le concept de « petite route déserte » n’existe pas. Comme il vient toujours quelqu’un en face, il est virtuellement impossible de se tromper et de se mettre à rouler du mauvais côté.

En revanche, si vous êtes en Irlande ou au milieu des Highlands, il est possible que vous vous trouviez sur une route déserte. Dans ce cas, rien ne vous empêche de vous tromper et d’ailleurs, je vous avoue que ça m’est arrivé une fois, une seule et unique fois, pendant cinquante mètres, j’ai roulé du côté droit de la route. Restez concentré ! Le plus gros piège, ce sont les routes très étroites : si vous devez croiser un véhicule venant en sens inverse, pensez surtout à le croiser par la gauche, c’est à dire à serrer le bas-côté gauche de la route. En bon continental, on a le réflexe de faire l’inverse.

Il y a cependant un truc auquel je ne me suis jamais habitué, juste un petit truc, malgré des années de pratique. Quand je m’assois au volant d’une voiture anglaise, je cherche systématiquement la ceinture de sécurité à ma gauche. Rien à faire, j’essaie d’y penser, je me concentre, mais c’est un réflexe, pour peu que je sois pressé ou distrait par autre chose, je m’assois, j’insère la clef dans le contact et ma main droite va instinctivement chercher cette foutue ceinture au dessus de mon épaule gauche. Là où il n’y a rien, en l’air, entre les deux sièges. Mais je ne désespère pas, mon cerveau réussira bien un jour à désapprendre ce geste idiot…

La Part Des Anges

J’ai toujours eu un faible pour le cinéma social anglais, avec des films comme The Full Monty, Brassed Off, Billy Elliot ou même Get Real. Impossible donc de passer à côté de The Angels’ Share, le dernier Ken Loach.

C’est l’histoire d’une bande de paumés condamnés à quelques heures de travaux d’intérêt généraux suite à des conneries mineures. L’une est kleptomane, l’autre tellement idiot qu’il se laisse toujours embarquer dans des coups minables, un autre a des problèmes de comportement violent – principalement en réaction à sa belle-famille qui le traite comme une merde et ne rate pas une occasion de lui casser la gueule. Tout ce beau monde fait la connaissance d’un vieil éducateur qui va tenter de les réinsérer en les initiant au monde du whisky.

Le scénario est cousu de fil blanc, les choses se mettent en place de façon si évidente qu’on en devine l’issue dès la moitié du film. Mais ça n’est pas très grave, on passe un bon moment entre les frasques de cette petite bande, l’anglais mâtiné de scots qu’ils parlent, les dégustations de whisky, la visite des bas fonds de Glasgow ou celle d’une distillerie des Highlands.

Contrairement au cinéma américain, tout n’est pas tout noir ou tout blanc. Pas de lutte du Bien contre le Mal, pas de rédemption par la souffrance. Au contraire, si nos amis s’en sortent, c’est plutôt par l’alcool et en ne faisant pas que des choses légales. Et les acteurs n’ont pas tous des tronches à faire la une des magazines de mode. Ce qui ressemble assez à la vraie vie, finalement, et c’est ça qui me plaît bien.

La grosse frustration, en revanche, c’est de voir et d’entendre parler de whisky pendant une heure trente sans en avoir sous la main. Du coup, je me suis rué sur une bonne bouteille en sortant du cinéma…

Fête Nationale

photo

Ablutions

Nous avons dans notre nouvelle maison une salle de bain absolument magnifique. La douche est spacieuse, avec une marche pour s’asseoir et une étagère pour aligner les produits de beauté. Les murs sont vert jade, le carrelage est un joli damier vert et blanc, il y a des frises de galets au mur et des poissons rouges sur la porte de douche. La pression est bonne, on peut choisir entre quatre jets différents, un thermomètre donne la température de l’eau. Il ne se passe pas un matin sans que je nous félicite d’avoir dessiné et bâti une salle de bain aussi agréable.

Hélas, partout ailleurs dans le monde et notamment dans les hôtels, campings et autres lieux de vacances, les salles de bains semblent avoir été conçues par le diable en personne.

Il y a les pommeaux de douche fixés au mur de façon inamovible et leur contraire, les pommeaux de douche impossibles à faire tenir au mur. Avec les premiers, l’eau ne pouvant tomber que du dessus de votre tête, il est impossible de se rincer correctement l’entre-jambe. Avec les seconds, comme vous avez toujours une main prise pour tenir le machin, il ne vous en reste plus qu’une seule pour vous savonner. Variante assez sadique : les douches où le pommeau ne tient sur son support mural que dans une position telle que l’eau ne vous tombe pas dessus mais arrose le mur.

Il y a les cabines munies d’un rideau. Je ne crois pas qu’il existe de sensation plus désagréable au monde que celle du rideau de douche en plastique froid et mouillé qui vient se coller à votre peau. Il y a aussi les cabines munies d’une porte qui ferme mal, ou bien tout simplement démunies de tout moyen de fermeture ; et c’est la peur incessante du dégât des eaux qui vous gâche le plaisir de la douche.

Il y a les douches non thermostatées, où vous passez votre temps à lutter contre ces foutus robinets qui ne proposent que deux réglages : froid polaire ou lave en fusion. Mention spéciale pour les chauffe-eau à gaz, que les allumages et extinctions aussi intempestifs qu’aléatoires transforment en de remarquables pourvoyeurs de douches écossaises.

Il y a les douches asthmatiques qui ne déversent leur eau qu’avec une telle parcimonie, mince filet ou goutte-à-goutte, que le rinçage de votre abondante chevelure devient un authentique calvaire. Pour peu que l’eau soit pauvre en calcaire, le calvaire devient supplice : le shampoing mousse plus que d’habitude tout en étant encore plus difficile à rincer.

Quant à la plomberie anglaise, ma fréquentation des hôtels, Bed & Breakfast et autres Guest House dans les campagnes de l’autre côté du Channel m’a apprit depuis longtemps qu’elle pouvait cumuler tous ces problèmes à la fois, ce qui est une sorte de performance tout à fait remarquable.

Je comprends bien l’objectif des tenanciers d’établissements. Si les douches étaient agréables dans les hôtels, leur consommation d’eau s’en verrait probablement doublée, ce qui ne serait ni économique, ni écologique. Mais tout de même, ces problèmes aquatiques, ça me gâche un peu les vacances à chaque fois.

(Mise à jour : cette petite planche signalée par un aimable lecteur illustre à merveille ce billet !)

Cathédrale de Rouen

photo

La changement, c'est pas maintenant

Plus que les expulsions elles-mêmes, ce qui m’avait énormément choqué sous les ères Hortefeux, Besson et Guéant, c’est que l’administration française mentait, falsifiait des documents, piégeait des usagers, pour atteindre le quota d’expulsion d'étrangers fixé par le gouvernement. Documents signés à la photocopieuse ou par une personne non habilitée, procédures non respectées puis mensonges devant le tribunal administratif pour nier ces non-respects de procédure, arrestations illégales (par exemple au sein même du service de préfecture où l’usager avait été convoqué : un traquenard déclaré illégal par plusieurs juridictions), droits d’asile refusés en dépit du bon sens, mépris des condamnations de la CEDH… Lisez les blogs d’avocat, les journaux, les témoignages : c’est édifiant.

Que l’administration en vienne à mentir pour piéger ses citoyens est à mon sens la chose la plus terrifiante qui soit. C’est un pas vers l’arbitraire, un pas vers un système où personne ne peut se défendre puisque la législation est appliquée à la tête du client, un système où personne ne peut prouver sa bonne foi puisque l’État lui-même est de mauvaise foi. C’est l’univers de 1984, l’univers des films de Costa-Gavras, c’est un pas vers l’abandon du droit, un pas (timide certes, mais un pas quand même) vers la dictature.

Je suis abonné à diverses mailing-list d’associations humanitaires. Si j’en crois les informations que je reçois par ce biais, rien n’a changé.

Manuel Valls, François Hollande, vous foutez quoi ? Ne venez pas me dire qu’il faut du temps pour signer les décrets ou voter les lois, il n’y a pas besoin de loi ou de décret ici. Il faut juste envoyer une circulaire aux préfets pour leur dire d’arrêter de faire du zèle et de recommencer à respecter la loi française. Ca ne doit pas être bien compliqué, non ?

J’veux du queer

La plupart des gens ne réalisent pas à quel point la vie est difficile trois cent soixante quatre jours par an pour certains homosexuels et transsexuels : ceux chez qui cela se voit.

Ils ignorent ce que c’est que de se faire traiter de pédale tous les soirs en traversant sa cité pour rentrer chez soi. Ils ignorent ce que c’est que de se forcer à prendre une voix grave et à contrôler ses gestes quand on doit adresser la parole tard le soir à des mecs dans un train de banlieue. Ils ignorent ce que c’est que de juste effleurer son copain sur le quai d’une gare, alors qu’autour, tous les autres couples se roulent des pelles. Ils ignorent ce que c’est que ces discussions entre collègues, anecdotes de la vie de couple, souvenirs de vacances, d’où l’on se tient en retrait par peur d’en révéler trop.

Bien sûr, les choses changent. On sort du placard. Mais pas tant que ça. On sélectionne. Tel collègue, tel ami, tel membre de la famille, on n’a pas peur, on est à l’aise, on ne s’embarrasse pas de précautions. Mais avec tel collègue qui cumule les sorties bien grasses sur les pédés, avec tel ami qu’on sait issu d’un milieu classiquement peu ouvert, avec tel membre de la famille qu’on connait pour ses idées ultra-réacs, on se méfie – le plus souvent pour rien, mais comment savoir à l’avance ? L’enjeu est trop grand. À la clef, c’est votre lieu de travail qui devient un enfer au quotidien ou votre famille qui vous rejette.

La gay pride, avant tout, c’est ça : un formidable espace de liberté qui n’existe pas les autres jours de l’année. Un jour où la grande folle peut faire sa grande folle sans aucun risque, un jour où les garçons et les filles peuvent se rouler des pelles en pleine rue devant tout le monde, un jour où personne n’a pas besoin de falsifier qui il est.

Les pédés qui trouvent que la gay pride donne une mauvaise image de l’homosexualité m’emmerdent. Il ne comprennent pas que le but de la gay pride est justement de dénoncer les carcans normatifs, de montrer l’infinie variété des styles de vie possible, et surtout, de dire que le style de vie des uns ne menace pas le style de vie des autres.

Le problème n’est pas que l’homosexualité ait ou pas une bonne image. Le problème est qu’il se trouve des gens pour avoir un avis définitif sur ce qui a ou n’a pas une bonne image, autrement dit, qu’il se trouve des gens pour avoir une vision normative des autres. Et je trouve tout de même très triste que parmi ceux-là se trouvent autant de pédés.

La réalité, c’est que loin de donner une mauvaise image, la gay pride a ces quinze dernières années complètement banalisé l’homosexualité. Lors de ces dernières prides, j’ai remarqué une nouveauté : parmi les marcheurs, il y a de plus en plus d’adolescents en couple hétéro. Ils ne sont probablement pas là pour la revendication politique ou pour le soutien à notre cause, à quinze ans, ça leur passe sûrement assez loin au-dessus de la tête. Non, ils sont là parce qu’il y a de la bonne musique, qu’on fait la fête, qu’on s’amuse, que tout ce joyeux bordel a une image un peu rebelle attirante.

Mais peu importe. Ce qui compte, c’est que tous ces jeunes hétéros sont là au milieu des pédés, des grandes folles, des queers, des freaks, des drag queens en platform shoes, et qu’ils s’y sentent bien. C’est un signe qui veut dire que leur génération, celle qui vient, sera beaucoup plus tolérante que la nôtre.

Le Redoutable

Quelle que soit la direction où l’on tourne le regard, ce ne sont que tuyaux, conduites, câbles électriques, manettes, vannes et manomètres. Comment a-t-on pu assembler un engin pareil sans se tromper ? Tous les fils sont de la même couleur !

Comment les gens qui pilotent cette machine arrivent-ils à la maitriser, à savoir que pour faire telle opération, il faut ouvrir ou fermer telle vanne qui se trouve à tel endroit dans telle coursive, parmi les milliers de vannes qui existent ? Ca dépasse mon entendement.

Il y a là de de la vapeur sous pression, des conduites hydrauliques, des conduites d’air comprimé, des conduites d’eau de mer, des conduites d’eau douce, de l’électricité haute tension, de l’électricité basse tension. Bref, tout ce qui peut passer par un tuyau.

Dans la salle de lancement des missiles, un système de transmission d’ordre sécurisé avec les algorithmes de cryptage les plus puissants de l’époque, côtoie le système de communication le plus primitif qui soit : un tuyau en cuivre avec un pavillon de trompette à chaque bout. De même, sur la passerelle, une centrale inertielle dernier cri avec son gyroscope sur trois axes côtoie un bête fil à plomb pendu au mur.

Ce devait tout de même être un grand malade, le type qui a eu l’idée d’enfermer dans un espace aussi réduit une centrale nucléaire, une turbine à vapeur, des alternateurs, des moteurs électriques, des compresseurs en tous genres, quelques diesels de secours, une usine de retraitement des déchets, des tonnes d’explosif, seize missiles et pas mal de torpilles, un bloc chirurgical, une cuisine de collectivité avec des vivres pour soixante-dix jours, les ordinateurs les plus puissants du moment… Et une centaine de jeunes garçons pour faire fonctionner tout ça.

Où que l’on porte le regard, l’horizon n’est jamais plus loin que quelques mètres. Il parait que l’œil et le cerveau s’adaptent. Et que c’est le retour à terre, qui est le plus difficile.

Le perroquet de l'alchimiste

(Mise à jour : ajout de quelques notes de bas de page pour éclaircir les chiffres.)

Je suis très partagé sur le sujet de l’ouverture du don du sang aux homos. On va un peu vite à voir de la discrimination là où il n’y a que des statistiques. Les homos sont plus souvent atteints d’infections sexuellement transmissibles que les hétéros, c’est une simple réalité, corroborée par toutes les enquêtes de prévalence, ainsi que par le schéma des épidémies récentes qui toutes ont commencé par toucher la communauté gay en premier : le SIDA bien sûr, mais aussi la résurgence de la syphilis par exemple[1].

Vous vous dites : je suis en couple stable, je n’ai donc pas plus de risque qu’un couple hétéro d’attraper une saloperie, il n’y a donc aucune raison que je ne puisse pas donner mon sang. Vous vous dites : ce n’est pas l’homosexualité qui doit contre-indiquer le don du sang, mais les pratiques à risques, comme avoir de nombreux partenaires ou fréquenter les bordels.

Ce raisonnement ne tient pas. Vous êtes en couple stable, certes, mais il est possible que votre mec vous trompe. C’est banal. Ca arrive aussi souvent dans les couples homos que dans les couples hétéros (les mauvaises langues diraient même : plus souvent !). La grosse différence, c’est que quand un homo trompe son mari, il le fait avec une personne qui a 100 fois plus de chances d’être séropositive que la personne avec qui un hétéro tromperait sa femme[2]. De ce fait, la probabilité qu’un homo en couple stable soit séropositif sans le savoir est très significativement supérieure à la probabilité qu’un hétéro en couple stable le soit.

Idem pour la fréquentation des boîtes à cul ou échangistes : quand on le fait dans le milieu gay, pour la même raison, c’est beaucoup plus risqué que quand on le fait dans le milieu hétéro. Les médecins ne s’y trompent pas, c’est bien le milieu, et donc incidemment l’orientation sexuelle, qui est une contre-indication. Pas la nature de la pratique elle-même. Pratiques égales, risques différents.

On raconte que les alchimistes avaient toujours un perroquet dans leur laboratoire, parce que cet animal très sensible aux émanations leur servait de signal d’alarme pour le cas où leurs expériences se mettaient à dégager des fumées toxiques. C’est triste à dire, mais les gays tiennent ce même rôle en épidémiologie des IST : ce sont toujours les premiers atteints lorsqu’une épidémie se déclare. C’est pour cela que ne tient pas non plus l’argument qui consiste à dire qu’il n’y a aucun risque puisque tous les prélèvements sanguins sont testés. Les échantillons sont testés, certes, mais uniquement pour les maladies connues. L’exemple du SIDA en 1980 nous a appris que de nouvelles IST pouvaient émerger ; et l’expérience nous apprend que si ça se reproduit, elles commenceront très probablement par frapper la communauté homo en premier.

Il y a par ailleurs le problème, un peu vulgaire mais pourtant non négligeable, du coût. Prélever du sang, puis le tester pour une large palette de maladies, coûte cher. L’EFS cherche naturellement à éviter de récolter des échantillons dont la probabilité qu’ils s’avèrent inutilisables est importante.

Enfin, il y a un gros risque en terme d’image. Un jour, un patient sera contaminé par une transfusion. C’est inévitable[3]. Si ça se produit alors que les homos sont exclus du don du sang, on parlera d’accident, d’impondérable, de fatalité. Si ça se produit alors que les homos ont le droit de donner leur sang, on parlera du lobby gay qui a mis en danger la vie des malades en imposant une pratique à risque au Ministre de la Santé. Et ça sera très difficile à contre-argumenter, parce que globalement, ça ne sera pas complètement faux.

L’interdiction du don du sang aux homos n’est pas de la discrimination, c’est de la bête statistique. Tout comme l’interdiction faites aux personnes qui ont récemment séjourné en zone tropicale, consommé de la drogue, subi un tatouage ou un piercing, etc. Les médecins responsables du don du sang ne sont pas homophobes, ils savent juste lire des chiffres et les interpréter.

Concentrons-nous plutôt sur les vraies discriminations, ce sera bien plus productif et moins risqué, autant pour la santé des autres que pour notre propre image.

Cap Orne

Marre de la pluie. Un coup d’œil sur un site météo m’apprit qu’il faisait beau en Basse-Normandie. Alors Kawette et moi sommes allés chercher le soleil un peu plus à l’ouest. Une petite boucle Maison, Dreux, Verneil sur Avre, L’Aigle, Sées, Alençon, Mamers, Bellême, Nogent le Rotrou, Chartres, Maison. Quatre cent kilomètres dans la journée et une flopée d’ouvrages gothiques à visiter ! Et une mission accomplie : nous avons bien trouvé le soleil, nous vous l’avons même ramené à Paris.

La plus belle découverte du périple est bien sûr Sées, village d’à peine 4500 âmes mais néanmoins cité épiscopale et siège de l’évêché, avec sa magnifique cathédrale gothique, ses couvents, son abbaye, sa basilique, ses écoles catholiques, et j’en passe. Pourquoi l’Église a-t-elle élu domicile dans ce trou paumé plutôt que dans la grande ville toute proche ? Mystère. Une fâcherie quelconque entre un évêque et le pouvoir local, je suppose. Pas de chance pour Alençon, qui n’a eu ni l’évêché au Moyen-Âge, ni la ligne de chemin de fer Paris-Brest au XIXe siècle, ni l’autoroute A11 au XXe, restant ainsi condamnée au statut de petite préfecture.

Je ne les aime d’ailleurs pas beaucoup, ces petites préfectures de province, toutes bâties sur le même principe, avec une grande rocade pleine de ronds-points qui enserre des quartiers pavillonnaires et des petites cités d’immeubles bas, le tout blotti autour d’un centre historique systématiquement piétonnier : les remparts pour La Rochelle, la cathédrale pour Quimper, l’église Notre-Dame pour Poitiers, l’ancienne halle au blé pour Alençon… On y croise à toute heure de la viande saoule et des punks à chien, on ne s’y sent pas très bien, on se croirait dans un film de Chabrol, il n’y a là que magasins de fringues, galeries commerçantes, et hauts-parleurs qui diffusent de la musique d’ambiance digne de Chérie FM. J’aime les petites villes et les grandes villes, mais pas cet entre-deux.

L’avantage de ces longs trajets routiers à vitesse constante et modérée, c’est qu’on ne consomme rien. Moins de quatre litres aux cent kilomètres, d’après l’ordinateur de bord de Kawette. Du coup on néglige de faire le plein. Oh, j’ai encore le temps, se dit-on chaque fois que l’on croise une station service ! Jusqu’au moment où le témoin de la réserve s’allume alors qu’on est au fin fond de nulle part – entre Nogent le Rotrou et Chartres, pour être précis.

Une foule de villages de plus ou moins grande importance défilent, et pas une goutte de pétrole. Des stations services désaffectées à la pelle. Des garages ouverts mais qui ne vendent pas d’essence. Des garages qui en vendent mais qui sont fermés. Mais où les gens qui habitent ici vont-ils faire le plein de leurs voitures ? On se met à guetter les panneaux qui annoncent les supermarchés à l’entrée des villages. En vain. On veut demander à un autochtone. Mais évidemment, les rues sont désertes. Le pire, c’est qu’à chercher une station dans un endroit inconnu, on fait des détours et on gaspille le fond du réservoir pour rien !

Au bout d’une demi-heure, j’avais définitivement intégré l’idée que j’allais tomber en panne, la seule inconnue étant : où et quand. Trente-cinq kilomètres sur la réserve, quand même, ça commençait à faire. Et soudain, j’ai eu l’idée de chercher Super U sur mon iPhone. Bingo. Il y en avait un à même pas trois minutes. Je ne l’aurais jamais trouvé sans. Promis, j’irai allumer un cierge à la mémoire d’Apple, de Google Map et du protocole TCP/IP !

Petite chevauchée sur l’autoroute pour finir. L’occasion de tester le télé-péage en moto, à propos duquel j’avais lu absolument tout et son contraire : que c’était autorisé, que c’était interdit, que ça ne marchait pas, que ça marchait mais qu’on était facturé le tarif voiture, qu’il fallait le mettre dans telle poche mais pas dans telle autre sinon ça ne captait pas, etc. J’ai bêtement glissé le badge dans mon blouson et me suis présenté à la barrière. Qui s’est ouverte sans encombre. Pareil à la sortie. Heureusement, parce que je ne me voyais pas enlever mes gants, attraper le ticket, le glisser dans une poche, refermer la poche, remettre les gants, avec quinze voitures s’impatientant derrière…

La question à mille brouzoufs est maintenant de savoir si j’ai été facturé pour la bonne catégorie de véhicule. Je suis allé voir sur le site VINCI Autoroutes, mais la facturation détaillée des trajets n’y apparait qu’après quelques jours. La raison de ce délai échappe d’ailleurs totalement à ma compréhension. Le système télé-péage est entièrement informatisé, depuis les bornes sur les autoroutes jusqu’aux sites web des exploitants. Mon esprit limité est incapable de concevoir une seule raison technique valable qui ferait qu’un passage à un péage ne soit pas instantanément visible sur son compte sur internet. À moins qu’il y ait deux systèmes séparés incapable d’inter-opérer, avec une armée de personnel administratif pour recopier les infos à la main de l’un à l’autre, du lundi au vendredi, de 9h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00. Brazil !

Prometheus

Il y a deux coups de maître dans le premier Alien de Ridley Scott. Le fait qu’on ne voit que très furtivement la bestiole (la crainte du monstre est beaucoup plus effrayante que le monstre…) et la dernière partie du film, intégralement filmée caméra à l’épaule en courant dans des couloirs obscurs. Les épisodes suivants de la saga tombent dans le film horrifico-fantastique banal et n’ont pas le moindre intérêt.

Alien, c’est un des deux seuls films que je n’ai pas pu voir entier au cinéma. J’ai dû sortir avant la fin[1]. Beaucoup trop oppressant pour mes petits nerfs. Il m’a fallu quelques diffusions à la télé, dans le confort et la sécurité de mon chez moi, pour en venir à bout.

Alien, c’est un film culte. Je ne pouvais donc pas rater Prometheus, le prequel réalisé par Ridley Scott lui-même ! (Attention, il n'y a pas vraiment de gros spoilers ci-dessous, mais si vous souhaitez arriver vierge à la projection, ne lisez pas la suite !)

Bon, ne tergiversons pas : c’est une grosse daube. L’esthétique est très réussie, la 3D est utilisée à bon escient (c’est à dire qu’elle se fait oublier), la musique est magnifique (j’aurais rêvé d’une partition aussi bien foutue pour Le Seigneur des Anneaux). Et c’est tout.

Le scénario est indigent. C’est un enfilage de clichés, un copier/coller de scènes déjà vues mille fois dans d’autres films (Alien, Abyss, Leviathan, X-Files…) : le robot androïde qui finit décapité mais qui parle toujours, les expériences militaires de biologie, le vaisseau spatial souterrain, l’alien introduit dans le corps sous la forme d’une huile noire, l’ADN qui mute, les gens qui sont morts mais en fait non pas tout à fait les revoilà ils bougent encore et ils ne sont pas contents du tout… Il n’y a aucune cohérence. Pleins de trucs arrivent comme un cheveux sur la soupe et ne sont jamais expliqués. À quoi sert la scène d’ouverture ? D’où le robot humain sait-il utiliser la technologie des « ingénieurs » ? Quelles sont les motivations de ces extra-terrestres ? Voire même : quelles sont les motivations de tous les personnages ? (Je vous épargne cinquante autres questions du même genre pour ne pas en révéler trop, des fois qu’il vous prendrait l’idée saugrenue d’aller voir ce film). Mystère. N’importe quel épisode de Lost est plus limpide.

Comme il s’agit d’un prequel, on s’attend évidemment à ce que la fin raccroche les wagons du début de la série. Pendant la dernière heure, on cherche donc, on s’interroge, on se demande comment tout ça va pouvoir finir en une colonie d’œufs d’aliens au sang verdâtre et corrosif abandonnés sur une planète déserte. On espère un twist, une révélation incroyable qui éclairerait soudainement toute la saga Alien. Eh bien vous savez quoi ? On ne le saura jamais. Il n’y a pas de twist, pas de révélation. La fin de ce film n’a aucun rapport avec le début du film suivant. Ce prequel n’explique rien, n’éclaire rien, n’introduit rien. C’est juste un banal film de SF de série B.

Il aurait fallu déconnecter ce Prometheus de l'univers d'Alien. Là, l'attente est trop forte, on est forcément déçu. J'aurais à coup sûr apprécié le même film, avec peut-être un scénario un poil plus solide, s'il avait été présenté pour ce qu'il est plutôt que si on avait essayé de me le vendre comme un prequel et comme le retour de Ridley Scott à la SF. Dommage.

Monumenta 2012

Je suis en grand fan de l’exposition Monumenta. Le principe consiste à demander chaque année à un artiste de remplir entièrement la nef du Grand Palais avec une installation d’art contemporain. Je n’ai raté qu’une seule édition depuis 2007. Cette année, c’est Daniel Buren qui s’y colle.

Les œuvres présentées dans le cadre de Monumenta sont toujours ludiques. Ce ne sont pas des œuvres statiques devant lesquelles le spectateur se plante, comme dans un musée classique. Ce sont des œuvres immenses, à l’intérieur desquelles le spectateur doit entrer, évoluer, chercher les angles sous lesquels l’œuvre lui parle.

Selon les années, on voit des gens toucher l’installation, chuchoter ou crier pour s’amuser des échos, s’allonger par terre pour contempler la nef, apporter un pliant et s’assoir au beau milieu de l’œuvre pour s’imprégner de l’ambiance… Cette année, on voit des gens danser dans les taches de couleur ou s’allonger sur les miroirs.

J’y vais toujours de nuit. L’ambiance nocturne colle généralement mieux aux œuvres exposées, et puis il y a moins de monde. Mais pour la première fois, je crois que je vais y retourner en plein jour. De toute évidence, cette œuvre-là est conçu pour être vue en plein soleil.

Page 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11